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 Résurrection d'une esclave.

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Azakahra Grishnakh
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MessageSujet: Résurrection d'une esclave.   Résurrection d'une esclave. Icon_minitime17/1/2015, 01:28


    31ème jour d'Automne, année 1650.
    Îles Jumelles, Domaine d'Îleval, Ville d'Îleval, Quartiers riches.


    « Il est temps. »

    Ceci furent les mots que prononcèrent l’homme de main, lorsqu’il vint se matin-là à la porte de la cellule dans laquelle elle dormait depuis bientôt trois saisons. Il devait être tôt, car il ne faisait pas encore jour, bien que le soleil ne tarde à pointer le bout de son nez en ces jours d’automne. Les flammes de sa torche éclairaient la pièce, habituellement plongée dans le noir. L’esclave dormait ici, depuis qu’elle avait été rachetée à Îleval. Ses muscles étaient meurtris, son dos endolori, malgré tout, elle parvint à se redresser de sa couchette qui, dure comme de la pierre, n’aidait pas à améliorer son état. Se levant et arrangeant ses habits au mieux, elle se dressa et se mit au garde à vous, si bien qu’à peine fut-il entré qu’elle était déjà droite comme un i, le menton relevé, les bras le long du corps. Elle n’appréciait guère les personnes d’autorité du domaine d’Îleval. Ils étaient si irrespectueux et si hautains, par rapport à ceux du navire, ou même ceux qu’elle avait croisé au marché lors des ventes de poisson. Il faut dire que c’étaient de grandes gens, de hauts rangs, et ils attendaient beaucoup plus d’un esclave que pouvaient en attendre les pêcheurs du Vaillant.

    Les rayons du soleil commencèrent à percer entre les barreaux de la cellule, et le reflet de ceux-ci vint illuminer le visage d’Azakahra, dévoilant ses traits tirés, ses cernes creusées, sa balafre cicatrisée, mais encore rougeâtre. Le coup de fouet ne l’avait pas épargnée. Elle n’avait pas revu le marchand d’esclaves depuis lors, grand bien lui fasse. Après une rapide inspection, le garde lui mit les fers et fit mine de la suivre. Elle avait pris l’habitude de porter ces lourdes entraves de métal, car, si elle était libre de ses mouvements sur Le Vaillant, ici, la confiance en les esclaves était moindre. La Torkos le suivit sans rechigner, la tête basse. Les autres détenus n’étaient pas encore réveillés, et le silence régnait en maître dans les couloirs dallés. Seul le cliquetis des chaînes qui entravaient les mains de la femme résonnaient contre les murs de pierre froide. Ils montèrent des marches, empruntèrent maintes allées, pour enfin arriver devant une porte boisée, ornée de deux épées croisées. En entrant, Azakahra s’émerveilla.

    Une pièce immense, remplie d’armes et d’armures, de couteaux, de dagues et d’épées, d’arbalètes et d’arcs, de pistolets, de haches et de marteaux … Un véritable trésor s’étendait sous ses yeux. Elle comprit alors pourquoi on lui avait passé les fers. Assis dans un coin, somnolant sur une chaise, un autre garde. L’homme de main vint le saisir par l’épaule et le releva d’un coup sec, le traitant de fainéant, et lui somma de préparer les affaires de l’esclave. Alors il se hâta, ne voulant pas décevoir de nouveau. En quelques minutes, toutes les pièces de la panoplie étaient prêtes. Une armure de plaques, une cote de mailles, un foulard rougeâtre et épais, une hache impressionnante et deux lourdes bottes, ainsi que des gants. Le garde lui confia que tout ceci avait été fait sur mesure, excepté la hache qui était un trésor de guerre récupéré des Torkos.

    Une femme entra alors dans la pièce, et se fit, elle aussi, sermonner pour son retard. Elle avait une besace et une bassine d‘eau fumante. Elle déshabilla Azakahra, l’assit  l’esclave et commença à la toiletter, la peigner, avec une douceur agréable. Elle coupa les cheveux qui dépassaient l’épaule du côté où la Torkos en avait, lui tailla les sourcils, lui raccourcit les ongles, récura sa peau dans les moindres recoins, lui nettoya le visage. La regardant finalement avec un sourire satisfait, elle fut immédiatement congédiée, si bien qu’elle n’eut pas le temps de dire un seul mot. Avec simplement le rictus bienfaisant de l’esclave comme remerciement. Le premier homme vint ensuite lui retirer les fers, la leva avant de lui revêtir son armure, avec l’aide de l’intendant de l’armurerie. C’était lourd, et à chaque pièce posée sur son corps fatigué, Azakahra manquait de faillir sous leur poids. Heureusement, son long entraînement l’avait suffisamment musclée. Fut enfin le tour du marteau, que la jeune femme saisit avec une poigne de fer. Le soulevant avec une étonnante facilité, elle fit quelques mouvements dociles et le posa à terre. Il lui donnèrent aussi une dague, un peu plus petite qu’une épée, légère et bien équilibrée.Hochant la tête, l’homme de main lui fit de nouveau signe de la suivre. Elle fit signe à l’intendant pour le remercier et quitta la pièce, emmenant son marteau, le manche posé sur son épaule.

    Le chemin fut long, et son arme se faisait de plus en plus lourde. Ils marchèrent, marchèrent, durant des minutes qui parurent des heures. Lorsqu’ils s’arrêtèrent enfin, ce fut devant une maison immense. Levant la tête, les traits tirés, la Torkos fut tout de même ébahie. Le Mésorian se saisit du heurtoir en forme de lion, dont la gueule ouverte tenait un anneau doré, ce même anneau que l’homme de main utilisa pour faire résonner la porte bruyamment. Il semblait impatient de se débarrasser de l’escorte. Une femme ouvrit la porte. Elle semblait, elle aussi, être Torkos. Après de brèves salutations et une présentation des plus rapides, l’homme s’en alla, laissant Azakahra seule, sans un mot d’adieu. Sa semblable la fit entrer et ferma les portes derrière elles.

    L’intérieur étant davantage resplendissant. Tout puait la richesse et la surenchère. C’était propre, trop propre, si bien que l’escorte eut peur de salir ne serait-ce que par sa présence. Elle posa son marteau à l’entrée et suivit la servante. Cette dernière lui fit un petit résumé de sa nouvelle fonction.

    « Vous êtes dorénavant sous les ordres de la famille Delenol. Plus précisément d’Iliahys, la plus jeune de la fratrie. Je vous préviens, j'ai l'impression qu'elle n’apprécie pas la présence de nous autres. La discrétion est de rigueur. »

    Ils arrivèrent devant les bâtiments de la jeune maîtresse et la servante frappa, s’annonça et attendit une  réponse. A ce moment, Azakahra eut peur que son cœur s’arrête subitement… Il n’en fut rien. En revanche, elle entendit une douce voix émaner de la pièce.

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MessageSujet: Re: Résurrection d'une esclave.   Résurrection d'une esclave. Icon_minitime20/1/2015, 18:24

Demeure Delenol – Trente et unième jour d'automne 1650
  L’on ne pouvait pas dire que cette journée débutait au mieux. Lorsqu’Esther était venue me réveiller et m’aider à me préparer, j’étais déjà debout, m’étant tirée du sommeil aux aurores sans parvenir à me rendormir tant je me sentais nerveuse. Cela devait d’ailleurs se voir, car Esther en vint à se moquer gentiment de moi après que je lui eusse fait changer ma tenue pour la troisième fois.
  Et comment l’en blâmer ? Qui donc se mettait dans de tels états simplement pour l’arrivée d’un esclave ? C’était ridicule, j’en avais parfaitement conscience, et pourtant je ne parvenais pas à me sortir de cette humeur. Je n’avais ni l’envie ni le besoin d’Escorte mais n’avais aucun moyen de m’y dérober, et, contrainte de l’accepter, je craignais de lui faire mauvaise impression, de lui déplaire, de ne pas me montrer à la hauteur… J’allais sous peu être responsable d’un autre être humain, et pour tout dire, cette idée m’effrayait, en plus de me déplaire singulièrement.
  Quel besoin avait donc eut Mère de m’attribuer un Escorte — une Escorte d’ailleurs, me semblait-il —, à moi qui passais le plus clair de mon temps entre ces murs, et ne sortais guère que pour promener Harmonie ? Je connaissais la réponse à cette question, en réalité ; il y avait déjà bien longtemps qu’elle me relançait à ce sujet, arguant qu’outre l’aspect sécuritaire, il était bienséant pour une jeune personne de mon rang d’être accompagnée — une autre manière de dire qu’il fallait montrer que nous en avions les moyens… Les événements récents, bien sûr, n’avaient fait qu’amener de l’eau à son moulin, me rendant difficile de rétorquer que je n’avais rien à redouter et donc aucune nécessité d’être particulièrement protégée. Sans compter que, par exceptionnel, Samaël était pour une fois du même avis et faisait front commun avec elle, si bien que je n’avais pu, mise la veille devant le fait accompli, que céder dans un soupir. Je n’avais jamais rien pu refuser à mon frère, et puisque la transaction était déjà effectuée, qu’aurais-je bien pu faire ?
  Je me retrouvais donc à devoir accueillir une personne dont j’étais désormais propriétaire — cette idée me mettait profondément mal à l’aise — alors que j’ignorais jusqu’à son nom. Comment se comporter face à quelqu’un qui vous appartient ? Comment peut-on même posséder un autre être humain ? Des questions auxquels vingt-cinq ans de vie n’étaient pas parvenus à apporter une réponse, et sur lesquelles il était un peu tard pour me pencher…
  Après avoir finalement réussi à choisir une tenue — une robe simple d’un vert pâle — j’avais envoyé ma chère camériste vaquer à d’autres occupations. J’étais suffisamment mortifiée d’avance par cet entretien pour me passer de témoins supplémentaires. Je m’étais installée dans mon petit salon, faisant mine de lire en espérant parvenir à me détendre, mais sans parvenir à concentrer mon esprit sur les lignes qui s’étalaient devant mes yeux. Lorsque des coups furent frappés à ma porte, je me relevai précipitamment, déposant mon livre sur le guéridon à côté du fauteuil que j’occupais, avant de passer machinalement les mains sur le devant de mon jupon pour y remettre de l’ordre en même temps que ma voix s’élevait pour répondre.
 
« Entrez ! »

  Les deux Torkos obtempérèrent, et, si je connaissais la première, mon attention se posa rapidement sur la seconde. Elle était grande pour son peuple, et fort impressionnante dans sa lourde armure. Mon regard glissa sur sa chevelure taillée de façon pour le moins intrigante, pour se fixer sur la longue estafilade qui barrait sa joue. Que lui était-il donc arrivé ? Je dus l’observer ainsi quelques secondes avant de réaliser l’impolitesse de mon comportement et de me reprendre. Je détournai rapidement les yeux et affichai un sourire de circonstance.

« Merci Grinda, vous pouvez nous laisser. »

  Une fois que la domestique eut pris son congé, je revins à ma visiteuse, veillant cette fois à la regarder dans les yeux. Je n’étais toutefois pas à mon aise, me sentant gauche et embarrassée, incertaine du protocole à suivre dans ces circonstances, mais je fis tout de même de mon mieux pour l’accueillir aussi courtoisement que possible.

« Tout d’abord, soyez la bienvenue ! J’espère que vous vous plairez ici. Je me nomme Iliahys… mais j’imagine que vous devez déjà être au courant. En revanche, je crains personne n’ait pris la peine de me donner votre nom. »

  Je lui adressai un maigre sourire d’excuse, sans trop savoir moi-même s’il était dû à mon ignorance de son identité ou à mon piètre discours de bienvenue… Alors que je la détaillai davantage, mon regard se posa sur l’arme qui pendait à sa ceinture, qui me tira un léger frisson, comme à chaque fois que je me trouvais en présence de l’un de ces objets de mort. Je relevai donc les yeux, et réalisai combien nous devions sembler ridicules, plantées ainsi face à face telles deux potiches. Aussi lui désignai-je l’un des fauteuils en lançant précipitamment :

« Oh mais je vous en prie, asseyez-vous ! À moins que vous ne préfériez que je commence par vous faire visiter les lieux ? Une chambre a été préparée à votre intention juste à côté, si jamais vous désirez y déposer vos affaires ou vous changer… Si vous préférez être installée avec les autres Torkos, cela peut également être arrangé sans problème. »

  Réalisant que j’étais en train de m’empêtrer moi-même dans mon discours, je m’interrompis et, fermant les yeux, pris une grande respiration pour tenter de me calmer les nerfs. Lorsque je rouvris les paupières, retrouvant une ébauche de sourire sous mon air navré, j'ajoutai en manière d’explications :

« Je vous prie de m’excuser si je vous semble quelque peu confuse. Je n’ai jamais eu d’escorte jusqu’à aujourd’hui, et dois reconnaître n’être pas très au fait de la manière dont ces choses sont censées se dérouler… »

COMMENTAIRE(S) HORS-RP :
puce3 J’espère ne pas t’avoir fait trop attendre, et que ma réponse te conviendra ! Si ce n’est pas le cas, n’hésite pas à me signaler quoi que ce soit qui pourrait te poser problème ! Smile
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Azakahra Grishnakh
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MessageSujet: Re: Résurrection d'une esclave.   Résurrection d'une esclave. Icon_minitime20/1/2015, 23:33


    Le temps parut long, très long, avant que la porte ne s’ouvre et ne laisse enfin entrevoir une vague silhouette. L’escorte prit une grande inspiration et emboîta le pas de sa consœur. Si elle avait pu se cacher derrière elle, elle l’aurait fait, mais bien malheureusement, elle était trop grande et trop épaisse pour pouvoir se dissimuler derrière la « frêle » femme de chambre. Azakahra n’osait lever les yeux, et les laissa longtemps rivés sur le sol. De l’extérieur, elle apparut comme une enfant, peu fière après avoir fait une bêtise. Elle aurait voulu être toute petite, ridicule, minuscule, invisible. Comme elle l’avait toujours été. Au lieu de cela, toute l’attention était rivée sur elle, et elle seule. L’esclave sentait le regard de sa nouvelle maîtresse peser sur elle, la détailler. Elle serra la mâchoire. Rien au monde n’avait été aussi éprouvant pour elle. Son mental d’acier était mis à nu, révélant quelqu’un de peu fier, peu confiant, mal à l’aise. Les secondes parurent des heures, et les minutes, des années, alors que la jeune femme congédia l’autre Torkos, Azakahra crut l’entendre l’appeler … « Grinda ».

    Elle osa enfin relever la tête, une fois la porte fut claquée, et révéler son regard noir et profond comme les abysses de la Mer du Trident, sur laquelle elle avait tant navigué. Deux yeux d’un vert pâle vinrent se planter dans les siens, la figeant, net, comme un éclair foudroyant. L’escorte ne bougea pas d’un pouce, la laissant l’observer à sa guise. Face à ces pupilles, elle se trouva comme nue. On aurait dit que rien ne pouvait lui échapper, que la Mésorianne pouvait tout lire en elle, ses plus sombres pensées et ses rêves les plus inavoués … Le rouge lui vint aux joues, peu habituée. L’atmosphère de la pièce était pesante, et l’attitude des deux jeunes femmes n’arrangeait en rien la chose. La damoiselle prit enfin la parole, lui souhaitant la bienvenue, se présentant très humblement. Sa voix était douce et calme, et son attitude, posée. Elle était vêtue d’une robe légère assortie à ses yeux. Iliahys était son nom, et il sonna dans sa gorge comme un écho qui venait s’écraser sur les rochers. Quel beau prénom elle avait. À peine eut-elle le temps de finir sa petite tirade qu’Azakahra posa le genou à terre et se recourba légèrement au-dessus de ce dernier.

    « C’est un honneur de faire votre connaissance, Dame Iliahys. On me nomme Azakahra Grishnakh, mais vous pourrez m’appeler de la façon qui vous sierra le mieux. Je suis extrêmement honorée d’avoir été nommée en tant qu’escorte de madame. Je tenterai de vous servir avec honneur, bravoure, et je n’hésiterai pas à mourir pour vous défendre. »

    Puis, l’esclave se tut. Elle avait pris l’habitude de taire ses paroles quand le moment était venu. Car personne n’aime les Torkos trop bavards. Immobile, elle attendit une réponse. L’escorte se sentait pourtant presque fébrile. Son corps était si lourd, et ses mains, tremblantes. Sur son visage coulait déjà une goutte de sueur. Elle ignorait si la chaleur ambiante y était pour quelque chose, ou si sa propre angoisse la rendait folle. La goutte perla et alla s’écraser sur une des plaques de son armure dans un très léger « ploc ». Puis le silence se fit. La douce voix de sa maîtresse le brisa de nouveau. Cependant, Azakahra n’y comprenait rien. La Mésorianne semblait si familière, si courtoise avec elle … Cela ne se pouvait. Se raclant la gorge, l’asservie releva la tête, toujours avec le plus profond respect, ne souhaitant pas dominer sa maîtresse du regard. Elle allait pourtant remettre sa parole en question.

    « [color:394a=#ff6633M’asseoir ? Je crains ne pas pouvoir accepter, dame Iliahys. Mon devoir est de vous protéger, non de me reposer. De plus, je suis extrêmement gênée d’apprendre qu’une chambre a été apprêtée pour ma venue. Je ne m’attendais pas à tant de grâce de votre part, madame. Vous êtes trop aimable. Je suppose qu’il sera plus pertinent que je sois non loin de vous lorsque les ténèbres recouvriront le monde, car nombre de personnes mal intentionnées pourraient vous vouloir du mal, lorsque la lune sera voilée. »

    La Torkos se maudit intérieurement de parler comme si elle était une poète renommée. Elle se mordit la langue et plissa les yeux, hochant la tête de gauche à droite, s’insultant de tous les noms dans son esprit. La maîtresse reprit, avec encore plus de douceur. Le cœur de l’esclave se tordit, et une boule se forma dans sa gorge.

    « Ne me priez pas de vous excuser, dame Iliahys. Il n’y a rien à excuser, je comprends que vous puissiez être confuse. Je me ferai aussi discrète que votre ombre, et je vous garantis que vous ne remarquerez jamais ma présence. Je serai … La mouche qui virevolte autour de votre monture, l’araignée qui pend aux étagères, mais qui nullement ne se posera sur le dos de votre main. »

    Un peu plus et elle allait se cogner le front avec le plat de sa main. Quelle cruche. Quelle effrontée. Si jamais un proche de la famille Delenol l’entend, s’en est fini d’Azakahra Grishnakh. Plus d’esclave, plus d’escorte, plus de mots enjolivés pour mimer une éducation poussée, alors que durant toute son enfance, elle gisait dans le foin et passait sa journée à récurer le crottin des chevaux, durant une bonne partie de sa vie, elle avait trituré les cadavres de milliers de poissons morts, et qu’elle avait esquinté ses mains sur des cordes rêches, arpenté les océans sans prendre un bain durant des semaines … Et maintenant, elle se prenait pour un noble cœur en baragouinant de belles phrases. Si ça mère avait été là, elle l’aurait giflée. Aucun Torkos ne pouvait être digne de parler ainsi à un Mésorian de haute famille, encore moins à son maître, encore moins à la personne dont la protection lui a été confiée … Non. Secouant la tête, se mordant la lèvre, elle murmura dans un soupir :

    « Je vous demande pardon… »

HRP:
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MessageSujet: Re: Résurrection d'une esclave.   Résurrection d'une esclave. Icon_minitime24/1/2015, 20:45

Demeure Delenol – Trente et unième jour d'automne 1650  
 Si je m’étais certes attendue à ce que la jeune femme se montrât respectueuse à mon égard — et même plus que je ne l’aurais jugé nécessaire —, je me sentis parfaitement prise au dépourvu lorsqu’elle poussa le zèle jusqu’à mettre un genou au sol devant moi. J’étais bien sûr touchée par tant d’égards, mais surtout gênée de cette déférence que je n’avais rien fait pour mériter.
  Mon embarras ne fit qu’augmenter après qu’elle eut pris la parole. J’en étais encore à me répéter mentalement son nom, afin de m’assurer de m’en souvenir correctement, lorsque ses derniers mots me figèrent. Mourir pour me défendre ? Par les dieux, comme c’était extrême ! Je ne souhaitais certes voir mourir personne, et encore moins par ma faute… Comment pouvait-elle donc vouer ainsi à sacrifier sa vie pour une femme dont elle ne savait encore rien ? Tout cela m’échappait parfaitement, et je ne pus que bafouiller timidement en réponse.

« J’ose espérer que vous n’aurez jamais à en arriver là… »

  Me sentant parfaitement sotte à l’observer ainsi de toute ma hauteur, je l’invitai à venir s’asseoir, espérant que cela l’inciterait au moins à changer de position, m’emmêlant moi-même dans des élucubrations sans queue ni tête. Ma tentative n’eut toutefois pas le résultat escompté, et si elle releva à tout le moins le regard sur moi, elle ne bougea pas davantage avant de se lancer dans une nouvelle déclaration, tout aussi grandiloquente que la précédente.
  Si une petite partie de moi s’étonnait qu’une Torkos sût s’exprimer d’aussi jolie façon — non pas que je les eusse cru plus sots que n’importe qui d’autre bien entendu — j’étais, comme précédemment, surtout stupéfié par le fond de ses propos. Comment pouvait-elle m’être dévouée à ce point, au-delà même du bon sens semblait-il, sans rien connaître de moi ? C’aurait pu bien sûr n’être qu’un discours appris par cœur et simplement répété pour plaire à ses nouveaux maîtres, mais je n’en avais pas l’impression. Je la sentais au contraire parfaitement sincère, et ne savais trop qu’en penser.
  Au-delà de mon incompréhension, je ne pouvais qu’être touchée par cette loyauté qu’elle affichait d’ores et déjà à mon égard, mais je lui trouvais également quelque chose d’effrayant. Et si je la décevais ? Si elle finissait par réaliser que je ne méritais pas toute cette considération qu’elle m’avait montrée ? Qu’elle s’en rendît compte ou pas, d’ailleurs, je réalisai que j’étais terrorisée à l’idée de n’être pas digne de la confiance de cette femme qui venait rien moins que de m’offrir sa vie…
  Ce fut lorsqu’elle s’excusa à son tour, sans que j’en comprisse le motif, que je me tirai de mes pensées. Pourquoi diantre aurais-je donc dû la pardonner ? Je ne voyais dans ses propos rien qui aurait pu passer pour répréhensible de quelque manière que ce fût ! Comme elle n’avait toujours pas bougé, je m’approchai et me penchai légèrement en avant, lui tendant la main pour l’inviter à se relever, sans toutefois oser la toucher. Je secouai doucement la tête de gauche à droite en même temps que je pris la parole, d’une voix quelque peu perplexe mais bienveillante.

« Je ne vois rien à vous pardonner, je suis au contraire très honorée par tout ce que vous avez dit.  Mais relevez-vous je vous en prie. Puisque nous sommes entre nous, peut-être pourrions-nous oublier les cérémonials et nous contenter de rester simple, qu’en pensez-vous ? Et je pense que vous pouvez vous passer des “Dame Iliahys” à mon égard, mon prénom ou un simple “Mademoiselle” me semble amplement suffisant. »

  Je tentai, timidement, de glisser vers elle un sourire de connivence, espérant que ma proposition ne l’offenserait pas d’une manière ou d’une autre. Si je n’avais jamais été très adepte du protocole, bien que je le respectasse lorsque je le devais, peut-être y attachait-elle au contraire une grande importance pour sa part… Peut-être aurais-je mieux fait de ne rien dire et de la laisser s’adapter à son rythme aux habitudes de la maison ? Comme tout cela me semblait compliqué… Je ne doutais pas qu’avec le temps, nous parviendrions à nous apprivoiser, ou à tout le moins à nous habituer l’une à l’autre — en tous les cas l’espérais-je au plus haut point ! — mais pour l’heure, j’avais la sensation de marcher sur des œufs, et trouvait toute cette atmosphère pour le moins pesante. Gageant que nous avions toutes deux grand besoin de nous détendre, je me décidai à passer à la suite, espérant qu’une discussion d’aspect plus pratique nous aiderait à dissiper le malaise qui semblait vouloir s’installer entre nous.

« Je vais vous montrer votre chambre ! Si vous voulez bien me suivre… »

  Et sans plus de cérémonie, je me dirigeais vers une porte que j’ouvris, avant d’inviter la jeune femme à me précéder dans la pièce adjacente. Puisque ce serait dorénavant son lieu de vie, il me semblait normal de la laisser y entrer la première. Puisque j’avais annexé la pièce qui aurait normalement dû revenir à mon Escorte pour y installer Mitts, Mère avait improvisé et fait aménager en chambre mon boudoir, que je n’utilisais de tout manière pas. Sans être vraiment spacieuse, la pièce était d’une taille respectable, mais chichement meublée. Un lit, une armoire de taille modeste, un râtelier — vide — pour ses armes, et, dans un coin, une manière de mannequin que je devinai destiné à accueillir son armure lorsqu’elle ne la porterait pas. Outre celle par laquelle nous venions d’entrer, deux autres portes siégeaient de chaque côté de la pièce, mais une unique fenêtre l’éclairait.

« Ce n’est pas à proprement parler luxueux bien sûr, mais ce devrait à tout le moins être confortable. Cette porte donne directement sur ma propre chambre, et celle-ci sur le couloir, ce qui vous permet de pouvoir aller et venir à votre guise sans avoir nécessairement à passer par mes appartements. Je ramassai sur le lit une clef qui y avait été déposée, que je tendis ensuite à Azakahra. Les portes intérieures n’ont pas de serrure, mais elles sont chacune dotée d’un verrou de chaque côté, si bien que nous pouvons l’une comme l’autre les fermer de notre côté respectif. Cette clef quant à elle ouvre la porte du couloir, ce qui vous permet de verrouiller tout à fait la pièce lorsque vous sortez, si vous le désirez. Mathrim, notre majordome, en a un double, comme de toutes celles de la demeure, mais vous avez ma parole qu’il ne l’utilisera pas sans votre permission sauf cas de force majeure. »

  Ayant soudainement l’impression de noyer la pauvresse sous un flot d’informations plus ou moins pertinentes, je m’interrompis pour lui laisser le loisir d’observer ses nouvelles possessions, et de me poser des questions si elle en avait. En attendant, je restais dans le coin où je me tenais, à côté de la porte, toujours incertaine du comportement à adopter.
COMMENTAIRE(S) HORS-RP :
puce3 J’ai hésité à m’arrêter après la seconde réplique d’Iliahys, mais j’avais peur que ça ne te fasse pas assez de matière. Si tu aurais préféré que j’en reste là afin que ton personnage puisse réagir, n’hésite pas à me le signaler et j’éditerai pour supprimer la suite. Smile
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Azakahra Grishnakh
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MessageSujet: Re: Résurrection d'une esclave.   Résurrection d'une esclave. Icon_minitime28/1/2015, 17:28


    La jeune Mésorianne semblait si gênée des propos d’Azakahra que l’escorte ne tarda pas à se relever, non sans difficulté tant son armure était lourde. Mais elle ne cilla pas, trop peureuse de s’étaler au sol devant Dame Iliahys. Il faut dire que l’esclave n’avait pas lésiné sur la belle parole. C’était un de ses atouts, lorsqu’elle vendait le poisson fraîchement pêché au port d’Îleval. Elle avait longuement observé les nobles Mésorians, leur façon de se déplacer, de s’exprimer. La Torkos s’attarda alors sur sa nouvelle maîtresse tandis qu’elle parlait, pour la décrypter à son tour. Celle-ci semblait maniérée, timide et à la fois dotée d’un fort caractère qui devait avoir donné du fil à retordre à plus d’un. Elle était à la fois similaire et différente des autres de son ethnie. Ils étaient tous uniques, c’est vrai, mais Azakahra considérait tous les Mésorians avec la même estime. Elle les respectait beaucoup. Cependant, Iliahys semblait … à part. Les mots de la femme de chambre lui revinrent rapidement à l’esprit.

    Très vite pourtant, elle fut tirée de ses rêveries par le sourire maladroit de la femme qui était dorénavant sous sa protection. Elle tenta d’y répondre, ne réussissant hélas qu’à esquisser une grimace qui ressemblait plus ou moins à un sourire. Sous ses airs de brute épaisse, l’escorte n’était pas plus à l’aise que son interlocutrice. La Torkos n’avait absolument aucune idée de la façon dont elle devait procéder avec elle. A part à se battre, on ne lui avait pas appris grand-chose de son nouveau rôle. L’atmosphère s’apaisa enfin lorsque la jeune femme demanda à Azakahra de la suivre, ce que cette dernière fit sur le champ, s’écartant de son chemin machinalement. La Mésorianne n’était pas épaisse, il était donc facile de l’éviter, malgré le fait que l’armure de son escorte soit deux fois plus large qu’elle, si bien qu’avec une tête de plus, son esclave aurait pu lui faire de l’ombre. Comme quoi, son unique rôle pouvait ne pas se limiter qu’à la protéger. Cela pourrait s’avérer utile, les jours de grand soleil.

    Lui emboîtant le pas dès qu’elles furent sorties, elle fut cependant surprise qu’on la laisse passer en premier dans ce qui allait être sa chambre. Entrant, les yeux grands ouverts et les sourcils haussés, elle découvrit une petite pièce qui semblait tout à fait confortable avec de jolis meubles, un lit, une armoire et même un râtelier qui accueillera son arme, mais qui était vraisemblablement trop petit pour l’énorme marteau qui l’attendait à l’entrée. Une silhouette inerte attira l’attention d’Azakahra. Penchant la tête sur le côté, elle s’en approcha et découvrit que ce n’était qu’un mannequin. Tapotant l’épaule de l’objet, elle eut un léger rire de sa voix rauque et profonde.

    « Haha, ça n’est que toi. »

    Elle se retourna et écouta attentivement sa maîtresse, qui était déjà repartie dans un flot de paroles assez difficile à suivre. Prenant la clé, la Torkos tenta de reprendre le fil, en vain. Elle se contenta alors de sourire et de hocher la tête, ne sachant pas si elle devait fixer sa maîtresse ou bien acquiescer avec pudeur. L’esclave se surprit à la trouver jolie, et ne put s’empêcher de se demander si elle avait un mari. Mais cette pensée ne fit qu’effleurer son esprit, et lorsque cette dernière se tut (enfin), Azakahra lui répondit cordialement :

    « Je vous remercie pour cette chambre, qui est à cent lieues de ce dans quoi je vivais dans le bateau de pêche dans lequel j’ai servi auparavant. Je ne pouvais pas rêver mieux, cet endroit est lumineux, spacieux, confortable et il y a tout ce dont un Torkos peut rêver pour son confort personnel. A ce propos, je reviens. - avant de franchir le pas de la porte, elle se retourna - [/color]Je n’en ai pas pour longtemps.[/color] »

    Elle dévala le chemin jusqu’à l’entrée à vive allure dans un cliquetis de plaques d’armures, prit son marteau, oubliant presque sa lourdeur démesurée, et remonta avec encore plus de brouhaha. Elle fit attention de ne pas casser l’encadrement de la porte et posa sa pesante arme au sol, près du râtelier, dans un gros « boum ». Le regard inquiet, elle espéra secrètement ne pas avoir fait un trou dans le sol. Il faut dire que ce marteau était impressionnant. Doté d’un long manche avec à son bout une garde plus épaisse entourée de cuir , sa table équivalait à deux fois le poing d’Azakahra, et sa panne était effilée et se terminait en une pointe qui pouvait transpercer un Yelko si on lui donnait assez de vitesse. Quelques runes étaient gravées sur le métal deçà-delà, et pourtant la finition générale ne donnait pas l’impression qu’il fut forgé par des Torkos, mais par des êtres bien plus minutieux. Se grattant la nuque, preuve de sa gêne, elle reprit la parole après s’être raclée la gorge :

    « Dam- … Mademoiselle Iliahys, avez-vous des activités particulières qui rythment vos journées ? Que je sache à quelle heure je dois me tenir prête pour vous escorter. Avez-vous des recommandations particulières ? Je sais que le choix de vous munir d’une escorte n’est pas votre souhait, malheureusement, puisque je suis là dorénavant, j’aimerai être à votre écoute et faire en sorte que cela se passe le mieux possible pour vous. Je ne veux en aucun cas vous importuner, malgré cela, je suis dans l’obligation de vous suivre dès que vous quittez cette maison. J’en suis navrée, et je peux comprendre que cela puisse vous entraver dans votre liberté. Les lieux où vous irez seront tenus secrets, soyez-en rassurée. Si vous souhaitez passer un moment seul à seul avec quelque homme qu’il soit, je vous protégerai avec grande discrétion. Je vous en fait la promesse. »

HRP:
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MessageSujet: Re: Résurrection d'une esclave.   Résurrection d'une esclave. Icon_minitime31/1/2015, 19:01

Demeure Delenol – Trente et unième jour d'automne 1650
 Je réalisai me détendre sensiblement lorsqu’elle m’annonça apprécier la chambre que je lui présentai. Je ne doutais pas que mon inexpérience en la matière me pousserait à commettre faux-pas et impairs, qu’il nous faudrait à chacune un temps d’adaptation avant de pouvoir espérer qu’une relation s’installât entre nous, mais à tout le moins avais-je évité un premier écueil.
 Intriguée par les propos qu’elle avait énoncés, j’hésitais à l’interroger sur son passé, sur ce navire de pêche qu’elle avait mentionné, la manière dont elle était devenue Escorte et était arrivée ici, ignorant s’il s’agissait là de choses qui se pouvaient demander ou d’un sujet à éviter. Elle m’en ôta toutefois l’occasion en annonçant qu’elle revenait bientôt avant de disparaître par l’embrasure de la porte. Je restai donc plantée là, sans doute un peu sottement, attendant son retour sans bien savoir que faire. Fort heureusement elle ne fut guère longue, et bientôt un fracas de métal m’annonça son retour.
 J’en étais à me dire que j’espérais quelque peu qu’elle prendrait l’habitude de se passer de son armure au moins à l’intérieur de la demeure, ce qui serait sans doute plus confortable pour tout le monde, lorsqu’elle réapparut finalement, encombré d’un imposant marteau dont je ne parvins pas à détacher les yeux, aussi impressionnée que stupéfaite. Était-ce là l’arme qu’elle maniait en combat ? Par les dieux ! Je ne pouvais que prier de n’avoir jamais à la voir à l’œuvre, préférant ne pas imaginer les dommages qu’un tel instrument pouvait causer… Si je n’avais nulle intention de m’y essayer, je doutais fort d’être capable ne serait-ce que de simplement le soulever. Elle que je trouvais déjà intimidante, ainsi équipée je ne doutais pas une seule seconde que sa simple présence à mes côtés découragerait toute velléité hostile à mon égard…
 Je me forçai à me tirer de ma contemplation morbide en l’entendant reprendre la parole, mais il me fallut quelques instants pour retrouver suffisamment de concentration pour en saisir le sens. Étant enfin parvenue à reprendre le fil de la conversation, je hochai la tête en assentiment à sa remarque. Bien entendu, c’était le bon sens même que de l’informer, et de lui éviter de rester constamment sur le pied de guerre inutilement. Je me figeai légèrement en revanche lorsqu’elle évoqua le fait qu’avoir une Escorte n’était pas de mon désir. C’était la pure vérité bien entendu, mais je trouvai néanmoins tout à fait cavalier qu’on le lui eût ainsi notifié, au risque de la faire se sentir malvenue ou importune. Mon inconfort à ce sujet ne regardai que moi, et elle n’avait aucunement à en souffrir. Toutefois, ces considérations s’effacèrent totalement de mon esprit sur les derniers mots qu’elle prononça.
 Venait-elle réellement de sous-entendre ce que j’avais cru comprendre ? Une gêne indicible me gagna à l’idée qu’elle évoquait, et je me sentis rougir furieusement alors qu’une désagréable chaleur gagnait mes joues. C’était là un sujet que l’on n’abordait sous aucun prétexte dans le monde qui était le mien, et j’en restais incapable de réagir pendant plusieurs secondes. Je ne la blâmais aucunement bien sûr, je n’ignorais pas que les mœurs de son peuple différaient grandement des nôtres à ce sujet et, devinant qu’elle n’avait été guère habituée à fréquenter des gens de mon milieu, ne pouvait lui tenir rigueur de son ignorance des tabous qui y régnaient. Mais, pour moi, le sujet était si inconfortable que je ne pus tout d’abord que bafouiller une suite de mots incompréhensibles avant que de parvenir à me reprendre un tant soit peu.

« C’est à dire… je ne… ce n’est… Une telle situation ne devrait pas se présenter. »

 La dernière phrase avait été lâchée que mes lèvres parvenaient à la formuler, les mots se bousculant les uns après les autres, sur un ton dont je me rendis soudainement compte qu’il pouvait sembler sévère, ce qui n’était aucunement mon intention. De fait, derrière mon embarras, derrière cette idée ô combien inconvenante, je devais admettre que j’appréciais le fond de ce qu’elle avait tenté de me transmettre, et que je lui en était, en réalité, tout à fait reconnaissante. Prenant une longue inspiration pour tenter de me calmer, je fis donc de mon mieux pour occulter ce qui concernait d’éventuelles indécences pour me concentrer sur la teneur principale du message : la confiance que je pouvais avoir en elle. Quoi que je préférasse ne pas trop creuser cette question non plus, et éviter de me demander jusqu’à qu’elle point cette discrétion qu’elle me promettait m’était acquise… Ayant recouvré un semblant d’emprise sur moi-même, je lui adressai un sourire bienveillant en reprenant la parole.

« Mais je vous remercie pour le sentiment, croyez bien que je ne l’oublierai pas. Et je vous en prie, ne craignez pas de m’importuner. Vous faites votre travail, et je le respecte tout à fait. »

 Une fois que je fus en état d’y penser plus sereinement, je trouvai en réalité fort attentionné de sa part qu’elle eût pris la peine de s’en inquiéter. Il semblait que nous eussions en commun le souci de ne pas causer de tracas inutile à l’autre, et j’appréciai infiniment ce trait de caractère, non seulement parce que j’en étais en l’occurrence la bénéficiaire, mais plus simplement pour ce qu’il était, tout bonnement. Me rappelant soudainement son propos initial, que toutes ces émotions étaient parvenues à me faire oublier.

« Pour ce qui est de votre question, je sors en réalité très peu, et de manière assez irrégulière. À la vérité, je crains que vous n’en veniez à vous ennuyer, tant ma protection ne devrait guère vous donner de travail. Je veillerai bien sûr à vous avertir de mes projets aussi en avance que possible, de manière à ce que vous puissiez vous occuper comme bon vous semblera le reste du temps. Oh, vous pourrez naturellement sortir à votre guise quand je n’aurai pas besoin de vous. »

 J’avais ajouté cette dernière précision comme une illumination soudaine, et de fait j’avais été bien près de n’y pas penser tant cela me semblait évident et naturel. Mais je m’étais souvenue qu’une telle autorisation n’avait en réalité rien de systématique, et ne voulais pas qu’elle restât cloîtrée entre ces murs comme je le faisais simplement parce que je n’aurais pas songé à le spécifier explicitement.
 J’aurais d’ailleurs laissé passer un oubli bien plus important, si Mitts ne s’était pas manifesté dans la pièce voisine, sans doute pour signaler qu’il venait de rentrer d’une de ses promenades. Car en effet, si elles ne m’étaient d’abord pas venue à l’esprit, mes sorties avec Harmonie constituaient sans nul doute l’une de ces activités qu’il me fallait mentionner à mon Escorte. Cela m’ennuyait quelque peu d’ailleurs, tant j’appréciai les moments de solitude qu’elles m’octroyaient, mais il ne me fallait bien l’en avertir, ne fût-ce que pour éviter qu’elle ne s’inquiétât pas inutilement en me découvrant absente !

« Ah oui, j’ai failli oublier : je sors chaque matin, environ une heure, faire une promenade à cheval dans la forêt voisine, usuellement en milieu de matinée. Je n’y ai jamais eu le moindre problème, mais je suppose que c’est là l’une des choses qui relèvent désormais de vos compétences ? »

 Si je tâchai de n’en rien montrer, j’espérais qu’elle me répondrait par la négative, qu’elle partagerait mon sentiment que je ne redoutais rien lors de ces escapades, quoi que sans trop y croire. Non pas dans l’espoir de fuir sa compagnie, qui, outre mon habituel malaise dont elle n’était en rien coupable, me semblait devoir s’avérer plutôt agréable, ou à tout le moins parfaitement supportable, mais parce qu’il s’agissait là de mes seuls instants de réelle liberté. Toutefois, je ne me sentais aucunement le droit de lui dicter comment faire son travail, aussi étais-je prête à accepter sa décision, quelle qu’elle soit, sans protestation. Soudainement, une pensée me traversa l’esprit, si vivement qu’elle franchit mes lèvres sans que je m’en rendis compte avant même de lui avoir laissé l’occasion de répondre à ma précédente question.

« Savez-vous monter à cheval ? »

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Azakahra Grishnakh
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MessageSujet: Re: Résurrection d'une esclave.   Résurrection d'une esclave. Icon_minitime1/2/2015, 00:05


    C’est à la seconde même où elle eut soufflé ces mots qu’elle se rendit compte de sa sottise : d’une, elle n’avait aucun droit de questionner la dame sur ses amourettes, car cela était d’une indiscrétion passible de punition, et cela ne la regardait aucunement. De deux, si sorties secrètes il y avait, elle se devait de les anticiper et de la suivre avec la furtivité d’un renard. Balançant la tête de gauche à droite, elle se maudit intérieurement. La réplique de sa maîtresse claqua à son oreille comme l’aurait fait un fouet, si bien qu’elle ne put réagir qu’en plissant les yeux et en serrant les dents. La tête baissée, ses cheveux noirs vinrent s’écraser contre sa joue. Le silence fit place, et elle n’eut d’autre solution que de rester pantoise face à sa propre bêtise. La Mésorianne reprit simplement la parole, et un soulagement se fit sentir dans le cœur de la Torkos. D’une gentillesse sans pareille, la jeune damoiselle était simplement … Passée à autre chose.

    C’était tout de même étonnant, et, si elle n’en fit pas la remarque, l’esclave songeait. Une aussi jolie fille que dame Iliahys n’attirait pas la convoitise des jeunes damoiseaux en quête d’amour et d’eau de rose ? Invraisemblable. De plus, et, au vu de ses dires, elle sortait peu. Une aubaine pour Azakahra qui n’aimait pas le grand air. Sentez-vous le sarcasme dans cette phrase ? Vous devriez. L’escorte avait - en tout et pour tout - passé sa vie dehors. Et si elle ressentit de la tristesse en apprenant qu’elle allait « rattraper le temps perdu » en moisissant entre ces murs, ce n’était rien en comparaison de la joie qu’elle exprima lorsqu’elle entendit qu’elle pouvait tout de même sortir à sa guise. Un large sourire se dessina sur son faciès, tandis qu’elle acquiesçait aux paroles de la demoiselle.

    Comme un oubli, un égarement dans ses pensées, la jeune maîtresse avoua qu’elle avait pour habitude de chevaucher, de bon matin, chaque jour, pour une durée approximative d’une heure. Serrant ses poings pour contenir sa joie, la Torkos ne put cependant pas retenir un plus grand sourire encore que le précédent. Qui s’effaça bien vite pour faire place à une expression d’incompréhension. Dans ses paroles, Azakahra crut déceler chez la noble dame une pointe de déception lorsqu’elle réalisa qu’il était du devoir de son escorte de l’accompagner, où qu’elle aille. Il semblerait que la demoiselle apprécie plus qu’il n’est de coutume sa solitude durant ses chevauchées quotidiennes. Soupirant tout en haussant les épaules, l’esclave ne se permit pas de couper la parole à la Mésorianne et, d’une pierre de coup, répondit aux deux questions, bien que la deuxième soit futile à ses yeux. Malgré tout, il était entendu que sa nouvelle propriétaire n’aie pas été tenu informée du passé de son escorte, et ainsi ne sache pas que celle-ci a vécu une grande partie - quatorze ans, très exactement - aux côtés d’équidés de toute sorte. Peut-être même avait-elle vu naître le sien.

    « Mademoiselle, vous me voyez navrée de la situation. Sachez bien que je comprend votre désir de solitude durant ces promenades matinales, et j’aimerai tout autant que vous avoir la possibilité de vous épargner ma compagnie lorsqu’il me serait gré de le faire. Hélas, je crains que si quelqu’une personne mal intentionnée ait l’intention de vous heurter, ou d’atteindre par votre biais Monsieur Votre Frère, et que s’il serait venu aux oreilles de ladite personne que vous êtes en toute solitude à un moment donné, ce malotru vous attaquerait au moment où vous seriez le plus vulnérable. Et, tout noble et brave que soit votre destrier, je doute qu’il puisse vous défendre de sa vie contre un ennemi armé. - elle marqua une pause, les sourcils déformés par la moue désolée qu’elle adressa à Iliahys, puis reprit - Quant à mes aptitudes à l’équitation, mademoiselle, vous n’auriez pas mieux tomber. Sans me venter - elle prit un air assuré, se redressant, bombant presque le torse - je suis peut-être la Torkos la plus apte et la plus douée sur un équidé des Îles Jumelles. J’ai grandi au Haras du Destrier d’Or, à Belhovre. Je ne doute pas que vous en ayez entendu parlé, étant donné que Monsieur  Théophile fournit aux nobles Mésorians une grande partie de leurs écuries. Malheureusement, je crains ne pas avoir de destrier attitré pour le moment. A moins que vous ayez un cheval de libre pour moi … ? »

    Elle se souvint alors de ses premiers essais sur le dos d’un de ces nobles animaux. Quel péril, mais quelle sensation indescriptible de liberté, de vitesse, de hauteur … Tout, sur le dos d’un cheval, paraissait plus accessible, plus beau, plus véritable. Il lui arrivait de fantasmer et de se croire altesse, reine ou générale d’une armée, combattant, chevauchant vers les contrées les plus sauvages d’Archipel en quête de trésors, de pouvoir ou tout simplement de batailles plus épiques les unes que les autres.

    Aujourd’hui, tout cela semblait dérisoire. La petite tête brûlée qu’elle était avait appris à manier une arme, à se sentir vulnérable face aux puissants Mésorians, et à savoir où est sa place. Malgré tout, dans un coin de sa tête, l’escorte continuait d’espérer réaliser de hauts faits, de ces exploits qui vous forgent une réputation incroyable. Bien qu’elle eut déjà sauvé un de ses maîtres de la noyade, elle doutait que cela suffise. Espérant ne jamais avoir à sauver Iliahys de son existence, elle eut cependant une nouvelle envie : sa jeune maîtresse serait-elle la porte vers la liberté ? Vers l’émancipation ? Azakahra fut effrayée rien que d’y songer. L’habitude d’être encadrée, dirigée, menée par une entité supérieure - à défaut de Dieu, ce serait ici un maître ou bien une maîtresse - peut-être. Chaque chose en son temps. Pour l’instant, elle était fière d’avoir été engagée afin de protéger une aussi noble dame que Mademoiselle Iliahys.

    N’attendant, insolemment, pas la réponse de sa maîtresse, la Torkos reprit la parole.

    « Par ailleurs, Mademoiselle, sachez que je ferais de mon possible pour être le plus possible tenue à mes quartiers, car je n’apprécie pas davantage vaquer à des occupations autres que celles qui me sont assignées. Pour autant que je me souvienne, mes précédents acquéreurs avaient tous l’immense gentillesse de m’accorder des temps de repos et de pause. Aussi, par dévouement ou par entêtement, je ne les respectais jamais. J’ai toujours eu dans mes habitudes de faire plus qu’il ne m’en est demandé. Il est spécifié que l’intitulé de mon poste à vos côtés est « escorte », mais si je puis vous servir à quelque autre activité, qu’il s’agisse de rangement, d’entraînement d’armes ou de divertissement, vous m’en verrez ravie. Néanmoins, je m’excuse par avance, mais que Mademoiselle sache que je n’ai aucun savoir de l’art de la lecture ou de l’écriture. Aussi, je serai dans l’incapacité de rédiger votre courrier ou de vous conter une poésie, un roman ou une nouvelle. Parmi tous les savoirs que je possède - de l’amarrage d’un bateau, du dépliage d’une grand voile ou d’une montée de filet de pêche, d’un harnachement de destrier au dressage d’un poulain, d’un récurage de paillasse à la maîtrise d’un cheval fou - on ne m’a pourtant et malheureusement jamais enseigné ce précieux savoir. »
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MessageSujet: Re: Résurrection d'une esclave.   Résurrection d'une esclave. Icon_minitime5/2/2015, 18:19

Demeure Delenol – Trente et unième jour d'automne 1650
 L’expression qu’elle afficha à l’instant même où je prononçais ces mots suffit à me confirmer que j’avais bien fait de prendre la peine de rendre explicite son autorisation à sortir comme elle le voulait. Elle sembla d’ailleurs encore plus ravie lorsque je mentionnai les promenades à cheval, quoi que sa mine réjouie s’effaçât bien vite, sans que j’en comprisse tout d’abord la raison. L’explication m’en vint toutefois bien vite dès qu’elle reprit la parole. Sans doute avais-je laissé paraître plus que je ne l’avais cru de ma déception de ne plus pouvoir profiter de ces moments de solitude, en tous les cas il était indéniable qu’elle l’avait sentie, et elle s’en excusait désormais tout en justifiant la nécessité de sa présence à mes côtés.
 Je fus touchée de la voir si concernée par mon bien-être et mon confort, quand elle eût pu ne se soucier que de ma sécurité, puisque c’était là sa responsabilité. Mais elle avait raison bien entendu, et me fit même voir les choses sous un angle que je n’avais jusqu’alors pas envisagé. Si j’avais certes toujours été membre de la famille Doyenne, il semblait peu probable que l’on cherchât à s’en prendre à moi pour atteindre mon père. En revanche, l’affection que mon frère me portait n’était guère un secret, et faisait désormais de moi une cible des plus alléchantes pour qui voudrait lui nuire ; assurer ma sécurité était donc dorénavant d’autant plus important. De plus, comme elle le soulignait si bien, c’était bien lors de ces promenades que j’étais le plus vulnérable.
 Toutefois, bien davantage que ces arguments pourtant fort sensés, ce fut l’émotion qu’elle afficha ensuite en parlant de son enfance qui me fit reconsidérer ma position. Elle avait à l’évidence un réel intérêt et une affection sincère pour la gent équestre, et la perspective qu’elle prendrait autant de plaisir que moi à ces escapades me rendait l’idée de sa présence à mes côtés infiniment moins pesante. Peut-être serait-ce là l’occasion pour nous de mieux nous connaître, et peut-être même de nous rapprocher ? Je me pris à sourire d’une manière plus enjouée, plus sincère que mon habituel sourire poli ne pouvait l’être, tandis que je hochai doucement la tête pour confirmer que j’avais bel et bien déjà entendu parler de l’élevage qu’elle évoquait.
 Je n’eus toutefois pas l’occasion de répondre à sa question, car elle avait déjà repris la parole. Je ne m’en offusquai cependant aucunement, bien consciente que c’était pour elle comme pour moi période d’adaptation et que nous avions bien des sujets à aborder, et l’écoutai simplement patiemment. Elle était décidément fort dévouée, et c'était tout à son honneur que de vouloir en faire plus que ce qui lui était demandé. Si je ne tenais bien sûr pas à ce qu’elle se tuât à la tâche, je n’avais certes pas l’intention de l’empêcher de faire ce qu’elle voulait.
 Ses dernières paroles m’interloquèrent, et je la fixai un instant, interdite. C’était pourtant on ne pouvait plus logique, rares étaient les Torkos sachant lire, à moins que leur maître ne trouvât un intérêt à le leur apprendre, et si la partie consciente de moi-même le comprenait fort bien, je ne pouvais m’empêcher d’en rester abasourdie. Pour moi qui passais pour ainsi dire ma vie plongée dans des livres, il m’était difficile, pour ne pas dire inconcevable, d’imaginer ne pas pouvoir lire. Sans mes précieux ouvrages, je ne savais ce que je serais devenue…
 Toutefois, je me repris bien vite, et décidai de retenir pour l’instant la question qui me brûlait pourtant les lèvres. Il s’agissait en effet d’un sujet que nous aurions sans aucun doute l’occasion d’aborder plus tard, et, si je voulais que nous avancions, mieux valait se concentrer sur le plus urgent et faire les choses dans l’ordre. Je repris donc mentalement les paroles de la jeune femme, et, ayant retrouvé mon sourire, entrepris de lui répondre méthodiquement.
 
« Comme je l’ai dit, vous serez libre d’user de votre temps comme bon vous semblera, et si vous choisissez de l’employer à vous rendre utile, je ne peux que vous en féliciter. Je ne doute d’ailleurs pas que vous trouverez à vous occuper ! Peut-être pourriez-vous aider aux écuries, si cette activité vous plaît ? À ce propos, et pour répondre à votre question, nous avons effectivement plusieurs chevaux disponibles, ce ne sera pas un problème. Si l’un d’entre eux vous plaît particulièrement, il vous suffira de le dire pour qu’il vous soit attribué personnellement. Et si aucun ne fait votre bonheur, ils pourront au moins vous servir de monture pour m’accompagner en attendant que nous nous en procurions un qui vous conviendra. Nous pourrons passer par l’écurie pendant que je vous ferez visiter la demeure — car je suppose que vous avez été amenée directement ici à votre arrivée et n’avez pas encore eu l’occasion de faire le tour du propriétaire ? »
 
 Je marquai une pause suffisante pour la laisser corroborer ou infirmer cette déduction, et, après avoir reçu confirmation que je ne me trompais pas, lui proposai donc :
 
« Eh bien, pourquoi ne pas commencer tout de suite ? Nous pourrons continuer de discuter tout en marchant, et ce sera sans doute plus agréable que de rester planter là, n’est-ce pas ? »
 
 Je ne savais ce qu’il en était de mon interlocutrice, mais pour ma part, rester ainsi immobile dans cet espace confiné commençait en effet à m’oppresser, et il me semblait que pouvoir bouger me ferait le plus grand bien. De plus, il était bel et bien nécessaire de lui faire découvrir la maison, autant le faire en même temps que nous abordions les sujets à évoquer. Ayant reçu son assentiment, je l’invitai à me suivre et la guidai dans les couloirs. Après lui avoir rapidement indiqué les quartiers de mes frères et de Mère, nous nous éloignâmes de l’aile d’habitation. Tout en marchant, je me tournai vers elle.
 
« Je ne sais exactement ce dont vous pourrez avoir besoin, mais si quoi que ce soit vous fait défaut, n’hésitez pas à me le signaler et je veillerai à y remédier au plus vite. J’avais bien songé à vous faire préparer des vêtements, mais j’ignorais votre taille exacte, et il m’a semblé préférable de vous les laisser choisir si bien qu’il faudra aller en acheter. Je puis vous accompagner en ville un peu plus tard dans la journée, ou demander à un domestique de vous y conduire, selon ce qui vous semble le mieux. »

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Azakahra Grishnakh
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MessageSujet: Re: Résurrection d'une esclave.   Résurrection d'une esclave. Icon_minitime18/2/2015, 13:44


    Dans son regard, Azakahra ne vit que candeur et tendresse. En l’observant et en l’écoutant parler, elle ne s’imaginait pas que cette jeune femme soit, à n’importe quel moment de sa vie, amenée à faire preuve d’une quelconque méchanceté, bien au contraire. Contrairement à ses anciens propriétaires, cette Mésorianne-là semblait être dénuée de toute violence, haine ou besoin de domination. Même si elle ne fut maltraitée que par un seul homme, l’esclave devait reconnaître que les hommes Mésorians avaient l’air bien différents des femmes. Car celle qui se tenait face à elle était comme restée en enfance dans son âme. D’une naïveté et d’une douceur sans pareille, Iliahys semblait comme dans sa bulle, loin de la dureté de la vie et la noirceur de la réalité. Aussi la Torkos voulait-elle faire « redescendre » sa maîtresse sur terre afin qu’elle ne soit pas non plus débordante de gentillesse, bien que cette idée ne déplaisait pas trop à Azakahra. Cependant, cette dernière avait un sens du devoir et de l’honneur tel qu’elle ne pouvait pas se permettre de laisser la jeune femme la traiter comme l’une de ses semblables et avec trop de bonté.

    Pour l’esclave, la relation qu’elle entretenait avec ses maîtres était celle qu’on lui avait imposée à sa naissance, à savoir la domination et la soumission, non pas celle qui inspire la crainte, mais celle qui inspire le respect, l’admiration et la dévotion. Sans ces trois choses, il n’y avait ni maître ni esclave, et les Torkos ne seraient que les égaux des Mésorians, ce qui est impossible. Jamais elle n’avait croisé d’affranchis, et cette idée n’était que fantasme dans son esprit, car beaucoup de question lui venaient lorsqu’elle y pensait : comment vivre en cette société lorsque l’on n’a plus de maître ? Elle se sentirait sûrement comme abandonnée ou perdue, tel un enfant sans parents. Azakahra se contenta alors d’écouter sa jeune propriétaire, qui n’en était pas moins sage et respectable. Celle-ci lui proposait de s’atteler à d’autres tâches que celle qui était la sienne, à savoir escorte. Il est vrai que si la demoiselle passait la plupart de son temps à l’intérieur, la Torkos devait trouver une activité annexe pour ne pas sombrer dans l’ennui. À son grand étonnement, Dame Iliahys lui proposait également de lui acheter un cheval, ce à quoi elle ne put que rétorquer, sans pour autant lui couper la parole, car cela serait indécent et passible de punition :

    « Eh bien, Mademoiselle, je ne peux qu’accepter votre offre concernant l’entretien des écuries. Ce serait pour moi un honneur que de m’occuper des destriers de la maison Delenol. En revanche, je ne puis accepter le fait que vous m’achetiez un cheval. Le prix d’une monture est presque équivalent au mien, et un maître ne doit pas dépenser outre-mesure pour son esclave, cela serait insensé. »

    Elle accompagna la fin de cette phrase par un petit rire et leva les yeux vers le ciel en haussant une épaule, tant cette proposition lui paraissait trop bonne pour être vraie. Jamais elle n’avait eu son propre destrier, et jamais elle ne l’aura, car un Torkos ne peut pas être propriétaire d’une chose ou d’un bien. En revanche, lorsque sa maîtresse lui proposa de visiter les lieux, elle ne put que sourire et hocher la tête silencieusement, car elle se trouvait déjà suffisamment effrontée, pour ne pas dire insultante, envers sa nouvelle tutrice. Il faut dire que, du peu qu’elle en avait vu, la propriété semblait immense. Le ranch de Monsieur Théophile était grand, certes, mais les pièces à vivre n’étaient pas aussi vastes, le plafond était plus bas. Seules les écuries et les stalles étaient assez grandes pour accueillir les immenses chevaux. Quant au Vaillant, le bateau de pêche sur lequel elle avait travaillé durant de nombreuses années, à savoir plus de la moitié de sa vie, c’était un petit navire qui avait trop navigué : le bois craquait à la moindre vague. Il était beau, certes, mais les chambres étaient étroites, si bien qu’Azakahra avait du mal à entrer dans la sienne, car la porte était trop peu large, et le plafond bien bas pour un bâtiment Mésorian. Aussi se glissait-elle de profil à l’intérieur. On pouvait à peine se retourner dans la chambre, car le hamac qui le traversait de part en part  divisait la pièce en deux. L’endroit dans lequel elle se tenait actuellement debout dans la villa Delenol était aussi grand que le bureau du capitaine Ezechiel, voire même plus.

    Elle ne pouvait que s’émerveiller devant de telles magnificences, car elle n’avait jamais connu de telles. La Torkos ne rêvait que d’une chose : que sa mère vienne vivre ici, à ses côtés, et passer ses vieux jours en tant que femme de chambre chez les Delenol. Mais elle était trop humble pour oser demander, le premier jour de surcroît. Même si elles correspondaient par missives, la mère et sa fille ne s’étaient pas vues depuis plusieurs saisons, et cela manquait. Räohran avait toujours été la plus raisonnée et la plus compréhensive de toutes les esclaves Torkos. Azakahra se souvenait même qu’elle était bien plus gentille qu’elle ne l’est maintenant avec ses maîtres, car malgré la dureté du métier, elle gardait toujours le sourire. À l’inverse, sa fille ne souriait que trop peu, et elle lui a longuement reproché. Il faut dire que n’avoir connu que la vie d’esclave n’était pas quelque chose dont rêvait une jeune femme : elle avait envie d’aventure, de combats, et non d’une vie de travail comme sa génitrice. Malheureusement, elle n’avait pas le choix, et devait se contenter de servir et protéger au mieux. Cependant, elle appréciait le fait d’avoir monté un échelon et d’être devenue escorte, car c’est un honneur pour un Torkos que de protéger un Mésorian. Elle avait donc hâte de commencer sa mission aux côtés de Dame Iliahys, et prenait cela très à cœur. Alors, quand elle lui proposa de sortir par la suite pour lui acheter des vêtements, elle ne put qu’accepter :

    « Ce sera avec plaisir, Mademoiselle. Vous pourrez me montrer les lieux que vous affectionnez particulièrement dans Îleval, et nous pourrons nous accommoder l’une à l’autre pour être prêtes lorsque vous sortirez à l’avenir. Je commence tout juste, et mis à part l’art du combat, on ne m’a pas appris à me tenir auprès de vous lorsque je serai dans le devoir de vous protéger : aussi, n’hésitez pas à me dire si quelque chose vous gêne, je comprendrai parfaitement. »Elle se plaça ensuite près de la porte, et, d’un geste de courtoisie, montra la sortie pour inviter la Mésorianne à passer devant elle.« Je serais ravie de faire le tour du propriétaire en votre compagnie et de découvrir la beauté des lieux. Avec la connaissance du terrain, je n’en serais que plus utile. Je pourrais ainsi vous ramener ce que vous désirez lorsque vous serez dans votre chambre. N’en serais-je pas davantage utile qu’une simple escorte ? »

    Elle prononça ces mots avec un léger sourire, fin et discret, mais tout de même un sourire : elle savait que la position d’escorte rendait inconfortable la jeune femme, aussi lui montrait-elle les différents avantages que pouvaient avoir la possession d’un esclave.
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MessageSujet: Re: Résurrection d'une esclave.   Résurrection d'une esclave. Icon_minitime27/2/2015, 18:44

Demeure Delenol – Trente et unième jour d'automne 1650  
 À la façon dont elle me répondit, je ne sus trop si ma proposition lui plaisait effectivement ou si elle se contentait de l’accepter docilement comme s’il se fût s’agit d’un ordre… Toutefois, l’enjouement dont elle avait fait preuve un peu plus tôt me semblait un signe suffisant pour penser ne pas m’être trompée. Et en tout état de cause, si la tâche ne lui convenait pas, nous aurions bien le temps d’y remédier plus tard, nul n’était besoin de tout régler dès les premières minutes de son arrivée. Nous verrions bien une fois qu’elle serait convenablement installée et qu’elle aurait eu le temps de s’acclimater quelque peu à son nouvel environnement.
 La suite de ses propos, en revanche, me fit légèrement froncer les sourcils. Pouvait-on réellement mettre un prix sur une vie humaine, et le comparer à celui d’un cheval ? Eh bien, sans doute, puisque nous le faisions quotidiennement, mais cette idée ne laissait pas de me déranger. Cependant, il ne me semblait guère bienvenu d’entamer ce genre de débat à cet instant et en ces circonstances, aussi décidai-je d’orienter la discussion dans une optique différente, répliquant avec un sourire quelque peu joueur :

« Voyez plutôt cela comme un investissement pour ma sécurité. N’est-ce pas la prudence même que de confier à ma protectrice une monture qui lui convient, et qui lui permettra donc d’intervenir plus rapidement et efficacement en cas de nécessité ? »

 Bien entendu, s’il me fallait être honnête, le souci de sécurité était loin d’être la principal raison pour laquelle je lui avais fait cette proposition, qui sur le moment m’avait semblé bien naturelle, toutefois l’argument me paraissait valide. Si, malgré tout, l’idée la mettait par trop mal à l’aise, je ne l’obligerais bien sûr à rien, mais je ne voulais pas qu’elle se sentît obligée de refuser par pur principe. Je préférai toutefois tempérer mes paroles, afin de ne pas lui sembler par trop insistante, en ajoutant d’un ton léger :

« Mais qui sait, la question ne se posera peut-être même pas, si l’un de ceux que nous avons déjà est à votre goût. Nous aurons bien l’occasion d’en rediscuter une fois que vous aurez pu vous faire une idée à ce propos. Rien ne presse. »

 Nous avions en effet bien le temps de nous organiser, il ne servait à rien de précipiter les choses. Arriver ainsi dans une nouvelle demeure dont elle ignorait tout devait sans doute être assez déstabilisant comme ça, inutile de la bousculer avec un flot d’informations et de questions dès son entrée. Prendre les choses une à une, dans l’ordre, me semblait bien plus efficace, même s’il ne m’était pas forcément aisé de m’y tenir. Tout d’abord, lui faire visiter l’endroit, et nous procurer les denrées de première nécessité qui lui manquaient. Ce que je lui proposai donc, et qu’elle accepta bien volontiers.
 Sa réponse adoucit d’ailleurs mon sourire et m’aida à me sentir quelque peu plus à l’aise. Encore une fois, elle faisait preuve d’un indéniable bon sens, en plus de se montrer tout à fait attentionnée à mon égard. Cette sortie semblait en effet une bonne occasion de nous habituer l’une à l’autre, quand bien même la liste des lieux que je pourrais lui montrer me semblait limitée, tant je ne sortais guère, sinon par nécessité. En revanche, apprendre que la situation était tout aussi nouvelle pour elle qu’elle l’était pour moi avait quelque chose de rassurant. Ainsi, nous allions pouvoir apprendre ensemble.

« Je n’y manquerai pas ! Et j’ose espérer que vous en ferez de même. Comme je vous l’ai dit, tout ceci est fort nouveau pour moi, je compte sur vous pour m’aider à corriger les éventuelles erreurs ou maladresses que je pourrais commettre. »

 Il me semblait que, présenté ainsi, il lui serait peut-être plus facile de m’exprimer effectivement ses éventuels griefs, ce qu’elle n’aurait peut-être pas osé faire s’il s’était simplement agi de son confort personnel. Je tenais simplement à lui faire comprendre qu’elle pouvait me parler ouvertement sans avoir à craindre de réprimandes.
 La suite de ses propos, me décontenança quelque peu. Non pas que j’en fusse réellement surprise, cela correspondait fort au peu que j’avais pu découvrir jusqu’alors, mais tout simplement car je ne pouvais m’imaginer comme elle le présentait. J’évitais déjà de déranger les domestiques pour ce que je pouvais faire moi-même, certainement n’allais-je pas demander à une Escorte, dont ce n’était en rien le rôle, des choses aussi triviales que d’aller me chercher des choses pour lesquelles je pourrais fort bien me déplacer moi-même… Néanmoins, commençant à comprendre que nous n’avions tout simplement pas la même vision des choses à ce sujet, et craignant de l’offenser en refusant l’aide qu’elle m’offrait si obligeamment, je me contentai de lui répondre par un sourire, alors que je passai devant elle à son invitation.
 L’aile des appartements ne présentant guère d’intérêt, nous ne nous y attardâmes pas et quittâmes rapidement cette partie de la maison, après que je lui eusse indiqué succinctement les quartiers des divers membres de la famille. Nous traversâmes les salons, salles à manger et salles communes, que je lui présentai à chaque fois, en essayant de rester pratique et d’éviter de me perdre en considérations historiques. Nous passâmes par le quartier des domestiques, assez rapidement puisqu’elle ne comptait pas s’y installer, quoi que je veillasse à ne pas aller trop vite dans la visite, afin de lui laisser le temps de se repérer, avant d’arriver aux cuisines, heureusement plutôt calmes à cette heure de la journée, qui concluraient la visite intérieure. Bien que ce fût loin d’être la panique, une légère agitation régnait, et la matrone qui dirigeait les lieux était occupée, si bien que je préférai ne pas la déranger pour l’instant.

« Et pour finir, voici les cuisines, le domaine de Rikdora. Je lui désignai la concernée d’un geste, avant de poursuivre : C’est à elle qu’il vous faudra vous adresser pour tout ce qui concerne vos repas. Je vous la présenterai plus tard, puisqu’elle me semble en plein travail. Cette porte là-bas mène à la salle à manger du personnel, où les domestiques prennent leurs repas. Vous pourrez y manger, ou vous faire servir dans vos appartements, selon ce qui vous semblera le plus approprié »

 Il me semblait avoir entendu dire qu’il n’était pas inhabituel pour les Escortes de prendre plutôt leurs repas en solitaire, et, ignorant les préférences d’Azakahra dans ce domaine, j’avais opté pour lui présenter les deux possibilités. Je lui laissai le temps d’observer les lieux à loisir, avant de reprendre la parole.

« Il me semble que nous avons fait le tour de la demeure. À moins que vous n’ayez des questions, je peux vous conduire aux écuries. »

 La suite de la visite, ainsi que notre excursion en ville, se déroulèrent sur le même ton, quelque peu embarrassé mais bienveillant.  Nous apprîmes à mieux nous connaître, et nous habituâmes l’une à l’autre. Il nous faudrait du temps, sans doute, avant de nous sentir réellement à l’aise, mais c’était un début. Azakahra avait désormais la majeure partie de ce dont elle aurait besoin, quant à la suite, il ne restait qu’à laisser le temps faire son affaire.


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