La jeune femme n'a jamais parlé de sa famille. Par pudeur ? Par crainte ? Nul ne le sais. On ne lui connait aucun membre de famille, ni aucun proche sur les terres d'Ileglace, où elle s'est établie après une longue période de transhumance à travers tout l'Archipel. D'ailleurs, à bien la regarder, certains indices laissent deviner qu'elle n'est pas originaire de l'ile de l'Est des deux soeurs du Nord... Dans les replis de ses vêtements on distingue le tintement brillant de perles, de pierres et de gemmes décorant ça et là sa parure pourtant simple en apparence. L'une de ces gemmes, orne son front ; un petit trapèze de quartz ambré qui rappel alors sans difficultés sa terre natale : Epieux. Reconnue pour ses extractions de minerais divers, Meryle y a vécu il à de ça des années, mais pour des raisons aujourd'hui oubliées, elle n'y est jamais revenue.

D'Ambroise-Psychée. Ce nom ne vous dit rien ? Peut être est-ce parce qu'il à été en grande partie inventé. Cependant, une douce sonorité vous parait soudain familière... Ambroise.. Ambroisie.
La Famille d'Ambroisie. Bien que "Famille" soit un bien grand mot.
Les d'Ambroisies sont discrets, voir même secrets. Couple de bijoutiers de renom au coeur même de la ville d'Epieux, Ils ne désiraient pas d'enfants. Une hérésie aux yeux de la société Mésorianne quand on sait que pour toute la communauté et Hygérie, les femmes sont donneuses de vie. Craignant de décevoir la déesse et de s'attirer les foudres de leurs semblables, Eugénie et Gaspardieu d'Ambroisie n'en parlaient jamais. Vivant reclus derrière les murs de leur atelier dans le silence, la seule chose sortant de cette enceinte était les bijoux d'une qualité remarquable qui étaient acheminées dans les boutiques de la région ou bien encore, par bateaux dans tout l'Archipel, et même jusqu'au domaine du Mâss. Trop absorbés par leur passion et leur métier, le couple nourrissait des pensées jugées impies par la communauté Mésorianne... C'est pourquoi ils se terraient dans un mutisme étrange qui ne faisait que grossir les rumeurs à leur égare... Car les ragots allaient bon train concernant le couple d'Artisans. Eugénie n'allait pas en rajeunissant et Gaspardieu avait connu des jours plus fringants. Et toujours aucun enfant à l'horizon. Mais qu'est ce qui ne tournait pas rond chez eux ?

Puis un jour, comme le sors s'abat sur ceux qui le méritent, Eugénie tomba enceinte. Il est clair qu'Hygérie ne peut avoir de responsabilité dans la conception d'un être vivant, mais au vu de l'ironie de la situation, on aurait pu croire à une punition divine. 
Meryle n'était pas désirée. Mais elle naquit pourtant 9 mois plus tard, sa mère ne pouvant renier sa grossesse de toute façon plus longtemps. Et pour rajouter au comble de leur situation, l'enfant avait une santé de fer. Et il fallut s'en occuper. Gaspardieu, plongé dans le déni, refusa que la première ou dernière lettre se leurs prénoms lui fut donnée comme il est de coutume, afin de marquer leur détachement total de cet enfant aux cheveux d'ambre et aux pupilles d'opales. Elle fut alors élevée comme une employée et non comme leur progéniture. La fillette se cru orpheline, "adoptée" par ses employeurs. Elle était le fruit d'un mensonge tordu, qui trahissait l'esprit dérangé de ses parents, incapables de la reconnaître comme leur chaire et leur sang. Mais les murs de cette prison malsaine ne pouvaient pas tout cacher.. Et un jour, nul ne sais comment, Meryle découvrit la vérité. Elle avait 11 ans.
Ce soir là, l'enceinte de la maison des D'Ambroisies d'ordinaire si calme et silencieuse fut agitée par les cris d'une effroyable dispute. Meryle hurlait, feulait sa colère. Cette enfant si disciplinée, sage et si stoïque qu'on pouvait se demander si elle possédait réellement des émotions, abattait sa colère et son sentiment de trahison sur ceux qui auraient toujours dû la reconnaître comme l'une des leurs. A peine 11 ans et déjà mature corporellement, cette nuit fut le théatre de sa rébellion.. Mais au fur et à mesure qu'elle crachait sa haine, sans s'en rendre compte, la fièvre la gagnait. Et tout à coup, elle eut raison d'elle. Meryle s'écroula brusquement. Pour la première fois de sa vie, Eugénie sa mère fut prise de panique. Son enfant était étendue là, au sol, livide et brûlante... A deux doigts de la mort. Gaspardieu sortit même dans les rues, criant à l'aide.
Trou noir.
Puis vint la lumière, fraîche et douce, un halo au milieu de voluptés blanches, puis enfin, un visage. Tendre et magnifique. Qui lui murmura ces mots :
Ta vie est un miracle inespéré... Toi qui n'était pas désirée.... Dédie moi le reste de ton existence sois moi dévouée... Et pour toujours tu sera aimée... 
A son réveil la fillette avait retrouvée la paix. Elle ne tremblait plus, elle était sauvée. Mais dans les yeux de ses parents elle comprit que sa vision n'était peut être pas due qu'au délire de la fièvre.. En témoignait deux marques sur la paume de ses mains. Hygérie l'avait choisie. Le vœu d'Eugénie et de Gaspardieu d'être libérés du fardeau de leur parenté était exaucé et pourtant, ils durent la regarder partir sans pouvoir rien dire au moment où ils semblaient enfin être touchés d'amour pour leur fille.. Trop tard. La vie ne cessait donc de les punir...

Meryle rejoint alors les prêtresses les plus âgées et érudites afin de se former à sa future fonction. Mais très vite la jeune adolescente se heurta à la pensée Hyranne, faite de traditions et de mœurs très limitées. Meryle passa son temps à critiquer ses maîtresses, ne comprenant pas pourquoi les prêtresses Hyrannes ne s’intéressaient pas à la recherche d'autres façons d'utiliser leurs dons... La jeune fille poursuivit malgré tout son apprentissage mais développa une réflexion et des recherches personnelles, en secret, sur ses pouvoirs. A peine eut elle terminée sa formation, lorsque vint le moment de quitter ses guides, elle revendiqua sans crainte son désire d'appliquer un jour la guérison avec ses propres méthodes, ce qui ne manqua pas de lui attirer les foudres de très nombreuses prêtresses. Mais loin de se laisser abattre, la jeune femme partie sur les routes pour exercer là où on avait besoin d'elle, comme il se doit. 

Cependant, plus elle prenait de l'expérience, plus elle avait l'impression que certaines choses entravaient naturellement les soins prodigués... La douleur, la tristesse, la panique, le remords, la peur... tant de sentiments que le corps doit gérer lorsqu'il est blessé ou malade... Tant d'énergie gâchée donc, à minimiser ces émotions au lieu de se concentrer sur l'autoguérison ou la cicatrisation... Et si le don qui lui avait été donné pouvait rediriger cette énergie ? Calmer les ressentis parasites qui ne font que fatiguer le malade, afin de stimuler sa capacité à se guérir lui même ou récupérer plus rapidement de ses souffrances ?
 Lorsque Meryle pratiquait comme on lui avait enseigné, ses patients pouvaient encore souffrir plusieurs jours pendant la cicatrisation ou leur rétablissement . Certes les effets étaient puissants sur le moment, mais la douleur elle, était réelle et longue à s'étioler. Ce qu'elle ne pouvait, petit à petit, plus supporter. Elle trouva alors des moyens parfois controversés, mais jamais remis en doute jusqu'à présent, d'agir immédiatement sur la douleur et les émotions avant de s'attaquer à la souche du problème. Le corps est rempli de fluides et des substances très variées qui peuvent être utilisées pour agir sur les émotions et les ressentis.. Les hormones, l'adrénaline, les morphines corporelles... Tant de choses que la jeune prêtresse commença doucement à maîtriser. Et les résultats furent concluants. Ses patients ne souffraient plus dès les premières secondes et cicatrisaient beaucoup plus rapidement après guérison. Leur résistance s'en trouait accrue par la suite. Les maladies n'affectaient plus les émotions de ses patients, ils en avaient les symptômes mais ne ressentait plus la peur ou la panique qui affecte le diagnostique. 

Mais la manipulation de tout ce qui touche la psychologie (car au final c'en était un peu) même de loin, était assez méconnu. Meryle s'était d'ailleurs forgé une oreille très attentive aux personnes en proie à des tourments, à des blessures intérieures et profondes... car à force de travailler comme elle le faisait, elle en venait à s'intéresser aux blessures de l'âme.
 Elle ne pouvait pas que peu y toucher malheureusement car ses capacités avaient leurs limites commes chez toutes prêtresses, mais elle avait tendance à y traiter par les fluides comme les autres blessures, juste afin de calmer les esprits dépressifs qui lui demandaient de l'aide. Il sembla même qu'Hygérie l'encourage dans cette voie et encourage ses recherches. Si malgré tout elle ne pouvait guérir un mal être, elle jouait alors un rôle.. de psychologue tout simplement. Son intelligence lui ayant conféré une disposition plus ou moins naturelle à aider son prochain en décryptant les états d'âme de ses patients..

Mais lassée de se faire convoquée et remise en question pour ses agissements, Meryle pria sa déesse de lui envoyer un signe, ou de lui dire si elle avait mal agit, si ses actions avaient dépassé sa foi... Si elle avait trahis sa promesse envers elle. Ce fut alors que sur les conseils de la déesse elle même, Meryle se reclus du monde, disparaissant des sentiers, s'installant dans le secret près d'un village à la limite du domaine d'Ileglace. La Déesse lui intima de continuer ses recherches, et la rassura : son "combat" était utile et si ses recherches permettaient de soigner les êtres qui souffraient alors c'était une démarche juste et intéressante. Ses camarades oublieraient petit à petit leur méfiance...
Aménageant alors une caverne à sa guise elle y exerce aujourd'hui toujours son office en tant que prêtresse, Hygérie l'ayant soutenue et continuant de la veiller...

Depuis ce jour, son nom s'est fait oublié des quelques prêtresses qui portaient de la méfiance à son égare, et les années ont passé. Son expérience et ses efforts ont finis par payer et les soins touchant d'avantages à la psychologie sont légions chez elle même si elle n'en oublie jamais les soins physiques et physiologiques. On raconte même que pour certains maux, c'est vers elle qu'on dirige certains blessés, malades, ou démuni. Hygérie ne lui a pas mentit, elle est aimée de sa déesse et en reste persuadée ; Quant à elle, sa piété à su la hisser aujourd'hui à une certaine estime de la part de ses consœurs.. Et surtout de la part des habitants d'Ileglace qui se posent encore bien des question sur cette étrange rousses aux yeux froids.