Rappel du premier message :

Cela faisait seulement quelques jours qu’Elkrin était partie de Belhovre, et qu’elle avait quitté la demeure de ses anciens maîtres ainsi que ses proches. Elle avait marché vers le sud, se nourrissant des provisions emportées, et dormant à l’écart des villages, dans des cabanons abandonnés, où elle s’était installée des tas de paille ou de feuilles pour dormir confortablement.
Par la suite, elle était arrivée à la lisière d’une forêt. Elle était forcée de choisir cette voie pour accéder au sud de l’île jumelle, où elle espérait trouver un moyen de franchir la mer courbée, pour atteindre l’île d’Opale. Elle en avait longée la bordure vers l’ouest trois jours durant, car elle voulait marcher en forêt le moins de temps possible, en passant par la partie la plus mince.
Elle avait dormi à l’orée de cette forêt dense, nichée contre un arbre doté d’un large tronc creux.
Le matin, elle s’était levée et s’était enfoncée dans les épais feuillages.

   Elkrin ne savait plus depuis combien de temps elle marchait. Cachée par les hauts arbres, la lumière du soleil ne lui parvenait que partiellement, il lui était donc impossible de deviner approximativement à quel moment de la journée elle se trouvait. Parfois, il lui semblait passer plusieurs fois au même endroit.
   Depuis le début de son périple, elle avait adoré marcher. Respirer l’air à pleins poumons, sentir différentes odeurs, apercevoir des animaux qui lui était inconnus. Cependant, peu de temps après s’être engouffrée dans la forêt, elle avait senti l’appréhension l’envahir. Prendre des repères dans un tel milieu lui paraissait complètement impossible, elle qui n’avait qu’à suivre les indications dans les rues de Belhovre, ou consulter la fiche de route donner par Liselle pour arriver à l’entrée de la forêt.
Or, dans cet endroit ou chaque arbre ressemble à un autre, elle se sentait peu à peu perdre ses repères. Il lui sembla marcher encore longtemps, lorsqu’épuisée, elle se laissa tomber sur une pierre. Elle se sentait perdue. Elle sanglota longuement, puis, elle pensa aux efforts de son père et de Liselle. Elle faisait tout ça pour avoir une vie meilleure, et elle devait continuer d’avancer. Elle frotta ses yeux pour en ôter les larmes, et se remit en marche.

Soudain, il lui parut entendre des bruits de pas non loin d’elle. Elle tendit l’oreille, et créa un léger bruissement lorsqu’elle écarta quelques branchages pour tenter d’apercevoir qui se trouvait ici. Elle distingua alors, parmi les feuillages, une femme tatouée, aux aguets. Elkrin, assez indécise, attendit de voir si elle avait été repérée.

Lorsqu’elle remarqua que l’homme avait repris conscience, elle stoppa net sa main et le tissu mouillé laissa perler quelques gouttes sur le visage du torkos. Elle essora le bout d’étoffe et ramena sa main sur ses genoux. Elle voulait répliquer, lui dire qu’il pouvait s’en sortir,  mais elle ne put dire un mot. Sa gorge resta nouée.
Il avait raison, et elle le voulait, elle voulait rester forte, vraiment, mais c’était tellement dur… Elle ne s’était pas attendue à vivre quelque chose de la sorte en partant de Belhovre, ou tout du moins pas après seulement 2semaines… Elle s'était à peine habituée à sa nouvelle vie qu’elle devait maintenant s’accommoder à des choses qu’elle n’avait pas imaginé…
Elle avala durement sa salive et essuya d’un revers de la manche ses yeux mouillés.
Elle esquissa douloureusement un sourire, tout en maintenant le regard du mourant.
Puis quelques mots retinrent son attention… Bersok ? Pourquoi lui disait-il ça ? L’ours responsable de son état… ce serait lui ? Elkrin fixa l’homme et remarqua qu’il avait soudain l’air agité. Il cracha du sang et la phrase du torkos résonna dans le cerveau de la jeune affranchie… Bersok… Elle devait se méfier de Bersok disait-il… Pourtant le mythique dieu vengeur restait une légende…
L’homme avait l’air de plus en plus affaibli et Elkrin ne put s’empêcher de poser la paume sa main sur le front du torkos. Il était brûlant. Elle reposa le tissu plié encore humide sur le front de l’homme, et garda le silence, pour qu’il puisse terminer ce qu’il avait à dire.
Mais l’homme épuisa ce qu’il lui restait de force pour fouiller dans sa poche et en sortir un drôle de petit objet en forme de boule, semblable à du cristal. Elle allongea sa main près de celle du torkos lorsque celui ci lui tendit le bibelot. Emue du don, elle eut à peine le temps de souffler un merci que le torkos lui coupa la parole pour dire une dernière phrase.
Il ferma les yeux et sembla se laisser bercer.
C’était finit. Elkrin ferma les yeux, se mordit la lèvre, et respira un grand coup pour ne pas laisser l’émotion l’envahir.
Elle se tourna vers Kenaï, les yeux brillants et se leva. Elle s’approcha de l’Okanakie.

Est-ce que nous pourrions… Ou est ce que je pourrais… L’enterrer comme le fait mon peuple traditionnellement ? S’il te plait…

Elle avait parler doucement, ça avait été comme un murmure. Elle restait bouleversée par la scène qui venait de se passer si rapidement. Finalement, elle en venait à s’en vouloir d’avoir quitter la résidence des Delbanes… Son père lui manquait terriblement et elle aurait tout donner pour sentir son étreinte, là, en ce moment même, elle qui se sentait à nouveau si perdue…

La jeune affranchie tenta de se rappeler en détails ce qu’effectuait les torkos traditionnellement. Durant toutes ces années, elle avait été protégé des violences de l’extérieur. Comme dans un cocon, elle avait vécu des jours à l'abri, et n'avait jamais fait face à un corps dépourvu de vie. Dans son enfance, elle avait tout de même appris tout les rites de son peuple d'origine. Mais maintenant, les paroles, les gestes dont on lui avait simplement expliqué la chronologie, la signification, tout ça allait devenir bien réel.

"Nous devons,... Nous devons creuser, l'enterrer."

Elle détaillerais et expliquerais les autres choses à faire le moment venu. Avant de saisir de quoi creuser, elle reprit le tissus mouillé qu'elle avait laissé et essuya vaguement les grosses traces de sang et de boue sur le visage et le torse du torkos. Elle sentait le corps froid à travers l'étoffe. Sentait que sa poitrine ne se soulevait plus. Elle sentait tout bonnement que la vie avait vraiment quitté ce corps.
Elle ramena les main du torkos sur son ventre et croisa ses mains.

Il se faisait tard, la nuit était presque noire mais ils ne pouvaient pas laisser le corps là. Il fallait qu'ils l'enterrent avant de dormir, peu importe s'ils resteraient là ou pas. S'ils laissaient le corps pendant la nuit, ils ne pourraient pas dormir, l'odeur se ferait envahissante, et des bêtes seraient susceptibles de venir déranger le corps du défunt.

"Est-ce que nous avons des pelles, ou quelque chose qui pourrait nous servir pour creuser ?"

Pendant de longues secondes, Ekirn resta bouche bée devant Kenaï. Celle-ci avait sorti un objet semblable à celui qu'elle avait reçu du Torkos, l'avait secoué, et il s'était miraculeusement éclairé, prodiguant une vive lumière.
Encore sous le choc, Elkrin réalisa que c'était surement les objets magiques dont lui avait parlé son père, confectionnés par les Okanakis.
Elle attrapa la boule qu'elle avait laissé dans sa besace, timidement, elle la secoua et celle-ci s'alluma de la même manière que celle de l'Okanakie.
Un large sourire se dessina sur le visage de la jeune affranchie. Le Torkos ne lui aviat pas seulement léguer un quelconque objet ! C'était le fruit du travail d'un chemenn, quelque chose d'exceptionnel. Elle écouta les instructions de Kenaï, attrapa une pierre et tenta tant bien que mal de creuser.

Au bout de quelques heures, le trou fut creusé. Malgré la force qu'elle était sensé avoir comparé aux Okanakis, Elkrin était si fatiguée qu'elle laissa les deux Okanakis s'occuper du corps. Ils le déposèrent dans la fausse. Elkrin, qui s'était assise pour souffler se leva, et tourna la tête vers Kenaï.

"Nous devons dire quelque chose, euh..."

Elkrin s’emmêlait. Elle n'avait jamais effectuer d'enterrement, et ce sentait complétement perdue.

"Quelque chose de joyeux que nous savons sur lui..."

Cette phrase lui paraissait tellement bête... Le Torkos n'avait que fait de les menacer, et d'être incorrect, surtout envers Kenaï. Lui dire qu'elle devait dire quelque chose de positif semblait tout à fait étrange.
Elkrin se rapprocha du trou et inspira un grand coup.

"Je... Je ne connaissais pas bien cet homme... Mais malgré certaines paroles, il ne méritait pas de mourir. Avant son dernier souffle, il m'a tout de même offert cette source de lumière, qui m'accompagnera surement dans mes moments les plus sombres. Il m'a mit en garde contre Bersok, il était peut-être, au fond, quelqu'un de bien..."

Ses paroles avaient été complétement désordonnées, elle s'était embrouillée, surement à cause du sommeil et de la faim qui la tiraillait, et des émotions qui s'enchainaient. Elle fit un signe de la tête à Kenaï, comme pour lui proposer à elle aussi de parler.

Une fois tout terminé, ils recouvrirent le corps, déterrèrent quelques herbes et fleurs pour les replanter sur l'amas de terre et dissimulé la tombe. Elkrin prit sa couverture, s'installa contre un arbre et se blottit dans l'étoffe.

"Je dois rejoindre Opalgöor... Demain je dois partir de bonne heure..."

Elle s'endormit sur ces mots.

A l'aube, la lumière perça les branchages et Elkrin ouvrit l’œil. Elle commença par regarder le tas de terre encore mal dissimulé, mais elle savait qu'avec le temps, il serait à nouveau couvert de verdure. Elle se leva, rangea sa couverture. Kenaï était déjà réveillée.
Elkrin attrapa un fruit, mordit à pleines dents dedans et commença à marcher dans la direction que Kenaï lui vait indiqué la veille.Elle se retourna une dernière fois.

"Aurevoir Deakan et Kenaï, Merci pour tout, à bientôt j'espère !"

Elle ne préférait pas s'attarder sur des adieux, et savait que ce n'en était pas la peine. Elle espèrait juste que Kenaï savait à quel point elle lui était reconnaissante.

Spoiler: