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 Nouveau départ ou faux départ? [PV Az']

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Sefrenia Demestre
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MessageSujet: Nouveau départ ou faux départ? [PV Az']   Nouveau départ ou faux départ? [PV Az'] Icon_minitime18/2/2015, 18:52

Il y avait longtemps qu'elle n'avait ressenti un tel sentiment de plénitude. Terrible, horrible, en un sens, lorsqu'elle songeait à tout ce qu'elle laissait derrière elle, son père, récemment endeuillé, son mari, noyé dans ses obligations auprès des Élites, la multitude de ses étudiants insatisfaits et encore en cours de formation. Cependant, elle était bel et bien parvenue à les replacer auprès de collègues qui lui avaient été chaudement recommandés, d'érudits de qualité, spécialisés dans de multiples domaines, selon les aspirations, les envies et les compétences de chacun. Ils obtiendraient avec eux des connaissances qu'elle aurait été bien en peine de leur transmettre, étant bien plus généraliste qu'eux. Elle aurait au moins dû abandonner avec regret sa famille, époux et parent, pourtant non pas heureux de se débarrasser d'elle, mais à tout le moins hautement indifférents. Non qu'elle voue un amour inconditionnel à celui qui partageait sa vie, ou un quelconque à celui qui n'avait pas attendu que le cœur de sa mère soit froid avant de la remplacer. Elle regardait cela sans haine, pourtant, plus d'indifférence et d'exaspération. Une gifle lui avait suffi, cependant, elle ne s'immiscerait pas, plus, dans ses affaires.

Elle aspira à nouveau à pleins poumons l'air marin, salin, qui l'avait accompagnée une grande partie de sa vie, et qu'elle laissait un peu derrière elle en quittant Belhovre. Elle ravala hâtivement sa salive en sentant son estomac se soulever alors la houle entraînait avec elle le pourtant solide navire qui la menait vers ce qui aurait dû être sa nouvelle vie, pleinement organisée, comme elle l'avait voulue, puis… Il arrivait parfois que l'on ne fasse pas exactement ce dont on avait envie. Elle replia méticuleusement la lettre de refus, bien que parfois prise de l'envie de la déchirer et de la jeter par-dessus bord. Avec application, elle la rangea ensuite dans sa petite pochette, avant de lisser sa robe du plat de la main. Celle-ci était sobre, d'un bleu délavé semblable à celui de ses yeux, dans un tissu de qualité mais sans ornement spécifique, assortie de bottes souples et confortables, visiblement usées et ne craignant pas le contact avec l'eau de mer.

Elle laissa son regard parcourir les flots presque nonchalamment, prenant en compte le pont propre et poncé, les cordages proprement enroulés, les matelots courant de la proue à la poupe et inversement, le capitaine criant ses ordres de sa voix éraillée. Elle avait le privilège de voguer sur un des bâtiments des Élites, en tant que femme de l'un d'entre eux. Elle appréciait l'intention, mais n'aurait en rien rechigné de voyager simplement avec d'autres personnes, d'avoir l'occasion de tisser de maigres liens, peut-être, pour ses quelques premiers jours sur Îleval. Elle était loin d'être indigente, et ne cherchait donc pas d'hébergement, mais elle se lançait dans l'inconnu, et si l'idée ne la dérangeait pas lorsqu'elle n'y songeait pas à deux fois, elle la terrifiait le reste du temps. Elle s'exhortait au calme, pourtant, et y parvenait de façon relativement fréquente. Tant que personne ne lui demandait ce qu'elle partait faire là-bas, en réalité. Car la question n'avait aucune réponse et allait à l'encontre de tout ce qu'elle avait jamais fait dans sa vie.

La traversée ne fut pas des plus éprouvantes, entre les Îles Jumelles, mais elle lui parut longue, sans personne à qui parler, à ne faire que ressasser ce qui pourrait arriver. Puis le dernier choc de la coque contre le quai la sortit de sa torpeur en manquant lui faire rendre son déjeuner frugal, et elle posa les pieds directement dans l'inconnu. Elle n'était pas particulièrement déçue par la ressemblance flagrante qu'elle pouvait apercevoir entre la ville qu'elle quittait et celle qu'elle retrouvait. Si ce n'était que personne dans celle-ci ne viendrait l'accueillir ou lui coudre une robe, ne lui apporterait un petit panier lorsqu'elle s'installerait pour faire un cours en plein air. Elle ne savait même pas à quel endroit elle pourrait faire une telle chose ici. Elle sentait son humeur virer au sombre lorsqu'elle aperçut l'aimable soldat portant ses bagages. Elle le remercia alors qu'il les chargeait dans la voiture à chevaux qui la mènerait à l'auberge qu'elle avait choisie. Elle y déposa ses affaires, régla quelques nuits d'avances, puis sortit à nouveau pour faire l'état de l'érudition. Peut-être trouverait-elle une bibliothèque, ou autre chose du même goût.

La ressemblance entre les villes ne l'empêcha pourtant pas de se perdre irrémédiablement. Elle tourna, tourna, et tourna encore, jusqu'à finalement s'installer, un peu dépitée, sur la margelle d'un puits. Elle se trouvait de toute évidence dans un quartier moins favorisé, et elle ne tarda pas à voir arriver des enfants, alors même que le jour avançait. Certains avaient probablement été chassés de chez eux pour ne pas traîner dans les jupes de leur mère, d'autres avaient fui leurs tâches quotidiennes, et certains enfin devaient simplement vivre ici, à en croire leur débraillement. Retrouvant sa gaieté, elle les laissa venir à elle, aussi patiente que s'ils étaient de fragiles oiseaux. Elle attendit encore et encore, frémissant à peine des paupières, alors qu'ils s'habituaient à elle et approchaient, petit à petit, curieux comme l'étaient la plupart des enfants.

Puis tout s'enchaîna très vite et elle se retrouva, quelques minutes ou quelques heures plus tard, difficile à dire, avec un parterre de jeunes formes assises en tailleur sur le pavé, bouchant la moitié de la petite place, alors qu'elle leur contait l'histoire des Mésorians et la terrifiante Marche de Zhäa:

"Ce jour n'était pas différent des autres, en réalité, et personne n'aurait pu imaginer quel malheur terrible allait s'abattre sur eux. Lorsqu'ils ouvrirent leur porte au doux soleil du matin, tirèrent les rideaux sur les palettes où dormaient leurs jeunes, seulement alors les hurlement se firent entendre. Partout on entendait pleurer les pères et les mères devant les lits vides, les enfants les plus jeunes, épargnés, criaient dans le vent des questions auxquelles personne ne pouvait répondre. Où étaient-ils? Reprise dans le vent, dans chaque ville Mésorianne, dans chaque camp Okanaki, dans chaque village Torkos, cette question retentissait. Où étaient les enfants?

Personne n'en savait rien, en réalité, et si personne ne put oublier, le temps passa, et il referma une partie des blessures. Mais ce n'était pas la fin de l'histoire. Beaucoup, beaucoup plus tard, les enfants disparus revinrent. Leur retour aurait dû être un événement heureux, mais lorsqu'ils revinrent, ils apportaient la mort dans leurs yeux d'un rouge sang, et dans leurs lames brandies, qu'ils abattaient sur leurs parents, sur leurs frères et sœurs, leurs grand-parents. Partout où ils passaient, toutes races confondues, ils laissaient des cadavres derrière eux. Le travail des fossoyeurs n'avait jamais été aussi grand, et aussi douloureux, car ils enterraient les corps par pelletées, dans d'immenses charniers.

Rien ne semblait pouvoir interrompre la marche des suppôts de Zhäa. Un suppôt est une personne qui en aide une autre à, qui est à son service pour, accomplir de mauvaises choses. Les armées Mésoriannes, bien qu'organisées, n'étaient pas assez puissantes, assez nombreuses. Les forces Okanakies étaient éparpillées, manquant de coordination. Les forces Torkos... réduites à peau de chagrin par la force des choses. Comme le dit le vieux proverbe, c'est dans le désespoir que les solutions désespérées paraissent lumineuses. Et rien n'aurait pu être à la hauteur du désespoir que ressentaient les dirigeants des trois peuples à cette époque. Rien ne semblait pouvoir être fait.

Alors ils se réunirent. Tous trois, ensemble, ils prirent les armes, et firent une grande armée commune, chacun tirant le bénéfice des forces de l'autre. Les Okanakis, plus rapides et agiles, furent l'avant-garde. Les Mésorians la cavalerie, les Torkos la force principale, celle qui prendrait le plus de risques, mais qui défendrait, par leur corps et leurs armes, le reste de la population. Pour quelques heures, pour quelques jours, ils ne furent plus qu'un seul et grand peuple, fort dans ses différences, et ainsi, ils gagnèrent, chassèrent les descendants de Zhäa.

Puis, lorsque l'ennemi commun disparut, les inimitiés, les hostilités, les vieux affronts, refirent surface et l'unité éclata comme un caillou lancé dans une flopée de pigeons, chacun repartir de son côté, ne laissant plus que le souvenir de ce qui fut..."


Sur ces mots, elle laissa sa voix mourir doucement, tentant d'avaler sa salive pour calmer sa gorge sèche d'avoir tant parlé. Pendus à ses lèvres, les enfants semblaient attendre une suite, puis ils comprirent qu'elle en avait fini et lorsque l'une des mères, passablement énervée qu'un de ses rejetons soit parvenu à lui échapper, arriva sur la petite place, vitupérant, ils s'égayèrent comme les pigeons qu'elle avait évoqués. Mais au lieu de venir s'emparer de l'oreille du jeune incriminé, la matriarche s'approcha de l'érudite, la toisant de sa hauteur, et commença à l'invectiver:

"Qu'est-ce c'est qu'tu racontes aux p'tits, Y z'ont pas b'soin qu'une bourgeoise d'la haute ville leur bourre le crâne avec du n'import' quoi comm' ça. Faut qu'y travaillent eux, y sont pas là à bâiller aux corneilles et à pas laisser les gens honnêtes travailler! Allez, débarrasse le pavé, maint'nant et qu'on t'revoit plus!"

Choquée, Sefrenia s'était levée et n'avait aucune idée de la façon dont elle aurait pu réagir. A Belhovre, elle n'aurait eu aucune hésitation, mais ici, elle ne connaissait personne et personne ne la connaissait. Gênée, elle repoussa une mèche de cheveux derrière son oreille, redressa malgré tout la tête, et s'adressa à elle d'une voix posée et polie, policée, trop neutre pour être naturelle:

"Madame, avec tout le respect que je vous dois, l'éducation et la culture sont ouverts à tous. Cette histoire, notre histoire, ne doit pas être réservée à une classe sociale. Que vous soyez Mésorianne, Torkos, ou Okanakie, pauvre ou riche, Haut Dirigeant ou Esclave, chacun à un droit d'accès à ces connaissances. Pardonnez-moi si j'ai perturbé le déroulement de votre journée, mais je n'estime pas avoir fauté dans mes actions, aussi..."

Elle fut coupée dans son élan par le rapprochement soudain de la femme qui leva la main, agressive. Sefrenia était acculée contre la fontaine, incapable de réagir face à cette situation inattendue. Jamais elle n'avait songé que la culture put être confrontée à ce genre de réaction. Jamais...
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MessageSujet: Re: Nouveau départ ou faux départ? [PV Az']   Nouveau départ ou faux départ? [PV Az'] Icon_minitime28/2/2015, 23:10

    39ème jour d'Automne 1650.

    Cela faisait déjà une dizaine de jours qu’elle était au service de sa nouvelle maîtresse, et déjà elle avait eu le temps de sortir plus d’une fois de la villa. Il fallait avouer qu’Îleval était une ville immense, et ressemblait à s’y méprendre à Belhovre. Malgré tout, les similitudes n’étaient pas parfaites, et bien que les deux îles sur lesquelles ces cités ont été bâties sont qualifiées de « Jumelles », elles n’en sont pas pour autant d’exactes répliques. Très vite alors, il fallut repérer les différents quartiers, les points de passage importants et fréquentés, les ruelles mal famées, et tout ce qui avait un rapport avec le métier d’escorte afin de faire face à toutes les situations. Aussi Azakahra s’était-elle renseignée sur le rythme de la ville et les habitudes de la population. L’air d’Îleval était davantage frais que celui de Belhovre, à peu de choses près, si ce n’est que le vent du nord arrivait par un courant d’air sûrement plus direct. Les coutumes et autres mœurs étaient évidemment identiques, car Mésoriannes avant tout.

    Ce que l’esclave préférait, c’était les longues balades sur le port, les visites presque quotidiennes qu’elle faisait à son ancien maître, le capitaine Ezechiel, mais aussi l’apport hebdomadaire du courrier au coursier, afin qu’il l’achemine jusqu’au ranch où sa mère travaillait toujours. Cette dernière vieillissait correctement, mangeait à sa faim et les affaires marchaient pour le mieux de l’autre côté du rivage. Ce qui ne pouvait qu’enchanter le cœur de la Torkos, coincée ici pour on ne savait combien de temps encore, et dans l’incapacité de retourner à sa ville natale. La vie à la villa Delenol n’était cependant pas à plaindre : elle dormait confortablement, s’exerçait souvent et se nourrissait on ne peut mieux. Dame Iliahys était adorable, et les rares sorties de sa maîtresse laissaient à Azakahra une grande liberté. Ce jour-là donc, elle franchit le pas de la porte une énième fois pour gambader le long des artères de la ville Mésorianne. Elle appréciait observer les badauds, les commerçants, écouter les conversations, se tenir au courant des actualités des plus importantes aux plus banales.

    Lorsqu’elle s’aventurait dans les quartiers les plus pauvres, les enfants animaient davantage les rues que les échoppes et les ragots, courant après un chat, un chien ou un rat, jouant à se battre avec un bâton comme épée, qui ne s’inquiétaient pas que le soleil descende lorsqu’ils jouaient jusqu’au soir. L’esclave avait réussi à se faire apprécier des jeunes, et elle leur apprenait parfois quelques tactiques de combat, transformant la place du quartier en véritable arène de gladiateurs, sous les regards amusés des habitants, qui l’appréciaient malgré leur différence de race. Enveloppée dans une écharpe rouge, vêtue d’une veste en cuir et d’un pantalon assorti, avec de courtes bottes bien polies, une longue épée à la ceinture, rangée dans un fourreau discret, elle arpentait une fois encore les allées du quartier pauvre d’Îleval. Mais ce jour-ci, c’était différent. Elle n’entendit pas les cris et les rires des joyeux bambins, ni les ronchonnement des anciens qui s’agaçaient de les entendre piailler. Non, c’était calme. Anormalement calme. Et elle n’aimait pas trop beaucoup ça.

    Lorsqu’elle arriva sur la place principale, les sourcils froncés, la Torkos les vit, tous assis sur le sol, comme absorbés par quelque chose. S’approchant, curieuse, elle entendit bientôt une voix s’élever au-dessus des chuchotements des enfants. L'épaule contre un pillier, Azakahra tendit l’oreille. Il semblait que quelqu’un, elle ne pouvait encore dire qui, leur contait avec un savant don d’oratoire, la Marche de Zhäa. Une histoire à glacer le sang, qu’on lui avait aussi étayée durant sa jeunesse. Malgré l’horreur que cette histoire propageait dans les cœurs, l’esclave ne put s’empêcher de sourire, en voyant ces gamins habituellement si agités se taire et se laisser absorber par une simple histoire. Lorsque le conteur eut fini, ils semblaient tous impatients d’une suite, qui ne vint hélas jamais. Une ombre sortit de la pénombre et s’approcha du groupe d’un pas hâtif, s’apparentant presque à une course.

    Par réflexe, Azakahra mit la main sur le manche de son épée. Vite rassurée par une voix féminine et une tenue de mégère, elle le relâcha et s’approcha. Les morveux, quant à eux, étaient déjà repartis dans leurs jeux et autres activités bruyantes, mimant les suppôts de Zhäa ou de valeureux guerriers. Une poignée d’entre eux vit la Torkos et vinrent la saluer, ce à quoi elle répondit en leur frottant vigoureusement les tignasses informes que formaient leurs cheveux, le sourire aux lèvres. Cependant, un haussement de ton plutôt agressif non loin lui déroba aussi vite qu’il fut apparu son rictus bienheureux. Elle écarta les quelques gosses devant elle et s’approcha de l’oratrice qui se faisait agressivement interpeller par - elle la reconnut - la mère de plusieurs des enfants qui s’étaient assis et avaient écouté le récit de la demoiselle. A peine eut-elle le temps de comprendre ce qu’il se passait que l’escorte la vit lever la main sur la malheureuse conteuse d’histoires. S’approchant avec furtivité, Azakahra s'interposa entre l’agresseur et l’agressée, levant sa main à plat, en signe de paix, comme pour demander à la génitrice de se calmer.

    « Dame Eléïse, rien ne sert d’en venir aux mains. Raconter une histoire aux enfants ne mérite pas une telle punition. Permettez-moi de ramener Mademoiselle à ses quartiers, et nous en resterons ici. Arthurien et Génaëlle n’ont pas besoin de voir ce genre de spectacle. S’il vous plaît. »

    Ladite Eléïse stoppa son geste, ronchonna, et appela ses enfants d’une voix sèche et grondant comme le tonnerre, si bien qu’ils rappliquèrent immédiatement, devinant l’état de colère dans lequel se trouvait leur maman. Mais elle ne fit rien de plus, et retourna chez elle en agrippant ses chiards par le poignet, si bien qu’ils la suivaient tels des pantins désarticulés. La Torkos soupira, relâcha ses épaules, et se retourna vers la conteuse. Elle était menue, possédait des habits qui signifiaient sans aucun doute possible son rang, une longue chevelure brune, et deux grands yeux d’un bleu hypnotisant. L’escorte ne put s’empêcher de poser un genou au sol, de plier l’échine et de décliner son identité.

    « Veuillez m’excuser pour mon intervention maladroite, Dame. Je me nomme Azakahra Grishnakh, j’ai pour but d’escorter et de veiller à la sécurité de Mademoiselle Iliahys Delenol, sœur de Samaël Delenol, ancien doyen de la ville d’Îleval. Je me suis permise de venir vous défendre car j’ai jugé le moment opportun. Je comprendrais si vous souhaitez me punir pour mon insolence, Dame, mais si je puis me permettre, il est fort risqué de venir se balader en ces lieux sans escorte. Acceptez que je vous accompagne vers des quartiers plus sûrs. »

    Elle redressa la nuque, sans pour autant la regarder face à face, et fixa ses yeux sur le sol.

    « J’ajouterai également que votre histoire était fascinante, et, si je puis le dire, vous avez un don particulier pour la narration. J’apprécierai vous entendre conter davantage. »
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MessageSujet: Re: Nouveau départ ou faux départ? [PV Az']   Nouveau départ ou faux départ? [PV Az'] Icon_minitime1/3/2015, 12:32

Sefrenia n'avait guère l'habitude d'avoir peur. Non qu'elle fût particulièrement courageuse, elle avait simplement vécu une vie relativement protégée qui ne l'avait jamais confrontée à ce genre de situation. Et elle ne comprenait véritablement pas de réagir si violemment. Ceci étant dit, ce ne serait pas la première gifle qu'elle recevrait, et rien n'aurait pu la pousser à la rendre. Elle n'aurait su comment s'y prendre, d'une part, et n'en avait jamais éprouvé le désir, d'autre part. Elle se contenta donc de tourner légèrement la tête pour éviter de se faire casser ou déplacer le nez, et affermit ses appuis pour ne pas tomber dans la fontaine. Elle n'avait aucune envie de finir cette journée visiblement catastrophique dans une robe détrempée. C'était à croire qu'Îleval ne voulait pas d'elle, et elle commençait déjà à regretter sa décision de quitter sa cage.

Pourtant, le coup ne vint jamais, et une voix inconnue s'éleva, fort proche. Elle releva des paupières qu'elle n'avait pas conscience d'avoir baissées, et observa la scène qui se déroulait sous ses yeux. Une Torkos, une Escorte, à en croire l'épée qui pendait à son côté, tentait poliment de calmer la furie. Elle fut quelque peu choquée d'entendre que son histoire ne méritait pas "une telle punition". Comme s'il était logique qu'elle en méritât une, simplement pas celle-ci. Sagement, pourtant, elle ne dit rien, se contentant de secouer la tête. Elle n'était pas en colère contre cette femme, simplement dépitée de sa réaction. La connaissance avait-elle donc si peu de valeur, sur cette île? Elle plaignait les érudits qui y exerçaient. Si elle avait été plus vindicative, peut-être en aurait-elle fait son cheval de bataille, de populariser la culture sous toutes ses formes, les arts, même dans les quartiers les plus défavorisés. Mais elle n'en était pas encore là, certes pas.

Ce fut avec une surprise non feinte qu'elle vit sa jeune sauveuse s'agenouiller devant elle, comme si elle était quelque membre de la haute noblesse, et s'excuser de son intervention. Cette fois définitivement choquée, elle s'accroupit devant elle en un geste fluide et élégant, accompagné d'une corolle de jupes formant une fleur bleue sur le pavé. Sans plus se poser de question, elle posa délicatement les doigts sous son menton pour lui relever la tête, croisant son franc regard de ses iris pâles, s'adressant à elle d'une voix douce:

"Ne vous excusez donc pas de m'avoir tirée de ce mauvais pas, Azakahra Grishnakh. Votre intervention était tout sauf maladroite, et je préfère que vous lui ayez parlé plutôt que vous ayez tiré votre lame pour l'effrayer et la chasser."

Un petit rire lui échappa devant cette idée qu'elle trouvait ridicule et un peu terrifiante. Elle poursuivit ensuite avec plus de sérieux.

"Qui que soit cette Dame que vous protégez, j'espère que ce n'est pas elle qui vous force à baisser la tête devant les gens auxquels vous vous adressez, jeune femme, car c'est proprement inacceptable. Cependant, vous avez raison sur un point, je n'aurais pas dû me trouver là. J'ai certainement mérité ce rappel à l'ordre, mais le fait est que je viens d'arriver en ville et que je me suis perdue."

Elle lui adressa un petit sourire taquin avant de l'inciter, d'une main douce posée sur son coude, à se relever. Elle restait largement plus grande qu'elle, mais au moins, elle n'avait plus l'impression de l'humilier en la forçant à se diminuer de la sorte. Elle put alors l'observer à loisir, la silhouette puissante illustrant à la perfection son métier, et l'étrange coupe de cheveux qui l'intriguait plus qu'elle ne la consternait. D'un geste du bras, elle lui indiqua qu'elle la suivait, si elle souhaitait la raccompagner ailleurs, avant d'être interrompue par le grondement de son estomac. Elle n'avait guère mangé sur le navire, après tout, malade comme elle l'avait été, et les émotions lui avaient ouvert l'appétit. Elle éclata d'un rire un peu enfantin, contagieux.

"Je crains qu'il ne nous faille nous arrêter pour chercher de quoi nous sustenter, à moins que vous ne vouliez me porter sur votre dos quand la faim m'emportera dans l'inconscience. Accepteriez-vous de déjeuner avec moi, afin que je puisse vous conter autre chose? Je suis loin d'être une experte en la matière, et je connais de magnifiques trouvères qui le font bien mieux, mais j'enseigne l'histoire, entre autres matières. Et pour intéresser les enfants, croyez-moi, vous avez plutôt intérêt à savoir enrober la connaissance dans une bonne dose d'héroïsme..."

La fin de sa tirade avait été teintée d'exaspération. Elle n'enseignait jamais aux adultes, et parlait finalement assez peu avec ceux qui auraient pu s'intéresser aux arides textes qu'elle affectionnait tant, pour qui elle pourrait ne s'exprimer qu'en jargon ,et être comprise malgré tout. Cependant, ses pensées revinrent à leur discussion. Elle était surprise, finalement, de l'apparente servilité de cette Escorte, et en même temps de son audace, apparente dans sa remarque et sa demande de l'entendre conter encore. Un paradoxe en soi. Intrigant. Elle étouffa un rire. Elle n'était pas mieux que Flavien, sur ce point-là, il lui suffisait de peu pour s'intéresser aux gens... Cependant, quelque chose lui revint en mémoire et elle s'exclama:

"J'en oublie la plus élémentaire des politesses! Sefrenia Demestre, enchantée de vous rencontrer, bien qu'en des circonstances on ne peut plus particulières..."

Elle prit sa main entre les deux siennes, salut typiquement mésorian, mais il ne lui était pas venu à l'esprit qu'il pouvait être, justement, malvenu en la circonstance... Elle n'avait guère côtoyé d'Esclaves, après tout...
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