Îleglace était une île étrange à la beauté particulière. Là où il avait toujours au cœur les paysages d'Opale et ceux de Belhovre où il avait servi Théodore, Îleglace lui offrait un autre genre de beauté. Un genre qui lui faisait revoir ses croyances selon lesquelles les paysages enneigés n'avaient pas grand-chose d'intéressant. Il y avait quelque chose de réellement magnifique dans ce qui s'étendait sous ses yeux. La terre gelée, la toundra glacée, les arbres verts au milieu d'un paysage blanc. Il avait vu des lièvres qu'on aurait peine à discerner de leur environnement et d'autres animaux qu'il n'avait pas eut le temps d'identifier avant qu'ils ne détalent à son approche. Il avait presque l'impression que Déméter se montrait aussi curieuse et attentive que lui. Les oreilles pointées vers l'avant, elle observait tout ce qui l'entourait avec une attention telle qu'il était presque tenté de dire qu'elle ressentait la même chose que lui. L'envie de découvrir, le besoin de savoir.
Un sourire joua sur ses lèvres tandis qu'il levait les yeux sur un Gris Couronné planant dans le ciel. Oh, il avait été bien inspiré de gagner l'île du nord. Même s'il lui avait fallu ruser pour y parvenir et trouver un passeur qui accepte de transporter un Affranchi. Avec le temps il était devenu bon pour trouver des gens qui acceptent de traiter avec ceux comme lui. Et, comme toujours, il n'avait pas eut à débourser une seule piécette. Il avait payé son transport en travaillant et le capitaine du navire avait été plus que ravi de son choix à l'instar du Torkos. Apprendre le métier de matelot commençait doucement à l'intéresser mais ce n'était pas comme si quelqu'un accepterait définitivement quelqu'un comme lui à bord d'un bateau.
Le sentier se déroulait devant eux, ondulant comme un serpent immobile dont le corps s'étirerait jusqu'à l'horizon et bien plus loin encore. Pressant doucement les flancs de Déméter, il passa du pas à un trot léger qu'elle pourrait tenir sur de longues distances sans s'épuiser.
Il alterna le pas et le trot, s'arrêtant parfois pour marcher à côté d'elle. À aucun moment son regard ne resta fixé à un endroit en particulier. Toujours il vadrouilla de droite et de gauche, observant tout ce qui était à sa portée, tout ce qu'il pouvait voir et découvrir. Ce qui n'avait été qu'une vague curiosité devenait un réel intérêt. Originellement, il n'avait ressenti l'envie de venir à Îleglace que pour se donner un endroit où aller, quelque chose à découvrir. Sa liberté acquise, il avait bien l'intention de l'utiliser à bon escient et de ne pas rester sur ce qu'il connaissait déjà.
Il mangea en selle après avoir fouillé ses fontes et trouvé quelques restes acceptables. Il aurait à chasser pour assurer sa prochaine pitance mais il ne s'en inquiétait pas outre mesure. Il improviserait le moment venu et dans le pire des cas, il s'arrangerait avec un marchand ou avec un fermier du coin. Pour l'heure, il devait s'éloigner un peu des territoires Mésorians afin d'éviter les problèmes.
Peu après midi, il improvisa une petite pause pour soulager sa vessie. Il se cacha derrière les arbres afin de ne pas être remarqué par un éventuel voyageur après avoir attaché Déméter à proximité. Il était occupé à relacer son pantalon lorsqu'il entendit des voix non loin de sa position. De prime abord, la situation n'avait pas grand intérêt. Il n'était certainement pas le seul à voyager et à parcourir les routes d'Îleglace mais un élément le fit changer d'avis. Une voix de femme. Fronçant les sourcils, il s'approcha aussi silencieusement que possible. Les Torkos n'étaient pas connus pour leur discrétion et Lorki ne faisait pas exception. Grimaçant à chaque bruissement, au craquement de la neige sous ses bottes et aux grincements des aiguilles de pin, il parvint néanmoins à gagner l'origine des voix. Il était prêt à rebrousser chemin lorsqu'il serait assuré que la femme ne courrait aucun danger mais ce sur quoi il tomba le fit changer d'avis.
Trois hommes faisaient face à une femme, et entre eux se tenait un renard au pelage aussi inattendu que celui qu'il avait croisé plus tôt. Il n'était ni roux, ni fauve, ni blanc. Il était fait d'ombres et d'argent. Apparemment déterminé à protéger sa compagne, il se tenait face aux trois malandrins, les crocs à nus. Il était condamné à mort. N'importe quel animal sauvage aurait prit la fuite, à raison. Mais celui-ci persistait à vouloir protéger une humaine, voué à mourir sans savoir si sa mort aurait la moindre utilité.
Amarok était accrochée à la selle de Déméter, à l'instar de son épée large… mais il n'avait besoin ni de l'une ni de l'autre. La colère courait déjà dans ses veines à la seule vue de la scène. Sans plus s'attarder, Lorki chargea. Ses pieds écrasèrent des branches qui craquèrent sèchement, il jaillit hors des buissons et percuta de plein fouet l'homme le plus proche. Il s'était attendu à la résistance qui allait de paire avec un corps de Mésorian. Il rencontra des os fragiles, une chair faible. L'impact fut plus brutal que ce à quoi il s'était attendu ; résonna des craquements sinistres d'os qui se brisent. Le criminel s'était rassemblé pour parer au choc qui l'attendait, seul réflexe, un réflexe qui ne lui avait été d'aucune utilité et qui révéla combien son corps lui faisait défaut. Il s'effondra, emportant le Torkos surpris dans sa chute.
Il y eut un instant de flottement, le temps que les brigands restants réalisent ce qui venait de se passer et se mettent à hurler et à le charger. Réagissant avec une seconde de retard, Lorki roula sur le côté et évita de justesse un coup d'épée qui siffla à un pouce de son visage. Se relevant d'un bond, il esquiva une nouvelle attaque et passa à l'offensive, le visage dénué de toute expression. L'absence de résistance et les os brisés l'avaient prit au dépourvu et déconcerté mais ça n'avait aucune importance dans l'immédiat. Seuls importaient les épées, les attaques et les grognements enragés. Les insultes qui lui arrachèrent un bref sourire sarcastique. Ça non plus n'avait aucune importance. La lame glissa contre ses côtes sans le blesser. Dans le même temps, son pied écrasa un genou, faisant ployer son propriétaire. Lequel fut accueillit d'un redoutable crochet du droit qui l'envoya au tapis pour le reste de la séance.
Il se retourna de justesse pour effectuer un pas de côté mais la lame ennemie traça une profonde estafilade entre ses côtes qui lui fit serrer les dents. Poussant son avantage, son dernier adversaire exécuta une botte savante qui fit reculer davantage Lorki. Quelque chose tapa contre l'arrière de sa botte et il tenta de se rattraper, ne parvenant qu'à trébucher davantage sur le corps inconscient de sa seconde victime. Il s'étala de tout son long dans un grognement qu'il acheva dans un cri surprit lorsqu'une dague s'enfonça profondément dans son épaule. Les mâchoires serrées, grinçant des dents, il leva la tête pour croiser le regard fou de l'homme qu'il avait percuté en premier. Il avait l'air mal en point, de la sueur perlant sur son front et la respiration difficile mais en parfait état pour le blesser. Le Torkos se dégagea, se rappelant avec une seconde de retard qu'ils étaient toujours deux. Le coup de pied le cueillit à la lèvre et il goûta son propre sang lorsque celui-ci envahit sa bouche. Sonné, il attrapa à pleines mains la lame qui plongeait vers sa poitrine et parvint à la dévier à la dernière seconde. L'épée se planta dans la terre, emportant avec elle un morceau de sa tunique. Il asséna un coup de coude brutal en pleine figure de l'homme à la dague, le renvoyant à l'inconscience, et frappa le genou de son dernier assaillant dans le même temps. Celui-ci tomba tête la première et Lorki l'accueillit comme il se devait : les deux poings en avant. Il entendit le son écœurant d'un nez qui se brise. L'homme roula sur le côté et s'il essaya de se relever, sa tentative fut tuée dans l’œuf d'un coup bien placé. Le dernier des trois hommes rejoignit ses camarades dans les ténèbres.
Toujours allongé, Lorki leva les yeux vers le ciel pâle d'Îleglace. Ça faisait longtemps qu'il ne s'était pas retrouvé aux prises avec quelques brigands. Trop peut-être. Il avait manqué de prudence et surtout d'efficacité. Il aurait voulu rejeter la faute sur le froid qui lui engourdissait les membres et les raidissait d'une manière qui ne lui était pas habituelle. Mais la réalité était tout autre. Il était seul responsable. Un souffle tremblant lui échappa et un frémissement l'agita sans qu'il ne fasse un geste pour se relever. Avant qu'il puisse avoir l'idée de se redresser et d'aller voir si la femme qu'il avait secourue allait bien, les naseaux gris de Déméter entrèrent dans son champ de vision. Les lèvres de la jument happèrent ses cheveux et tira doucement dessus, reculant tout en soufflant. Il commença par râler puis finit par éclater de rire et la repousser :
- Oh ça va, arrête, lâche-moi, j'ai compris.Elle émit un son et le lâcha, reculant davantage pour lui laisser un peu d'espace. Il roula sur le flanc en serrant les lèvres, réprimant des grognements, et se releva. Un vertige le fit chanceler et il se rattrapa à sa belle grise, celle-ci restant parfaitement en place, l'observant de son regard tranquille. Il sourit, amusé et nauséeux :
- Je t'avais pas dis de rester là-bas ?Elle souffla et mâchonna son mors d'un air impatient. Il avait l'impression que s'il la lâchait, il tomberait. La dague dans son épaule pesait une tonne, lui donnait l'impression que son bras était en plomb. Troublant son équilibre, le rendant incertain de ses propres mouvements. Il se sentait gauche, fiévreux aussi, mais ça s'expliquait probablement par le fait que le sang chaud coulait et que ses plaies ressemblaient à d'improbables fournaises. Il se redressa tout à fait, relevant un dos qu'il n'avait pas eut conscience de courber, et vacilla avec un soupir. Tâchant d'ignorer les corps des trois compères, il chercha la demoiselle du regard, mettant quelques secondes de trop à focaliser son attention sur elle. Ne se faisant pas trop confiance pour la rejoindre sans trébucher, il garda la main sur la bride de Déméter et la rejoignit, se servant de la jument comme d'un repère et d'un soutien. Elle le laissa faire avec bonne volonté. Arrivé auprès d'elle, il tendit la main pour l'aider à se relever mais deux choses l'interpellèrent. Pour commencer, son bras refusa tout bonnement d'obtempérer. Secondement, sa main était couverte de sang. Le sien, pour être exact. Perplexe, il considéra sa paume rougie en fronçant les sourcils comme si ça n'avait aucun sens et secoua la tête. Recentrant sa attention sur elle, il la regarda attentivement, l'air concerné :
- Est-ce que vous… allez bien ? Il ne vous on pas fait de mal, ma Dame ?- Spoiler:
Je m'excuse encore pour cet inexcusable retard ! TT J'espère que ma réponse te convient et que je n'ai pas été trop loin, que tu as assez de jeu >< Si quoique ce soit te dérange n'hésite pas à me contacter pour me le faire savoir, je changerais immédiatement ce qui coince ! =3