La nuit était fraîche et la lune éclairait très bien les rues de la ville. Sous son uniforme de Capitaine, Rohan allait et venait dans les rues, surveillant le moindre mouvement suspect. Ce dernier avait dispersait ses hommes comme chaque nuit, afin de veiller à ce que les gens soient en sécurité. Le colosse avait donc son chemin à faire, mais toujours sans itinéraire fixe afin de ne pas permettre aux malfrats de prévoir à l’avance ce que les rondes faisaient.

D’un pas fluide et rapide, Rohan sillonnait la ville, levant de temps en temps les yeux pour profiter du ciel étoilé. Cela l’avait toujours intéressait de savoir ce que représentait ces lumières dans le ciel. Mais pour ce soir, il fallait surveiller la terre ferme et ne pas se laisser distraire. Le Capitaine avançait, jetant un œil à chacune des maisons qu’il croisait, un homme venait de quitter sa maison, prenant la route vers la taverne. Le temps de faire le tour de la maison voisine, de revenir devant celle de l’inconnu récemment croisé qu’un bruit se fit entendre. Un cambriolage ? Non ! Une nuit animée, enfin !

Prenant le temps de se positionner dans un coin, en attendant que la maison se vide de cet occupant non-autorisé. Plusieurs hommes étaient dans le coin, et voyant leur chef en position, ces derniers s’approchèrent et demandèrent ce qui se passait. Faisant un rapide résumé de la situation à ses hommes, Rohan ordonna d’encercler la maison et de ne pas bouger avant la sortie du suspect. Le mot d’ordre était d’appréhender le suspect et non de le tuer. Il fallait savoir jongler avec les ombres, car la lune n’était pas une aide cette nuit. La discrétion était la clé de cette prise. Il y avait toujours le risque de la fuite une fois dehors, car une fois dans la rue, il était simple de trouver une issue. Mais Rohan avait confiance en ses hommes et en lui-même pour avoir assez de moyens pour l’arrestation.

Un genou au sol, le colosse attendait que les choses avancent, il ne fallait pas effrayer la personne qui se trouvait dans la maison et il fallait également jeter un œil à la victime afin qu’elle ne décide pas de revenir chez elle. Bien qu’en fait, il était rare de voir une personne quitter la taverne avant l’aube le lendemain. Et même dans le cas où il reviendrait plus tôt, cela ne serait pas après à peine une heure. La taverne avait cet avantage de garder longtemps les personnes qui s’y rendaient, comme une lumière attirant des moustiques. Enfin surtout tous ceux qui étaient des alcooliques invétérés. Rohan lui était rarement de ce genre, préfèrent être tranquille dans son coin ou éventuellement jouer aux cartes ou d’autres jeux de ce genre. Après tout, son travail était comme une partie de carte où il fallait prévoir les coups à l’avance et prévoir ceux de son adversaire. Comme cette nuit. Tout pouvait arriver dans ce genre d’intervention, surtout lorsqu’on ne connaissait rien de la situation. La seule certitude venait du fait qu’il fallait que la justice soit respecté coûte que coûte. Et ça, Rohan comptait bien faire en sorte que cela se passe ainsi et pas autrement…

Le calme avant la tempête, rien de plus stimulant avant l’action. Les hommes attendaient, imaginant tout et n’importe quoi occupant cette maison. Puis un bruit se fit entendre un peu plus loin, d’un geste de la main, Rohan ordonna à l’un de ses hommes d’aller voir tout en restant dans son coin, à l’affût du moindre mouvement. Mais avant même que l’homme puisse se rendre là où le bruit venait de se faire entendre, un bruit sourd et un mouvement attira l’œil du Capitaine. Une ombre venait de s’abattre sur l’un des soldats, le mettant à terre avant que cette dernière commence à courir. Le Mésorian eut le temps de voir qu’il s’agissait d’une femme, jeune et très habile visiblement. Elle prit un chemin, et au vu de la direction, elle ne semblait pas connaître correctement la ville. Ce qui allait être à l’avantage du guerrier…

Une course s’engagea, Rohan poursuivant la jeune femme qui était clairement pressée de quitter la ville. Une ruelle, puis une autre, un virage à gauche puis à droite avant de filer tout droit sans ralentir. Rohan savait exactement où aller pour devancer la jeune femme. Prenant une énième petite ruelle, le colosse sorti en trombe devant l’inconnue. Un sourire moqueur aux lèvres, le Capitaine resta figé face à la voleuse. On pouvait lire sur le visage du guerrier qu’il prenait cette poursuite pour un amusement. Il adorait courir et finir par prendre les hors-la-loi.

« Je crois que ce que vous avez pris dans cette maison…ça ne vous appartiens pas… »

En fait, le colosse ne savait pas si elle avait effectivement pris quelque chose mais prendre des risques comme ceux-ci pour au final, ne rien prendre, c’était un peu illogique. Donc la logique voulait que la jeune femme était en possession de quelque chose qui ne lui appartenait pas. Quoi était encore la question. Mai le Capitaine comptait bien avoir rapidement la réponse. Enfin après avoir appréhender la voleuse évidemment…

« Je vous prierez de ne pas fuir afin d’éviter qu’on en vienne à la violence. Je n’ai aucune envie de vous faire du mal et je suis certain que vous ne souhaitez pas non plus en arriver là. Alors déposez votre arc et vos flèches doucement et allongez –vous sur le sol. S’il vous plait. »

Bon, dans un premier temps, être courtois et poli ne faisait évidemment pas de mal. Et d’ailleurs le guerrier espérait grandement que ce petit monologue persuaderait la jeune femme de baisser les armes et de se rendre. Bien que, quelque part, Rohan doutait sincèrement de la coopération de la voleuse. Mais cela ne devait entacher aucunement la démarche du Capitaine, celle qui consistait à toujours être aimable même en pleine prise d’un ou une hors-la-loi. Même si le Mésorian n’était pas contre un peu d’action lors de flagrant délit comme celui-ci. Enfin là, il s’agissait d’une femme et les choses étaient un peu plus compliquées pour le Capitaine dans ces cas-là car il n’était pas du genre à frapper une femme. Quand bien même elle devenait agressive, il avait toujours tendance à ne pas y mettre toute sa force afin de ne pas briser des os ou même carrément tuer la demoiselle qui lui faisait face.

Rohan pouvait voir dans les yeux de la jeune femme que ça n’allait pas être de la totale coopération. Mais au moins elle n’agressait pas bêtement sans tenter de parler avant. Et ça, le Capitaine appréciait tout particulière. Elle pensait avoir récupéré ce qui lui appartenait et cela intriguait grandement le soldat. Que pouvait-elle bien vouloir récupérer dans cette maison qui vaille un tour en cellule ? Si cela était nécessaire, et même acceptable, peut-être fallait-il que le Capitaine s’attarde un peu plus sur l’objet et sa réelle appartenance…

« Puis-je voir ce que vous avez récupéré ? »

Sans faire de gestes trop brusques, le colosse tendit sa main afin que la jeune femme y dépose l’objet de son délit. Rohan voulait voir de quoi il retournait et il lui fallait absolument voir la raison à cette entorse aux lois. A cet instant, le guerrier espérait grandement que la jeune voleuse allait coopérer une nouvelle fois. C’était pour son bien après tout et il fallait bien que justice soit faite. Et en agissant de la sorte, elle allait pouvoir faire avancer la justice dans le sens qu’elle souhaitait. Enfreindre la loi pour une injustice, ce n’était pas la meilleure façon d’agir. Loin de là même.

« Je cherche simplement à vous aider. Vous vous doutez bien que je ne peux pas vous laisser partir comme ça. Il me faut plus que ça pour vous laisser reprendre votre route. Si ce que vous avez récupéré était à vous, alors vous n’avez rien à craindre de moi… »

Le Mésorian ne pouvait pas être plus clair qu’à cet instant. Il offrait ni plus ni moins que son aide à ce qui aurait apparu comme une simple voleuse aux yeux de beaucoup d’autres Mésorians. Chose que Rohan ne faisait absolument pas, ce n’était pas du tout son genre de juger selon le peuple. Chaque personne agit selon sa conscience, la notion de bien et de mal n’entre en jeu que lorsque le jugement est externe, impartial et juste. Ce qui s’appliquait à la jeune femme comme à un Roi. Enfin pour Rohan tout du moins. Mais comme tout le monde le savait, la façon de penser du guerrier était loin d’être répandu et en cela, la voleuse avait énormément de chance d’être tombée sur lui et non sur un de ses hommes ou un autre Capitaine.

Au loin, on pouvait entendre les autres qui cherchaient à retrouver la trace de leur Capitaine et de la fugitive. Il fallait que la jeune femme se décide rapidement si elle ne voulait pas avoir des problèmes déjà bien présents. Rohan pouvait évidemment ordonner à ses hommes de le laisser gérer l’affaire mais rien n’était moins sûr sur ce que l’un d’eux pouvait faire sous le coup de l’excitation. Une flèche était si vite partie.

« Mes hommes vont pas tarder et certains d’entre eux, voir même tous, sont bien moins conciliant que moi. Et je ne pourrais peut-être pas les empêcher d’agir s’ils vous voient armée et non maîtrisée. Je vous promets qu’ils ne vous feront pas de mal. Nous avons peu de femmes en cellule, je prendrais donc la garde de la vôtre afin qu’aucun de mes hommes ne tente quoique ce soit sur vous. Mais là, maintenant, tout de suite, il va vous falloir me faire confiance si vous voulez passer la nuit sans risque de mort imminente… »

Le bruit d’empressement des autres Mésorians se faisait de plus en plus fort, indiquant qu’ils n’étaient plus très loin de la position de Rohan et de la voleuse. Si cette dernière ne faisait pas rapidement un choix, il y allait avoir du sport dans peu de temps…

Le pas des autres se faisait de plus en plus proche. Le bruit de quelques mots venaient même jusqu’aux oreilles du Capitaine, et sûrement de la jeune femme. Lançant un regard vers les bruits, Rohan reposa son attention sur la voleuse. Elle ne semblait pas vouloir en arriver en pire et elle semblait vouloir faire les choses plus ou moins correctement. Après quelques secondes à prendre conscience que les autres arrivaient sous peu, la jeune femme fini par proposer un marché. Elle montra l’objet en question, et lorsque le guerrier posa les yeux dessus, un flash léger fit un écho dans l’esprit du géant. Mais ce n’était pas encore très clair, Rohan savait que cela datait mais il savait également qu’il y avait une histoire derrière ça. Tout en fixant la main de la jeune femme, la voix de cette dernière sortie le colosse de ses songes. Elle voulait faire les choses à sa façon, soit, Rohan serait celui qui ferait preuve de compréhension. Visiblement, elle voulait faire les choses discrètement et seulement avec le Capitaine. Bien. Laissant le silence s’installer, le guerrier n’ajouta rien à ce que la voleuse venait de dire, la laissant partir dans la ruelle qu’elle avait indiqué quelques secondes avant…

La silhouette de la jeune femme quitta le champ de vision du Capitaine, mais bien vite, ce dernier se retrouva avec ses hommes, essoufflés, aux aguets, l’arme à la main, prêt à faire leur devoir. Enfin plus ou moins, selon le gars en question. Le second de Rohan fut le premier à s’adresser à son supérieur.

« Capitaine ? Qu’est-ce qui se passe ? Où est le suspect ? »

Le regard du trentenaire disait clairement qu’il réfléchissait mais comme peu de monde était capable de lire en ce dernier, le second et le reste des hommes ne faisaient que voir un Capitaine prêt à donner des ordres. Reprenant de la contenance devant les autres, Rohan fixa son second et reprit rapidement les choses en main.

« Vous trois, à droite. Vous autres tout droit. Allez jusqu’à l’enceinte extérieure, et faites le tour par la gauche. Je vous attends ici à l’aube. Aller. »

Les soldats prirent le chemin que leur Capitaine venait de leur indiquer. Attendant encore quelques secondes afin de s’assurer que personne n’était là puis il prit le chemin de la ruelle dans laquelle la jeune voleuse s’était réfugiée. En arrivant devant elle, le géant resta là, attendant que l’inconnue décide de réagir. Son marché était tenu, elle pouvait respirer le temps d’une nuit, le temps que les hommes reviennent.

« Voilà. J’ai respecté le marché. C’est à vous maintenant de tenir votre accord. »

Le guerrier était calme, l’idée d’avoir menti à ses hommes n’était pas le plus difficile, du moment que la justice était réellement exercée. Et si pour cela, il fallait faire ami-ami avec une voleuse, Rohan n’allait pas regarder dans le détail. Il fallait bien savoir faire des choix qui n’allaient pas forcément dans le sens de la hiérarchie. Cette même hiérarchie qui étouffait l’impartialité de cette justice à laquelle le Capitaine voulait tellement croire. Peut-être qu’avec des personnes comme la jeune voleuse, des accords hors des sentiers battus, tout ça pouvait peut-être prendre forme. Il y avait des risques, il fallait bien l’avouer mais si pour parvenir à un résultat honnête, cela était bien peu en comparaison…