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L'un des passes-temps préférés de Calliopée, en dehors de son métier et des descentes dans les tavernes, c'était le jeu. Oh, bien sûr, elle ne jouait jamais, elle gardait pour elle ses objets de valeur et son argent et ne risquait jamais de les perdre pour une partie de cartes, mais elle se divertissait à regarder d'autres jouer. Ce qui la ravissait, c'était l'euphorie de certains qui tombait en chute libre lorsque la donne changeait. Certains aimaient avoir la compagnie d'une jolie femme pour leur porter chance, et c'était d'ailleurs le cas de l'homme qu'elle allait rejoindre ce jour là. Il se faisait appeler Dayal, mais elle ignorait qu'il s'agissait de son véritable nom ou pas. Après tout, jouer de l'argent n'était pas vraiment bien vu. C'était aussi pour cela que la jeune femme se sentait bien dans ces lieu : entre rebuts de la société si parfaite, on s'entendait bien.

Elle se fit accompagner par le propriétaire des lieu jusqu'au vaste sous sol qui sentait comme d'habitude la fumée et l'alcool. Calliopée ferma les yeux un instant et inspira ces odeurs qu'elle appréciait tant. Elle aperçu ensuite l'homme qu'elle devait rejoindre, attablé à son endroit habituel, chassant deux poules de peu de classe en la voyant arriver. La jeune femme aux cheveux argent en souri : ici aussi, elle était plus importante que les autres. Elle se positionna auprès de Dayal et fut immédiatement interpellée par son adversaire de la soirée.

« Gente dame, l'on ne m'a pas menti en me parlant de vous. Permettez. »

L'inconnu s'empara de la main de la putain et fit mine de l'embrasser, ce qui ne manqua pas de faire sourire cette dernière.

« Gardez donc vos compliments pour des demoiselles de bonne famille, Messire. Je ne suis qu'un porte bonheur à forte poitrine pour notre ami commun. »

A ces mots, elle embrassa dans le cou l'homme qui avait sollicité sa présence ce soir là. Elle passa ensuite son bras derrière ce dernier et lui chatouilla le lobe de l'oreille et lui adressa un clin d'oeil.

« J'espère que tu comptes gagner ce soir, que je ne me sois pas déplacée pour rien. »

La peau de Calliopée s'enflamma lorsque les lèvres de Gallien embrassèrent sa peau. Elle se mordit la joue mais se positionna de manière plus explicite afin de lui faire comprendre qu'elle avait grande hâte qu'il empoche ses gains pour enfin pouvoir recevoir la récompense qu'elle méritait pour lui avoir une fois de plus porté chance.

Souhaitant commencer au plus vite, l'adversaire battait les cartes tandis que la putain faisait signe à un serveur de lui apporter une pinte. Elle cumulait tous les vices, mais se fichait pas mal d'être vue comme une gourgandine pochtronne et intéressée : car durant ces moments, c'était exactement ce qu'elle était, et cela lui convenait parfaitement. Elle avait beau adorer son métier, ces moments d'échappatoires lui étaient on ne peut plus bénéfique. Elle bu une longue gorgée de bière avant de s'exécuter. Elle s'empara de la moitié supérieure des cartes qu'elle déposa à coté de l'autre. Elle ne pu cependant retenir une petite pique à l'intention de Pistos, accompagnée d'un rictus malicieux absolument irrésistible

« Vous faites confiance à une prostituée pour couper les cartes ? Une prostituée du côté de votre adversaire, de surcroît... - elle se tourna vers Gallien et chuchota à son oreille - La victoire va être facile ce soir, il ne semble guère pourvu de bon sens. »

Calliopée n'eut pas le temps de répondre quoi que ce soit à Gallien, et pourtant l'idée d'en venir au plus vite aux choses sérieuses plaisait à la putain. Une certaine agitation et des aboiements se firent entendre dans le fond de la salle. Visiblement, un combat de chien était sur le point de commencer, cela excita un peu plus Calliopée, elle adorait ça et en plus elle était assez douée pour désigner la bête qui avait le plus de chance de gagner. Elle savait voir les faiblesses des deux canidés, et donc conseiller au mieux Gallien. Souriant, elle suivit donc les deux hommes jusqu'à la fosse, se frayant un chemin parmi les autres parieurs.

Le combat allait avoir lieu entre un berger épelien qui semblait vouloir en découdre et un dobberman pas commode qu'elle avait déjà vu perdre plusieurs fois. Sans aucun doute que le grand favori du combat serait le berger, mais à bien le regarder la putain remarqua que ce dernier avait des marques très légères au niveau du museau qui ressemblaient à des séquelles d'une maladie. Certes, c'était peu visible mais la putain avait plusieurs fois fauté avec un éleveur de chiens du domaine d'Îleval qui adorait son métier et ne manquait jamais une occasion de chercher à l'impressionner avec des détails qui à l'époque ennuyaient la jeune femme mais étaient désormais très utiles pour permettre à Calliopée de jouer son rôle de porte bonheur.

Pistos se laissa berner et misa sur le berger. Gallien, lui, semblait attendre l'avis de sa putain tandis que chacun proclamait vainqueur le berger. Certains, cependant, semblaient croire en les chances du dobberman, et selon la jeune femme ils avaient raison. Elle chuchota à l'oreille de Gallien.

« Regarde le museau du berger, il a des marques... A mon avis il est moins en forme que ce qu'il parait. Le dobberman est jeune, je suis sûre qu'il a toutes ses chances. Tu devrais miser sur lui. »

Comme d'habitude, Calliopée eut une légère crainte lorsque le berger pris le dessus sur le chien qu'elle avait conseillé. C'était systématique, elle avait toujours cette petite peur d'avoir manqué de discernement, sachant totalement que Gallien serait plus généreux en cas de victoire. Mais comme souvent, la jeune femme avait vu juste et ne put s'empêcher de sourire en voyant le berger se faire battre. Alors que chacun s'exclamait de stupéfaction et que Gallien se montrait encore une fois ravi de sa fille de joie, la jeune femme déposa un baiser sur la joue de son bienfaiteur de la soirée.

« Et toi tu me plais quand tu gagnes, même si c'est grâce à moi. J'ai grande hâte que tu m'allonges sur tout le joli pactole que tu vas encore rafler ce soir. »

Son propre désir se faisait de plus en plus présent, mais elle connaissait Gallien : tant qu'il gagnait, il jouait. Il ne s'arrêtait que lorsqu'il perdait ou que les combats étaient terminés pour la soirée. Elle allait donc devoir encore patienter et lui permettre de rafler encore plus de gallions histoire d'être grassement récompensée après les festivités.

Il y eut quelques minutes de battement, le temps que le tavernier débarrasse l'arène et la nettoie du sang du berger, puis les paris pour le second combat se lancèrent. Ce coup ci, pas de faiblard mais un chien de berger et un molosse qui semblaient tous deux de même force, il était difficile de désigner lequel gagnerait, d'ailleurs les hommes ne misaient pas tous sur le même, les paris étaient équilibrés. Pistos attendit un peu plus longtemps avant de parier, jaugeant la fille de joie avec suspicion. Cette dernière lui offrit un large sourire et un clin d'oeil de défi. Elle observa ensuite attentivement les deux chiens en compétition. C'était difficile, aucun des deux ne semblait souffrir d'une faiblesse. Elle allait se résoudre à se fier à son instinct lorsqu'une chose lui sauta aux yeux. Le molosse avait l'oeil vitreux et légèrement pris. On lui avait appris que les symptômes de maladies ou de bobos se traduisaient par des soucis au niveau des yeux des chiens. Encore une fois, elle espérait avoir bon. Elle chuchota donc à Gallien son choix pour ce combat.

« Je serais toi, je miserais sur le berger ce coup ci. »