Räohran Grishnakh, mère : Elle est tout pour sa fille. Etant donné qu’elle l’a éduquée seule car son mari est décédé, elle a dû se battre pour élever seule son enfant en tant qu’esclave dans une ferme. C’est pour cela que la jeune femme éprouve beaucoup de respect et d’amour à sa génitrice. Même si elle n’ont plus le même maître, et donc ne vivent plus dans la même région, Azakahra insiste pour lui envoyer des lettres le plus souvent possible, bien qu’elle ne sache ni lire ni écrire, elle a toujours trouvé un Mésorian qui a bien voulu qu’elle lui dicte quoi écrire et qu’elle le fasse lire les réponses. Sa maman lui manque énormément, et bien qu’elle ne soit plus une enfant, ça restera toujours « son bébé », car elle est très protectrice et aimante.

Maître Théophile : Ce fut son maître dès la naissance, celui qui l’a vu grandir. Etant donné qu’il était présent dès ses premiers jours là où son géniteur n’était plus là, Azakahra le considère comme un père adoptif pour elle. Il lui a appris les rudiment du métier d’éleveur, ainsi que ce qu’est d’être esclave, à savoir l’obéissance, l’allégeance et le respect des Mésorians, quels qu’ils soient. La Torkos le respecte beaucoup et l’admire pour tout ce qu’il a fait pour sa famille.

Maître Ezechiel : Ayant repéré la jeune fille dès l’âge de ses quatorze ans lors d’une escale à Belhovre, ce pêcheur l’a rachetée pour qu’elle puisse servir sur son navire. Si au départ elle ressentait une profonde haine envers cet homme, elle a peu à peu appris à lui obéir et à écouter ses conseils avisés, tout en liant une profonde amitié (si amitié il peut y avoir entre maître et esclave), car celui-ci la considérait comme son égal et la respectait bien qu’il lui ordonnât de faire maintes besognes. Depuis l’accident du Vaillant, ils ont lié une relation unique qui est très rare entre deux personnes de ces rangs.

La pluie s’abat sur le toit de de la grange. Cela ne fait presque aucun bruit. Au dehors, on peut entendre les clapotis de l’eau. Autour, les chevaux hennissent. Du grabuge se fait entendre à l’intérieur du bâtiment. Au-delà du brouhaha de l’eau et des bêtes, on peut distinguer les gémissements d’une femme. Allongée dans la paille, comme le ferait une jument, une femme, vêtue de haillons, la robe remontée sur son ventre, semble souffrir terriblement. Agenouillé à ses côtés, un homme, mieux vêtu, porte une serviette dans ses mains et semble la rassurer. Soudain, on entend les pleurs d’un nouveau-né. La femme ouvre les yeux. Ils sont noirs de jais. La sueur coule sur son front malgré le temps frais. Une voix s’élève :

- C’est une fille. Comment veux-tu l’appeler ?

Reprenant son souffle, la jeune mère a du mal à s’exprimer. Malgré tout, elle répond immédiatement :

- Je … Je vous laisse … Décider.

L’homme semble étonné, il hausse les sourcils et reporte son regard vers l’enfant qui ne cesse de geindre et de piailler.

- Nous l’appellerons … Azakahra. C’était le nom de l’esclave de mon père, et je l'ai toujours trouvé magnifique. Qu’en dis-tu ?

La femme sourit et hoche la tête humblement.
Nous sommes à Belhovre, une province du peuple Mésorian, plus précisément dans la ferme de l’éleveur Théophile. Sa spécialité ? L’élevage de chevaux. En effet, il fournit la plupart des montures de la noblesse Mésorianne. Avec sa famille, il gère cette écurie de plus de cent bêtes. Il possède maintenant deux esclaves : Räohran et Azakahra, toutes d’eux de sang Torkos. Räohran était à l’origine vendue avec son compagnon, Garok, mais celui-ci est décédé quelques saisons auparavant d’une maladie virulente à laquelle les Prêtresses Mésoriannes ne purent rien faire, si bien qu’ils furent obligés d’abréger ses souffrances, et de le brûler avant que la maladie ne se propage. Quel ne fut pas son soulagement lorsque l’éleveur apprit que son esclave était enceinte ! Il allait pouvoir profiter de cette nouvelle main d’œuvre.

C’est donc en tant qu’esclave qu'Azakahra naquit. Et dès qu’elle fut en âge, soit vers 5-6 ans, elle commença à mettre la main à la pâte, ne serait-ce que pour aider à l’entretien de la maison familiale. Et si les enfants Mésorians n’aidaient pas beaucoup, elle s’attelait à la tâche avec cœur. Faire le ménage, ranger les chambres, coiffer les filles de son maître, rien n’était pas à la hauteur de la petite fille. A l’âge de 8 ans à peine, Théophile lui apprit comment s’occuper d’un cheval, le soigner, le nettoyer, lui ainsi que son box … Elle y prit vite goût. Voyant son engouement pour les équidés, il lui enseigna, en même temps qu’à ses enfants, à monter et à dresser ces bêtes, sous le regard bienveillant de sa mère qui elle, restait attelée à la tâche du nettoyage domestique. Bien qu’elle sut tout ce qu’il y avait à savoir sur ces animaux, Azakahra n’a jamais appris à lire ni à écrire. C’était malheureusement courant chez les Torkos, et non nécessaire à leurs fonctions. Grandissant dans un milieu agréable et serein, elle accompagnait, toutes les saisons, son maître à la foire pour vendre des bêtes.



De nombreuses années passèrent, et Azakahra développait déjà les traits que l’on sait propres aux Torkos, à savoir une musculature développée et un caractère bien trempé. Cependant, celle-ci restait docile avec ses maîtres, et ne tentait jamais de désobéir ou de fuir. Elle chevauchait maintenant avec aisance, appréciant entraîner les équidés de son maître qui étaient connus pour être de bonnes bêtes, tout aussi obéissantes et efficaces qu’elle l’était. La jeune fille en apprenait chaque jour sur ces êtres mystérieux et sauvages, les admirant autant qu’elle en était curieuse.

Une belle journée de l’été 1634, alors qu’elle avait eu quatorze ans quelques saisons auparavant, elle accompagna, une nouvelle fois encore, Maître Théophile à la foire. Chaque fois, ils partaient en carriole avec le gros Tobby, un cheval de trait, et plusieurs bêtes les suivaient, attachées les uns aux autres par une corde à l’arrière du véhicule. Cette fois-ci, ils emmenaient plus de vingt bêtes qui étaient destinées à être vendues, comme cheval de guerre, de noblesse ou de travail. L’éleveur mettait un point d’honneur sur le fait que ses bêtes ne devaient pas être destinées à mourir et être mangées, car il prenait la peine de dresser chacune d’entre elles. Ils se rendaient dans la grande ville de Belhovre, à quelques heures de cheval de la ferme. Ce jour-là, ils installèrent comme à leur habitude leur petite échoppe et disposèrent les équidés deçà-delà, attirant de nombreuses personnes. Pourtant l’un de ces badauds n’avait guère l’intention d’acheter, ou tout du moins, pas une bête. S’approchant de Théophile, il lui dit d’un ton intéressé, tout en regardant Azakahra :

- Dites-moi … Elle est à vendre ?

Le vieil homme se retourna, haussant un sourcil et toisant le gaillard, comme pour l’intimider :

- De quelle jument parlez-vous ?

Bien sûr, il faisait mine de ne pas comprendre. Au printemps eut lieu le quatorzième anniversaire de la jeune fille, il était alors possible de l'acheter. Aussi, il lui avait posé un bracelet de fer orné d’une petite médaille sur laquelle était gravée : « Propriété de l’élevage du Destrier d’Or ». Il ferma les yeux un long moment et soupira, sentant une grande tristesse monter en lui.

- Je ne parle pas de vos bêtes, voyons, bien qu’elles soient magnifiques. Je parle de cette Torkos, qui vous accompagne à chaque fois. Maintenant que vous lui avez mis les fers, elle est en âge d’être vendue, je me trompe ?

Il marqua un temps d’arrêt. Bien qu’elle resta loin, Azakahra comprit rapidement que l’on parlait d’elle. Se rapprochant d’un cheval, elle le caressa d’une main hasardeuse, écoutant la conversation d’une oreille attentive.

- Non, en effet, vous ne vous trompez pas. Pourquoi la voulez-vous, au juste ?

L’homme croisait maintenant les bras. Regardant Théophile, il répliqua :

- Et bien, je dois avouer que pour son âge, elle possède un physique déjà très imposant. Elle ferait bonne affaire sur mon navire.

Il est vrai que du haut de ses quatorze années de vie, l’esclave mesurait déjà un bon mètre soixante-dix, et pesait déjà plus de cinquante kilos. L’équitation avait développé ses jambes et élargit ses épaules, la rendant trapue et musclée. Une servante de qualité, en somme.

- Elle n’est pas à vendre. - répondit l’éleveur, déjà affairé à autre chose, faisant mine de ranger sa paperasse.
- Pas à vendre ? Mmh … Je vous l’achète 5 galions d’or.

Il s’agissait là de toutes les économies que le capitaine avait amassées depuis ses nombreuses années de labeur. Théophile bougonna. L’élevage de chevaux lui rapportait de l’argent, certes, mais pas assez pour permettre à sa famille de prospérer autant qu’il l’aurait souhaité. Il lui resterait toujours Räohran, et elle était loin d’être rouillée. Ses fils ayant grandi, ils pouvaient l’aider à élever les bêtes, mais aussi reprendre le flambeau. Se retournant dans un soupir, il appela Azakahra qui s’approcha d’un pas méfiant. Avant qu’elle n’arrive à leur hauteur, il murmura au capitaine :

- Vous prendrez soin d’elle, n’est-ce-pas ? Je l’ai vue grandir, c’est une bonne petite.

L’homme acquiesça avec un sourire et tapota l’épaule de l’éleveur, portant sur son visage un air bienveillant. Cela rassura Théophile qui lui rendit son sourire. Prenant une pince, celle dont on se servait habituellement pour casser la ferraille qui servait à faire les fers à cheval, ce dernier approcha de son esclave qui comprit alors. Tendant son bras, elle se laissa faire, non sans tristesse.

- Azakahra, tu n’es plus sous mon joug, désormais.

Il brisa le médaillon qui alla s’écraser sur le sol. Puis, docilement, elle s’approcha de son « nouveau maître » qui lança une bourse de galions au vieil homme. Inclinant la tête humblement, l’esclave se présenta :

- Je suis Azakahra Grishnakh, et je vous servirai aussi longtemps que je vivrai.

Tapotant sur la tête de l’enfant, le capitaine se mit à rire et lui répondit avec franchise :

- Et bien moi, je suis Ezechiel Maréehaute, capitaine du navire de pêche Le Vaillant. Bienvenue dans l’équipage, moussaillon !

Jetant un dernier regard plein de tristesse à Théophile qui se baissa pour ramasser le médaillon cassé, elle s’éloigna aux côtés de Maître Ezechiel, son nouveau propriétaire. Comme l’éleveur semblait triste … Pourtant, il ne pleura pas. Elle ne pleura pas non plus. Car telle était la vie d’un esclave, passant de maîtres en maîtres, de mains en mains, n’ayant aucun attachement, aucun sentiment, aucune autre mission que celle de servir les Mésorians.



C’est à bord du bateau de pêche Le Vaillant qu'Azakahra commença sa puberté. L’équipage était aimable avec elle, quoiqu’un peu bourru, et très respectueux : ils n’essayaient pas de lui faire faire plus que ce qu’elle était en mesure d’effectuer, et lui laissait un temps de repos et de pause suffisant pour qu’elle ne s’épuise pas à la tâche. Au début, ce fut poussif et intensif : les cordes lui glissaient entre les doigts, lui brûlaient les mains. Les filets étaient trop lourds, les poissons, trop agités. La mer aussi : elle se penchait par-dessus bord plus qu’il n’en était nécessaire des saisons durant, peu habituée à la houle et au navire agité par les flots.

Alors, on la consigna au nettoyage et à la popote : c’est elle qui lavait le linge, le pont, et qui préparait de quoi manger. Lorsqu’elle fut assez grande pour manier le cordage, on l’invita à déployer les voiles, à remonter les filets remplis de poiscaille gluante, gigotant, amorphe, dans les énormes pièges tendus dans l’océan qui s’étendait à perte de vue. Son nom ? La Mer du Trident, car elle séparait les îles avec la forme de ce sceptre pointu, selon la carte du capitaine. Celui-ci la surveillait d’un œil bienveillant du haut du pont. Les mains de l’esclave saignaient souvent, et elle les couvrait de bandages pour ne pas les creuser, bien que sa peau le fut par le sel et le vent. Fichu air marin qui créait les rides et tirait la peau, piquait les yeux et séchait les lèvres. Il nouait aussi des nœuds dans ses cheveux. Elle décida donc de se raser la moitié du crâne, et de laisser les autres libres de voler au vent, car sa mère n’avait pas désiré qu’elle les coupe tous. La brise incessante tannait son visage et ses bras.
Ses muscles se développèrent, et lorsqu’elle atteignit ses vingt ans, elle faisait presque la taille d’une femme Mésorianne et la carrure d’un jeune bœuf : elle était plus efficace que deux hommes dans l’équipage, et était très appréciée de ceux-ci.

Pendant presque dix ans, elle servit sur ce navire, voyant les membres d’équipage défiler tandis qu’elle s’attardait, faisant escale à Îleval, mais aussi à Belhovre, où elle se promettait de retourner voir sa mère, que Théophile amenait à la foire, et de la serrer fort contre elle avant de repartir en mer. Elle ne furent jamais aussi proche que durant cette périodes où elles étaient séparées. Azakahra aimait Îleval, et même si le cimat ressemblait à s’y méprendre à celui de Belhovre, elle aimait la nouveauté que lui apportait cet endroit, voir de nouveaux visages, de nouvelles rues …

Un soir, lorsqu’elle se réveilla et qu’il faisait déjà nuit noir, quelque chose était inhabituel. Les vagues se faisaient rares dans cette mer, car elle était entourée d’îles qui empêchaient le vent d’être trop virulent. Cette fois-ci pourtant, le bateau tanguait avait un rythme plus important. Sortant sur le pont, elle vit alors de grosses vagues cogner la coque avec brutalité. Leur cadence se faisait plus rapide, et elles gagnaient en hauteur. L’un des matelots s’écria :

- Tempêêête ! Tout le monde sur le pont, il faut rentrer les voiles et remonter les filets ! 

Encore quelque peu endormie, l’esclave s’exécuta pourtant immédiatement. Rentrant les voiles, elle trébuchait et avait bien du mal à se tenir debout. Ezechiel vint l’aider, et ensemble y réussirent à parvenir à leurs fins. Fallait-il encore remonter les filets qui gisaient profondément dans la mer, et avec ce zéph, ce ne fut pas chose aisée. Se penchant au-dessus du bord, elle ramenait les cordages de toutes ses forces. Ezechiel fit de même, lorsqu’une secousse plus importante remua le bateau si fort que la jeune femme crut qu’il allait chavirer. Sa taille moindre lui permit de se retenir grâce au rebord, mais le capitaine, plus grand, passa par-dessus bord.

- Un homme à la mer ! - cria-t-elle à gorge déployée.

Les autres se retournèrent, et elle vit son maître lutter contre les flots. A peine eurent-ils le temps de réagir qu'Azakahra avait plongé, tête la première, dans cette mer agitée comme rarement. Remontant à la surface, elle chercha Maître Ezechiel des yeux, sans le trouver. Les autres matelots lui firent signe du pont pour la guider, et, bien qu’elle ne sut pas nager, elle réussit à barboter jusqu’à lui. L’enserrant d’une poigne ferme, elle attrapa la corde que ses compagnons lui lancèrent et ils remontèrent - non sans mal - le capitaine et son esclave. Aussitôt eut-elle mit un pied sur le navire qu’elle l’emmena dans sa chambre, laissant les hommes s’occuper du reste. Elle revint les aider peu après, et ensemble, ils réussirent à vaincre la tempête.

Cette histoire fut marquante pour l’équipage du Vaillant, et Ezechiel n’hésita pas une seconde à la conter aux gens lorsqu’il revinrent à quai. L’anecdote fit le tour d’Îleval très rapidement, et bientôt l’on salua Azakahracomme si elle était une véritable héroïne. « L’esclave qui sauva son maître », racontait-on.



A 29 ans, Azakahra avait déjà la fierté d’être devenue une esclave hors pair, et l’on saluait sa bravoure, son obéissance et son efficacité. Rapidement, les habitants, ayant eu vent de son courage, accoururent au port d’Îleval pour la voir de leurs propres yeux, cette femme, à moitié rasée, qui, plutôt que de laisser son maître se noyer, avait été le sauver bien qu’elle ne savait pas nager. L’un d’entre eux, marchand d’esclaves d’Îleval, fut intéressé par sa prestance et offrit une fortune à Ezechiel en échange de son esclave. Après quinze ans de bons et loyaux services sur Le Vaillant, il accepta qu’elle quitte le navire pour songer à un avenir meilleur. C’est le cœur serré qu’elle quitta ce bateau, son équipage et le port d’Îleval. Cependant, l’homme qui était venu la chercher ne semblait pas porter les Torkos dans son cœur, et la brusquait facilement. Lorsqu’elle ralentissait un peu le pas, il poussait son épaule pour l’inciter à avancer.

L’emmenant dans une demeure impressionnante, il la fit entrer, puis descendre au sous-sol si vite qu’elle n’eut pas eu le temps d’admirer ce qui l’entourait. Dans une pièce sombre, froide et humide, éclairée par une petite meurtrière qui laissait passer un faible halo de lumière, il lui somma de se déshabiller. Son ordre fut si cinglant qu’elle obéit sans broncher, non sans penser à ce qu‘il pouvait bien lui en vouloir, mais pas effrayée pour autant. Un autre homme entra dans la pièce, plus musclé et trapu que le marchand, tenant dans sa main un objet qu’Azakahra n’avait encore jamais vu … Un fouet. Il s’approcha d’elle et l’accrocha à des chaînes qu’elle n’avait pas remarqué en entrant, emprisonnant ses mains dans des attaches de ferraille. Elle était alors là, pendue par les bras, dos à l’entrée, totalement nue. Le rayon de lumière laissait entrevoir sa musculature saillante et sa peau tannée. Se crispant, elle attendit en silence. Les hommes chuchotèrent, et le premier coup de fouet retentit, dans le vide. La Torkos serra les poings et attendit.

Cette attente lui sembla interminable, quand soudain, elle le sentit. Le premier coup de fouet. Elle sursauta, surprise. La douleur était pareille à aucune autre, elle sentit sa peau brûler sous les coups répétés, se demandant pourquoi, pourquoi on lui faisait cela ? Qu’avait-elle fait de mal ? Au bout d’une dizaine de minutes, le bourreau s’arrêta, laissant le dos de la femme ensanglanté et meurtri, décoré de longues plaies fines et profondes. Une seule fois il se rata, dépassant le dos : le bout du fouet avait claqué fortement sur la joue de  l’esclave. Il faut dire qu’il était long et que son maniement était ardu. Abasourdie, Azakahra sentit ses jambes se dérober sous elle, se laissant tomber tel un pantin. La douleur était telle qu’elle ne sentait plus son corps. Des pas résonnèrent dans la pièce. La sueur et le sang se mêlaient sur sa peau et goûtaient sur le sol de pierre froid et humide. Le Mésorian lui fit face et la regarda d’un air hautain. Elle était tombée sur un dominant, cela ne faisait aucun doute. Il voulait assouvir son besoin de pouvoir et de contrôle sur les esclaves, et c’est pourquoi il prononça ces mots :

- Tu veux paraître noble et héroïque, mais il n’en est rien. Nous sommes les vrais héros de ce monde, esclave. A partir d’aujourd’hui, tu seras sous mes ordres. Je t’interdis ne serait-ce que de penser à une mutinerie ou ce que tu subiras sera pire encore que des coups de fouet. Ce qui t’attend, c’est la mort, si tu t’en prends à elle. Ton service commence demain. Maintenant, vas, nous t’apporterons de quoi te vêtir.

Et il quitta la pièce, impassible. Cette acte de semonce semblait ne pas lui faire peur, bien qu’elle soit illégale. Pour la première fois de sa vie, Azakahra pleura. Et le sel de ses larmes lui brûla la joue. C’est son corps tout entier qui brûlait. Il lui avait rappelé sa place, son rang : esclave, c’est ainsi qu’elle est née, et c’est ainsi qu’elle reste.