Alors que la neige s'était emparée du paysage forestier, une créature pédestre aux longues oreilles surgit du couvert des arbres en hennissant, sa petite queue fouettant l'air avec nervosité. A sa suite, un monstre grognait en courant.
Ou plutôt, un bossu geignard peinait à suivre son arbre, qu'un craquement de branche de trop avait fait stupidement paniquer, alors qu'il se soulageait comme il pouvait malgré le froid. Et cela faisait bien plusieurs minutes qu'il s'échinait à rattraper sa misérable et stupide monture.
"At-attend, il n'y a pas de danger, revient !" souffla-t-il, le coeur au bord des lèvres que le froid mordait avec méchanceté.
Son désœuvrement l'avait mené à errer de hameaux en hameaux, à la recherche de traval, d'un feu, d'un peu de nourriture... Quelque part où se poser sans que son manteau usé ne finisse trempé, avec sa carcasse gelée recroquevillée en son sein. Désormais, il ne pouvait guère se plaindre de la température, seulement que ses rares possessions s'éloignaient sur quatre rustres pattes galopant. Qalaak n'aimait pas monter les bêtes. Ces dernières étaient toujours inconfortables, quand elles n'étaient pas trop hautes ou ne le jetaient pas à terre, faute de l'apprécier.
Étourdi et désespéré, il n'aperçut le gosse que tardivement. Enfant qui l'observa avec de grand yeux. Ceux du bossu finirent par saisir ce qu'il voyait : le petit pêchait. A ses pieds, il ne savait trop comment, il devait y avoir de l'eau.
Ce qu'il avait pris pour une clairière enneigée était un étang. Idiot ! Qalaak se tourna vers son âne qui trottait toujours, bien des mètres devant lui.
"Fait attention ! La glace peut c-" commença-t-il avec angoisse.
Et comme pour saluer son propos, la neige craqua. Sous lui. Pourquoi. Un instant suspendu où son coeur cessa de battre, où il sentit son poids qui s'exerçait sur un sol traître. L'enfant le dévisageait toujours : sa capuche s'était couchée, dévoilant son faciès disgracieux que l'horreur ne devait pas arranger.
"A l'ai-"
Un grondement terrifiant, et il fut englouti, l'eau le mordant à pleine dents. Il eut tout juste le bon sens de ne pas essayer de crier, de simplement se débattre pour remonter au milieu des morceaux de glace. Froidfroidfroidfr... Brusquement ce dernier recula, mais à peine, alors que sa figure jaillissait à l'air libre, tandis que ses bras s'agitaient pathétiquement, alourdi par ses frusques et le choc thermique. L'âne s'était arrêté, le regardant curieusement.
Le garnement lâcha son matériel rustique et s'enfuit en piaillant.
"Y a un monstre qui s'noie ! Y a un monstre qui s'noie !"