Une journée plus tôt...

Mes pas résonnèrent dans le couloir sombre du domaine. Déjà minuit et malgré l’insistance de ma mère, je ne comptais plus les allers-retours que j’avais faite entre la cuisine et la chambre de ma maîtresse. Baisser sa température prenait toute notre énergie. Les jours s’accumulèrent et son état ne s’améliorait guère. Je restais de glace, face à la mort qui allait bientôt cogner à sa porte. Je ne pouvais pas lui montrer ma souffrance, pas quand elle avait besoin que l’on soit auprès d’elle.


Je rentrais à nouveau dans la chambre avec un seau d’eau que je déposai près du lit. Je tordis un morceau de tissus que je déposai sur la tête de Danzah. Ma mère insista à nouveau pour que j’aille m’allonger. J’en avais assez fait, me disait-elle, il est maintenant l’heure que je me repose, continua-t-elle tout en ponctuant les sonorités de sa voix vers l’inquiétude à mon égard. De toute façon, elle avait raison. Que pouvais-je faire d’autre si je dors debout? Elle allait prendre la relève.


C’est d’un pas décidé que cette fois-ci, je me rendais à ma chambre. J’enlevais mes chaussures et j’enfilais une tenue de nuit. Les couvertures m’amenèrent un petit réconfort et aussitôt que ma tête fut déposée sur l’oreiller, je sombrais lentement vers le royaume du rêve...


J’ouvris mes yeux et me rendit vite compte que j’étais allongé dans ce qui semblait être une énorme boite en bois. Assez long pour que mon corps y soit allongé, mais très restreint pour m’empêcher de bouger. * Mais, qu’est-ce que je fais dans cette boite? * pensai-je tout en sentant un sentiment de panique monter en moi. Des bruits me parvenaient, tantôt lointain ensuite si près, des murmures puis une voix grave d’un homme s’éclaircissant la gorge pour ensuite prendre la parole :


« Aujourd’hui, cette femme sera brûlée vive pour sa trahison! Aujourd’hui, cette femme pourra expier ses fautes dès que le feu l’aura purifié de ses actes! Aujourd’hui, afin d’éviter que Zhäa revienne, cette femme sera brûler vive en sacrifice! Pour nous sauvez tous de la destruction! » Plusieurs l’applaudir et d’autres le traitait de fou.


« QUOI!? » criais-je tout en tentant de donner des coups avec mes genoux, mes coudes, mes mains et mes pieds pour me sortir de cette boite qui allait me servir de cercueil avant de brûler devant cette foule amassée pour assister à ma mort.


« NON MAIS C’EST QUOI CE DÉLIRE? LAISSEZ-MOI SORTIR! JE N’AI RIEN FAIT POUR MÉRITER ÇA! » Criai-je paniqué.  


Moi, accusé de trahison? Il est clair qu’il y a erreur sur la personne. Je n’ai pas trahi qui que se soit!


Le rythme de ma respiration augmentait aussitôt que je sentis l’odeur de la fumée. Le feu crépitait, mais cela n’empêcha pas des inconnus de lever la boite pour m’approcher de ce brasier.


« LAISSEZ-MOI SORTIR! LAISSEZ-MOI SORTIR! LAISSEZ-MOI SORTIR! » Criai-je tandis que les sanglots me gagnèrent peu à peu. Il n’y avait rien de plus rageant que d’être lié à un sort auquel nous n’étions pas coupables et le sentiment d’impuissance face au fait d’être pris au piège.

Les secondes et les minutes passèrent. Ils marchèrent tous au même rythme pour m’amener rapidement près des flammes. Mon cœur, sous l’effet de la panique, battait la chamade. Rien de ce que je pouvais faire, n’allait réussir à me sortir de cette malencontreuse situation. Je me voyais mal essayer de négocier quelque chose avec l’un des inconnus qui me transportaient jusqu’au bûcher. Avec le peu de secondes qui me restaient vivre, je préférais mourir avec fierté... même si... je ne savais même pas comment j’étais arrivé dans ce pétrin!


Soudain, il y eut un léger déséquilibre dû à un ajout de poids supplémentaire sur le cercueil.  * Mais qu’est-ce que...* Pensai-je avant que la boite de bois ne cède. Je me retrouvais vite fait au sol, prise en sandwich avec un homme que j’arrivais à peine discerner grâce au débris de bois. Ma libération avait pris de cours les porteurs. L’inconnu se releva rapidement et me pris la main, tirant dessus pour m’aider à me relever puis m’ordonna de courir.  En d’autres circonstances, je lui aurais dit ma façon de pensée... mais je dois avouer que des villageois apeurés, des hommes déterminés à nous rattraper et un bûcher en flamme m’aidaient totalement à ne pas protester.


« RATTRAAAPEZ-LES! AAAAU BÛCHER! AAAAU BÛCHER!!! » Cria une voix aiguë que je ne pris pas le temps de savoir si c’était un homme ou une femme.


Mon sauveur serpentait entre les hommes qui tentaient de nous bloquer le chemin tout en me protégeant. Ce petit village voulait notre peau pour une raison qui m’échappait et je me disais que ce n’était pas non plus le moment de m’arrêter pour leur demandé. Par contre, je voulais une arme sinon je me sentais complètement inutile. Je voulais éviter que la situation se dégrade pour nous deux et qu’ils réussissent à nouveau à nous capturer. Ce que je pouvais constater, j’ignorais pourquoi, mais ils avaient peur de moi. Quand une femme s’éloigne en cachant le visage de son bébé dans ses bras parce qu’une jeune femme se dirige dans sa direction pour avoir de l’aide, ça laisse présumer bien des choses.


Même si je me laissais guider pour l’instant par l’homme qui me protégeait au péril de sa vie, je repérai rapidement une fourche plantée dans le sol. *Parfait! C’est maintenant que l’on va savoir si les enseignements de Kael vont me servir!* Pensai-je en relâchant la main de mon protecteur pour aller prendre la fourche avec mes mains. Je fis volte-face, en secoua ma fourche de gauche à droite, couvrant un angle de 180 ° tout en mimant le geste de vouloir les embrochés.


« Bande d’incapables! Non, mais vous avez un petit pois à la place du cerveau ou quoi? Je n’ai rien fait! Laissez-nous partir en paix! » Dis-je avec un regard rempli d’amertume.


La suite des événements se passa rapidement, l’inconnu m’attrapa à nouveau et me força à le suivre. Mon petit discours n’avait pas eu l’effet que je voulais. Au contraire, j’avais jeté l’huile sur le feu.  Au lieu d’emprunter le sentier avec de drôles de pierres jaunes, mon protecteur obliqua vers le bois. Je tentais de garder le rythme tout en soulevant ma robe et tenant toujours ma fourche.


Nous arrivâmes par mégarde sur un petit couple de Groll. En faite, ils sont tout sauf petits ces bêtes-là.


« Mangeeeeer » dit l’un en train de mastiquer le restant d’une carcasse de je ne sais quel pauvre animal qui avait croisé leur route ce matin-là. Je retins mon souffle, plaçant même ma main sur ma bouche et je tentais de reculer sans faire de bruit. C’est malheureusement les cris de guerre de nos poursuivants qui révélèrent notre présence. Sans plus attendre, nous prîmes nos jambes à notre coup, en espérant que les Grolls allaient s’occuper d’eux avant nous.


Nous montâmes la montagne et cette fichue forêt dense quand on remarqua des pierres qui ressemblaient étrangement à une entrée.  Mais le plus bizarre c’est qu’il y avait une lumière blanche intense et rien de l’autre côté. Les cris d’effrois résonnèrent dans la forêt et divers bruits menaçants se rapprochaient de nous. Sans hésiter, nous entrâmes dans cette entrée mystérieuse...


Pour atterrir en plein climat froid. Quelques choses de blancs tombaient du ciel et c’était visiblement froid à mes pieds. Parcouru de léger frisson, mais en sécurité pour le moment, c’est là que je remarquais celui qui m’accompagnait.


« Rohan! » M’exclamai-je à la fois surprise et heureuse de le revoir avant de m’élancer sur lui pour lui donner un câlin.


« Oh Pardon » Dis-je en riant tout reprenant une certaine distance. «  Merci beaucoup, de m’avoir sauvé. » Dis-je avec toute franchise avant de reporter mon attention le paysage qui nous entourait.


« Où sommes-nous? Je ne connais pas cet endroit. Mais c’est froid... tu as une idée de ce que sait? » Dis-je en ramassant cet amas de substance blanchâtre.


Rapidement, je réalisais que nous ne pouvions pas rester ici à attendre que le froid nous transforme en statuette de glace, il nous fallait de quoi pour nous tenir au chaud! Comme je n’avais pas prévu de venir ici et j’étais loin d’être habillé chaudement avec ma robe de domestique noir. Je grelottais, mais je m’adressai au ciel en criant :


« Si c’est un rêve... je n’aurais pas pu rêver à une simple randonner avec un Kaasar de l’Ombre au lieu d’être prise au milieu de nulle part? »


Pour toute réponse, deux lampagas firent leur apparition et je ne pus retenir mon hilarité.