Ce qu'il faisait chaud en ces rudes journées d'été ! Au beau milieu de l'après-midi, le soleil tapait très fort, il n'y avait pas une once de vent pour se rafraîchir, et l'atmosphère était lourde... Un orage éclaterait sans doute dans la soirée. Le climat du sud était agréable en toute saison, mais il pouvait parfois être un peu trop étouffant au plein coeur de l'été.

Asthan et Enguerrand avaient quitté Opalgöor au matin pour se rendre dans un petit village au bord de l'Espoir, situé à deux jours de cheval. Les deux compagnons devaient y livrer un colis "de première importance" selon les dires de leur client, à un cousin Torkos. Le colis était soigneusement emballé dans des peaux, et faisait la taille d'un petit coffre, aisément transportable accroché à la selle d'un des deux chevaux.
Le client payait bien, et cela donnait l'occasion d'une petite ballade agréable.

Pour le moment, les deux compères s'accordaient une pause déjeuner. C'était surtout pour ménager leurs montures, que le client leur avait passées, et qui n'étaient pas de première main. Les bêtes avaient besoin de se reposer un peu, sinon par cette chaleur, elles ne tiendraient pas longtemps.
Les chevaux furent donc attachés à un arbre, tandis qu'Asthan et Enguerrand s'asseyaient au bord du fleuve pour casser la croûte.

Quelques minutes plus tard, ils étaient tous deux dans le fleuve, leurs habits complètement trempés, en train de se couler mutuellement...
C'était parti de rien. D'une envie de poisson. Enguerrand voulait faire frire de la truite d'eau douce pour le repas du soir, Asthan se vanta de pouvoir en attraper à mains nues. Il ôta son manteau, remonta son sarouel à mi-cuisses et pénétra dans l'eau. Après plusieurs tentatives échouées, notamment parce qu'Enguerrand lui lançait des cailloux pour le déconcentrer, Asthan mit au défi son frère d'aventure de faire mieux, et tous deux se retrouvèrent au milieu du fleuve à se chamailler comme des enfants.

Les bruits d'éclaboussures et leurs rires devaient s'entendre de loin, et ce furent les hennissements de l'un des chevaux qui les ramena soudain à la réalité. Asthan, grâce à ses sens aiguisés d'Okanaki, fut le premier à les entendre. D'une voix soudain autoritaire, il dit à son ami :

Arrête. Quelqu'un vient.

Il se rapprocha un peu du bord du fleuve, là où l'eau lui arrivait à hauteur de nombril, et porta la main à sa ceinture pour dégainer un tolohok, qu'il tint prêt à lancer sur quiconque s'approcherait de ses montures ou de ses possessions.

Tandis que je grignotais calmement un petit casse-croûte fait de fruits trouvés en chemin, j'avance calmement sur l'Île d'Opale. Ça faisait un bon moment que je n'avais pas croisé d'être humain, et c'était à vrai dire un avantage pour moi qui suit en fuite. Si jamais je me fais attrapée, je serais bien mal tombée et c'est la mort assurée. Après tout, une hors-la-loi qui se promène aussi tranquillement ne devrait pas être vivante. Je n'ai jamais voulu devenir comme ça, on peut dire merci à mon père, ou plutôt beau-père, fou dangereux.

Mais je ne devais pas m'attarder là-dessus et vite trouver à nouveau de quoi manger. Dans une heure, je devrais à nouveau prendre un repas. Maudit soit cet estomac qui m'oblige à manger aussi souvent. Point positif : comme maintenant je ne peux beaucoup dormir sous crainte d'être attaquée et capturée, me réveiller en pleine nuit, toutes les heures, pour manger ne pose plus aucun problème.

Le problème a présent n'était pas de manger, mais de boire. Par chance, je suis arrivée devant un fleuve vers lequel j'ai courus pour me désaltérer quelque peu. Mais alors que je buvais tranquillement, des bruits attirèrent mon attention. Des rires. Je devais vite me cacher. Et s'ils me capturaient. Ça ne devait pas arriver. Mais la curiosité était fort grande, et je me suis approchée de cet endroit en me faisait un minimum discret. J'entendis un hennissement, et c'est alors seulement que j'ai remarqué les deux chevaux. Ils portaient encore leurs harnachements et l'un d'eux portait un point en plus, me faisait penser à un sac. Je vis aussi des vestes accrochées, et tout cet ensemble m'empêcha d'avancer.

Cependant, la vue de ses pauvres équidés, attachés et réduit à obéir, me rendit triste.l'un d'eux tira un moment sur ce qui le reliait à l'arbre. Alors, de ma main gauche, je pris mon petit marteau tandis que la droite pendait sur le côté, et m'avança, tremblante, vers ses animaux. Je jetais des coups d’œils furtifs de chaque côté, craignant de me faire attaquer, mais je voulais libérer ses animaux.

Les bruits qu'Asthan avait entendus venaient bien d'une humaine, et non d'un quelconque animal sauvage attiré par les chevaux ou l'eau fraîche du fleuve. De ce qu'il put en percevoir rapidement, il s'agissait d'un petit brin de femme, plutôt jeune et plutôt jolie, toute vêtue de noir. Mais il ne prit guère le temps de l'observer en détail, car il vit qu'elle tenait un marteau dans sa main gauche, en s'avançant vers les chevaux.

Se méprenant sur les intentions de la jeune fille, il crut qu'elle s'apprêtait à faire du mal aux chevaux, peut-être pour récupérer les affaires qu'ils avaient laissé arnachées aux selles. Sans prendre plus le temps de réfléchir, il lança le tolohok qu'il avait en main, avec l'agilité digne d'un chasseur okanaki. L'arme vint se planter dans l'arbre où les chevaux étaient attachés, à quelques centimètres de la tête de la voleuse.

Asthan éleva alors la voix, calmement mais suffisamment fort pour qu'elle l'entende, à présent qu'il pensait avoir son entière attention.

Je vous conseille de poser immédiatement votre arme, si vous ne voulez pas que le prochain atteigne votre jolie petite tête.

Ce disant, il dégaina un second tolohok qu'il brandit bien visiblement dans sa direction.
En voyant cela, Enguerrand se rapprocha de lui et lui posa une main sur l'épaule. Asthan savait très bien à quoi le Mesorian pensait. Enguerrand ne supportait pas que l'on fasse de mal aux femmes, c'était son grand principe. Asthan le rassura d'un simple regard. S'il n'avait aucun scrupule à tuer ceux qui se mettaient en travers de son chemin, il n'était pas non plus une brute sanguinaire qui étripait tous ceux qui croisaient sa route. Heureusement d'ailleurs, sinon il serait pourchassé par les forces armées de tous les peuples et ne pourrait pas exercer son métier correctement.