Fille unique d'une famille de la noblesse, Arielle entretient de forts liens avec ses parents.

D'abord Agathe Verlois, sa mère, avec qui une relation d'amour/haine a toujours tendu leurs rapports. C'était une femme intelligence, que l'ambition a gâté. Elle a toujours voulu le meilleur pour sa fille : les meilleurs percepteurs, les meilleurs maîtres à danser, les meilleurs tisserands pour les meilleures robes. Et bien sûr, le meilleur mariage possible. Elle rêvait de faire épouser à sa fille un membre d'une famille Doyenne. Hygérie a brisé tous ses rêves de grandeur par procuration, et par la même occasion l'affection qu'elle portait à sa fille.

Puis Maximilien Verlois, son père. Un homme bon et aimant, qui a toujours soutenu sa fille. Lorsque la marque d'Hygérie est apparue, malgré la perte de sa seule héritière, il fut heureux de l'honneur qui était fait à sa fille. Paradoxalement, Arielle lui en veut encore d'avoir accepté de perdre sa fille unique avec autant de facilité.

Arielle, élevé dans l'idée de sa future grandeur, n'a jamais entretenu de lien affectifs forts avec le reste de sa famille et ses quelques cousins. Sa mère y a bien veillé. C'était donc une fille très seule et gonflée de sa propre importance.

Lors de son apprentissage au temple, Arielle s'est liée avec quelques autres prêtresses, mais rien de particulièrement puissant. Son milieu d'origine et son éducation étaient comme un boulet l'empêchant de se lier d'amitié avec toutes ces jeunes filles de milieux tous très différents.

 

Il y a avant l'Infection, et après. Avant et après Hygérie.

Avant, c'est l'ambition inculquée par sa mère et la solitude. "Un chef n'a pas d'amis, uniquement des subordonnées. Et tu dirigeras, ma fille, tu dirigeras."

N'ayant jamais connu que cela, et recherchant l'approbation de sa mère, la jeune Arielle a toujours cru que cet avenir était son destin, et elle s'en accommodait fort bien.  Elle mettait du cœur à l’ouvrage lorsqu’elle étudiait ses leçons, et faisait un effort pour sourire lors des soirées mondaines. Sa vie réglée comme le papier à musique de ses leçons de piano. C’est sûr, un bon parti viendrait, et tout irait bien. Tout.

Puis quelques mois après ses premières règles, à presque quinze ans, Arielle tomba malade.

D’abord une faiblesse généralisée. C’était la première fois que la jeune enfant ne se sentait pas bien, ayant toujours été protégée de la maladie par les particularités de sa race. Sa mère ne prit pas tout de suite la chose au sérieux, croyant à de la paresse.

Puis il commençait à faire chaud, vraiment chaud. Arielle en avait le souffle court, cillant d’étonnement. Elle entendit les premières intonations inquiètes de sa mère, et elle n’est pas bien sûre, mais une Prêtresse fut probablement mandée. Elle ne se souvient pas, car après, tout est devenu fournaise.

Chaque mouvement était Douleur, chaque souffle était Lutte. Il y avait l’immense fatigue et l’incapacité de dormir. Puis les larmes, qui séchaient sur ses joues brûlantes. Les délires aussi, la vision de sa mère qui hurlait de joie en brûlant, ou de son père qui secouait sans cesse la tête, d’un air de désapprobation, avant de s’enfoncer dans une eau froide et noire, trop dense. Et elle voulait le rejoindre, et elle voulait s’y plonger pour en finir, mais non, elle ne pouvait pas, elle ne pouvait pas bouger.

Le pire était l’odeur. Ces draps humides de sa transpiration qui sentait le désespoir, le corps sur le point de s’éteindre, qui était un condensée de sa propre fragrance, intense jusqu’à la mort. Environnée par soi-même, par l’échec de son propre corps, brûlé de l’intérieur par une force qui faisait trembler et convulser ses membres.

Puis, alors que sa bouche sèche et ses lèvres craquelées voulaient hurler de l’eau avec un son qui ne venait pas, quelque chose s’ouvrit en elle. Quelque chose de frais, à la texture douce et liquide, qu’elle savait de couleur blanche bleutée. Quelque chose qui venait d’elle même, et qu’elle but avec toute la force de l’assoiffée, à s’en rendre malade, à s’en rendre ivre.

La fournaise s’apaisa, son corps se calma, et le véritable sommeil enfin arriva.

Soignée, Arielle se réveilla quelques jours plus tard avec une marque noire sur ses deux paumes, un nouveau destin qu’elle n’aurait jamais imaginé.

Sa vie d’après l’Infection, c’est le perpétuel étonnement. L’apprentissage au temple, qui ne lui fut pas difficile, habituée à apprendre ses leçons avec sérieux. Les règles d’hygiène, l’empathie mais la distance qu’il faut conserver lors des Soins, le Culte d'Hygérie, Ses règles et interdits, les simples et les poisons, toutes des informations facilement conservées.

Puis, le départ, lors de l’anniversaire de ses dix-huit ans. Une vie sur les routes à soigner, et sans le confort de sa naissance privilégiée, une vie dont elle n’est pas encore habituée, et qui, peut-être, lui fera perdre les défauts de son éducation.