Il est de notoriété publique que je suis mauvais dans les arts du combat à distance, que ce soit l’arbalète, la fronde, le couteau de lancer ou tout simplement l’arc. Aussi chaque matin une heure avant l’heure du levé officiel j’avais pris l’habitude de m’entrainer à l’arc, cela faisait déjà plusieurs semaines, et les résultats n’étaient pas très probants. Même avec l’aide de l’un de mes capitaines qui lui a l’inverse pouvait décrocher un fruit de son arbre à cent mètres.  Il avait beau me donner tous les conseils qu’il voulait tout ceci ne me venait pas. Je suis né une épée dans la main, et visiblement Hygérie ne voulait pas me voir mourir autrement qu’une épée à la main. Mais il n’y a rien de plus frustrant que de se savoir capable de vaincre trois hommes dans un combat singulier, et ne pas pouvoir faire mieux qu’un enfant dans un concours de tir.

J’entendis le messager arriver bien avant que ce dernier ne s’annonce, et cela ne me plaisait pas du tout. Un message à cette heure ne présage jamais rien de bon, une nouvelle qui ne peut attendre une heure correcte pour être délivrée est bien souvent une terrible nouvelle. Je lâche mon arc d’un mouvement aussi mécanique que réflexe ajuste ma tenue pour écouter ce qu’il avait à dire. Il avait l’air plutôt embarrassé, et je sus pourquoi une fois qu’il eut terminé son message. Effectivement, ça n’était pas quelque chose qui arrivait tous les jours. A vrai dire ça n’était pas arrivé depuis plusieurs années. C’est au pas de course que je me rendis dans mes quartiers pour être en tenue à une heure ou mon équipe de jour était encore au lit.

Le plus long fut d’installer un périmètre de sécurité que je voulais infranchissable, je ne voulais plus dans mes pattes de petits curieux ou encore de colporteur. Merci à la déesse les élites avaient été découverts par d’autres élites, et tout c’était passé dans la plus grande discrétion. Mis à part mes hommes seules les prêtresses étaient autorisées à venir faire leur travail. Visiblement plus de peur que de mal, mes hommes avaient été maitrisés proprement. Mais cette nouvelle ne me réjouissait pas véritablement. Bien entendu j’étais heureux de les retrouver vivants et bonnes santés, mais aucun d’eux n’étaient capable de fournir des détails intéressants sur ce qui leur été arrivé. Tout c’était déroulé si vite. Et tout ceci me laissé présager qu’il ne s’agissait pas des habituels petits voleurs de la petite semaine, un combat de ce genre se serait terminé dans un bain de sang. Il fallait un sacré sang-froid et une grande confiance en soi pour juste se contenter de les assommer et de les attacher, les caractéristiques de professionnels.

J’avais ordonné que me soit apporté les rapports d’activité du port cette nuit-là, tous les bateaux qui étaient entrés, tous ceux qui étaient sortis. Ainsi que leurs cargaisons à l’arrivée et au départ. Le port n’avait qu’une entrée maritime, tous les bateaux étaient contrôlés et de toute manière si quelque chose avait été volé, quelqu’un finirait bien par se plaindre. Et c’est pendant que j’étais en train de vérifier l’état de santé de mes soldats auprès de la prêtresse qui prenait soin d’eux qu’un de mes élites visiblement contrariés insista pour venir me parler.

-Mon général, on a beau faire tout ce que l’on pout pour maintenir la zone de sécurité, il y a quelqu’un dehors qui insiste pour rentrer et à défaut vous voir.

J’eus un petit instant de flottement correspondant au temps qu’il me fallut pour deviner qui pouvait bien faire cela. Comment avait-elle fait pour se retrouver aussi rapidement sur les lieux, l’info avait-elle déjà réussi à filtré ? Avait-elle un indic ? Je remis la santé de mes gars dans les mains les plus qualifiées pour ça, et ordonnait à cet élite de reprendre sa place dans le périmètre.

-Je vais me charger de ça. Continuez de ce que vous étiez en train de faire.

J’allais à sa rencontre, tout en ordonnant une fois sur place qu’on la fasse entrer puis que nous soyons laissez seul. Et c’est seulement une fois ceci fait que je me permis de lui adresser un petit sourire, après l’avoir salué d’un baise main.

-Je serai toujours surpris de la vitesse à laquelle vous vous trouvez sur les lieux. Je vais finir par croire que mes hommes vous rendent autant de compte qu’a moi.

Sa première remarque accentue mon sourire. Elle me fait sourire non pas parce qu’elle se trouve être une remarque idiote. Bien au contraire. Elle avait mis la main sur quelque chose, quelque chose que beaucoup n’avait peut-être pas vu immédiatement. C’était peut-être ce que j’aimais le plus chez elle, cet esprit d’analyse, qui ne semblait jamais s’éteindre. Ce qu’elle avait vu et pris pour quelque chose que seul un aveugle aurait pu rater, bon nombre des miens l’avait surement éludé. J’ai bien envie de la rassurer, mais d’abord je tiens à la laisser finir.

-Effectivement, tout ceci ne sent pas bon à plus d’un titre. Si rare sont ceux qui laissent des personnes en vies derrière eux, encore plus rares sont ceux qui prenne la peine d’en blesser le moins possible. Quand à aller jusqu’à soigner les blessés. Je dois avouer que ceci me laisse perplexe.

Je me surprends en train de tripoter ma barbe. C’était un tic que j’avais depuis mes premiers poils de menton. Le signe d’une réflexion, qu’elle soit intérieure ou à voix haute. Mais je sais que je peux me confier à elle, confronter nos idées nous avait jusqu’à maintenant toujours été profitable.

-J’ai dans l’idée que mes hommes ont surpris un événement ici. Non pas un meurtre, une agression ou un vol. Plutôt quelque chose de bien préparé. Et par des gens qui connaissent leur affaire. L’absence de mort, le fait même que des blessés soient soignés me laisse à penser qu’ils étaient bien plus nombreux et bien entrainés. Mais aussi habitués, quand je vois tout ça je me dis qu’ils devaient tous faire preuve de beaucoup de sang froid.

Mon ton est quelque peu lugubre, en effet je n’appréciais guère de nature que des criminels s’en donnent à cœur joie sur mon territoire. Mais des professionnels encore moins. D’ailleurs même si je n’avais pas d’autres mots pour les qualifier, je l’avais soigneusement évité devant elle. Mais je me refusais à les valoriser ou à les reconnaitre de quelques manières que ce soit en bien devant un civil. Ce genre de comportement ne doit jamais faire l’objet d’un éloge, qu’elle soit petite voir même en demi-teinte.

-Des voyous, ou un petit groupuscule, aurait fait couler bien plus de sang. Pour être sûr de ne pas avoir d’ennuis, ou le plus tard possible ils auraient tué tout le monde. J’attends d’obtenir les registres du port pour savoir quel bateau à bouger cette nuit, en arrivée ou en départ. Et si des vols sont à déplorer.

Sa notion de respect pour la vie me laisse perplexe aussi. Même s’ils ne courent pas les rues les criminels épargnant ainsi des vies, surtout celles d’élites. Mais avant de penser à la noblesse d’esprit il y avait surement d’autres raisons possibles.

-Ne pas avoir trouvé de témoin sur les lieux ne va prendre l’enquête des plus aisés non plus. Même les otages n’ont guère eu le temps de comprendre quoi que ce soit. Peut-être qu’en trouvant le bateau tout ceci deviendra un peu plus clair.

Je laisse échappé bien malgré moi un bâillement, ce qui s’est passé avec le Doyen me travail toujours. Les huiles allaient bientôt se mettre en route. Le bouche à oreille ferait son office. Et je n’en dormais pas forcément très bien.