Le rire du Marchesable était un ensorceleur, et il m'arracha un sourire impossible à retenir malgré mon irritation.

- Tu n'as pas idée ! J'ai toujours trouvé que les mésorians avaient la fâcheuse tendance à superposer inutilement leurs vêtements.

Un gloussement d'indignation m'échappa, mais ses mots étaient dit avec tant de franchise et de raillerie, que ce cocktail infaillible ne manqua pas d'étirer ce même sourire toujours placardé à mon visage. Je n'avais malheureusement rien à répliquer à cette vérité trop bien trouvée, sauf peut-être un argument sur la pudeur mais qui ferait mouche à ses oreilles. Et pour l'hygiène, aussi ! Mais ce raisonnement risquait lui aussi d'avoir un poids peu décisif. Je résistai à l'envie de rouler des yeux au plafond, et relevai légèrement le menton pour la forme. Alors je ne pu m'empêcher de le provoquer, car j'étais tout de même de bonne guerre, et que j'avais un égo bien dissimulé.

Sa mine déconcertée était une douce vengeance que je savourai en le dévisageant avec insistance. Ce fut de courte durée, bien évidemment, et son regard calqua son insolence sur le mien. Une petite décharge d'adrénaline s'écoula sous ma peau, d'autant plus lorsqu'il se redressa pour venir cueillir un autre baiser. Je souris doucement contre ses lèvres.

- C'était un simple trait d'esprit, c'est ça ? J'ai tout faux ?

Je posai délicatement ma main sur sa blessure d'antan pour la couvrir et collai mon front au sien en expirant. C'était une excellente question. J'eu l'impression qu'un habitacle encore plus petit et plus fermé venait de nous englober, un abri à l'intérieur d'un autre.

- Tu as faux, mais ça ne veut pas dire que j'ai raison...

Je fermai les yeux en respirant son odeur, n'osant plus bouger, me rapprocher ou m'éloigner.

- Crois-tu qu'on sera jugés pour cela ... ?

J'entendais par là les dieux, sachant que je garderais secret ce moment, mais à bien y réfléchir, ce n'était pas le jugement d'Hygérie qui me glaçait mais plutôt le regard que je portais sur moi-même. Et sur ce que nous devrions ensuite taire chacun de notre côté. J'exerçai une légèrement pression sur son biceps en soupirant de nouveau.

Les doigts du Marchesable qui glissaient dans mes cheveux m'arrachèrent de longs frissons. Comme à son habitude, Tanaki avait les mots.

- Nous avons faux. Ça ne veut pas dire que nos dieux ont raison.

Je redressai légèrement la tête, surprise, et goûtai brièvement les lèvres du nomade qui était venu quérir les miennes. Je ne trouvai rien à répliquer à cela et restai pantoise en l'observant silencieusement. Je me sentis bien, détendue, et légèrement fébrile à la fois. Son observation résumait parfaitement la situation, un peu trop bien d'ailleurs, et la simplicité, la sincérité de la chose m'arracha un énième rictus. Mes yeux se fermèrent à nouveau en sentant la douce caresse des mains du Marchesable courir sur ma peau et terminer leur ascension dans mon dos. La chair de poule couvrit mes avant-bras.

- Qu'ils nous condamnent après nous avoir menés ici, peu m'importe. Leur jugement n'aurait que peu de valeur à mes yeux.

Je lui lançai un regard interdit. Même si ses propos me surprenait, je ne pouvais qu'aller en leur sens, car je les partageais. En prendre réellement conscience fit de nouveau monter le rose à mes joues, d'autant plus lorsque le visage de l'okanaki vint se nicher dans mon cou pour l'embrasser. C'était trop pour retenir le soupire qui m'échappa, témoin plutôt explicite de ce que je pensais de toute ces délicates attentions. Je laissai fourrager ma main gauche dans ses cheveux qui fleurait bon l'eau de pluie, et respirait le parfum salé de sa peau qui s'était imprégné de la fumée du feu de bois.

- Je crois que ça vaut bien une condamnation...

Je voulais ma voix narquoise et assurée, mais mon souffle un peu court lui retira toute crédibilité. Je me mordis la lèvre, capitulant à l'idée d'échanger des piques puisqu'il n'était apparemment plus question de ce genre d'échanges. Il me sembla que l'air s'était refroidit, ou alors la température de mon corps avait un peu trop augmenté. Je laissai glisser ma main droite sur le torse du marchand, détaillant avec lenteur chaque petites stries qui avaient marquées sa peau dure au fil des années.

*

Je trouvai la force de m'extirper à la chaleur de ce corps contre le mien, de quitter le réconfort de bras protecteurs. J'allai m'exposer à la pluie qui faiblissait. L'eau rafraîchit ma peau nue, brûlante et encore engourdit. Je fermai les yeux, levai mon visage vers ce ciel qui ne semblait plus en colère, mais qui semblait plutôt pleurer doucement. Une drôle d'émotion grossit dans ma poitrine, quelque chose qui avait été apaisé par la présence de l'okanaki et la fausse sécurité que procuraient les murs de la grotte. Mais maintenant, hors de ce rêve étrange qui nous éloignait de la réalité et du regard même de nos déesses, je faiblis. Sous mes paupières closes je sentis mes yeux humides se gorger d'eau, et des larmes silencieuses se mêlèrent bientôt aux gouttes de pluie qui roulaient sur mes joues.

Qu'as-tu fais ?

Le sol semblait tanguer sous mes jambes encore molles et je me sentis démuni. J'avais affronté moult dangers dans ma vie, mais jamais encore je n'avais fait face à un danger qui émanait de ma propre personne. Quelles armes avais-je contre moi-même, contre l'amour singulier que j'avais pour un homme hors de portée. Un timide rayon de soleil perça d'entre les nuages et cueillit mon visage dépité. Un voile rouge et doux dansa sur mes yeux fermés, alors j'inspirai profondément et ravalai cette soudaine tristesse qui n'avait pas lieu d'être. Je reculai sous le toit de la grotte pour me soustraire à la pluie, et regardai les gouttes qui se teintaient désormais de lumière. Un émerveillement enfantin me pris droit au coeur, et je me sentis plus légère. Je retournai me glisser contre le Marchesable, fraîche et humide, en ne lui cachant pas un sourire mi triste et mi taquin.

- La pluie s'épuise. Si nous ne retrouvons pas Kobren, c'est lui qui nous trouvera.

Je plaisantais, bien que la possibilité que mon escorte soit déjà à ma recherche soit loin d'être saugrenue. Avec mes doigts, je jouai sur le torse solide du Marchesable. L'éventualité de quitter ce repère ne m'effrayais plus autant. Étrangement, je savais avoir emprisonné de Tanaki beaucoup plus qu'un souvenir charnel et je n'avais plus cette impression qu'il disparaîtrait au moment où le ciel cesserait définitivement de nous garder captif ici. Nous avions échangé quelque chose de beaucoup plus spécial, du moins, c'est ce que je croyais.

- Ça va ?

Question purement rhétorique. Je lui souris doucement et remarquai presque avec amusement que malgré l’ambiance fantasque qui se dissipait lentement, il me faisait toujours autant effet. J'eu envie de l'embrasser encore, mais n'osai pas lui couper la parole. Que Hygérie me pardonne de ne point plus me sentir coupable de ce que nous avions fait... non, j'avais plutôt une sensation de complicité que je me serais trouver bien grossière d'éprouver en d'autres circonstances.

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J'accrochai un petit espoir dans le sourire que m'offrit l'homme étendu à mes côtés et le lui rendit silencieusement alors que sa main chaude, rugueuse et pourtant d'un contact si doux venait à nouveau caresser ma joue. Un pincement vint me chatouiller le creux du ventre et un étau la gorge alors que des émotions importunes venaient parasiter ma pensée.

- Tu n'imagines pas à quel point. Mais je crains déjà le moment où je ne pourrai plus t'approcher.

Je ne su que répondre car je ne savais moi-même quoi en penser. À tort, j'avais considéré la réalité éloignée de Tanaki en rapport à la mienne mais je ne m'étais pas réellement arrêtée sur ce que mon monde représentait pour lui. J'avais beaucoup plus facilement accès au sien que lui au mien. Enfin, pouvait-on vraiment quantifier ce genre de chose ? Ce dont j'étais néanmoins certaine, c'est que cette relation ne pouvait vivre et s'épanouir que dans le secret absolu de nos coeurs liés. Elle s'apparentait à une zone d'ombre... aussitôt exposée, elle serait détruite. Cette prise de conscience m'aurait sans doute donné le vertige si je n'avais pas été couchée à même la pierre de notre abri. Je déposai délicatement ma main sur le torse de l'okanaki, comme si un geste trop brusque l'aurait désagrégé sous mes yeux grands ouverts, et sentit ses légers soubresauts sous ma paume. Je le caressai avec lenteur, la tête posée sur mon coude replié, espérant l'apaiser.

- Non, tu es fort.

J'avais parlé simplement et en toute sincérité, la parole mue par ce que le Marchesable représentait pour mon esprit encore jeune de sa rencontre. De toute façon, ne fallait-il pas être vaillant, courageux et, certes, fou pour s'engager dans une telle liaison et souhaiter y rester.

- Et si ce coup sur la tête t'a rendu assez idiot pour souhaiter me revoir un jour, alors cette blessure aura été une très bonne chose... pour nous deux.

Je me redressai sur mon coude et virai en souriant la main qui me barrait la vue à son regard. Dans mes oreilles, la mélodie incessante de la pluie semblait s'être dissipée. Je lançai un coup d’œil vers l'entrée lumineuse de la grotte avant d'embrasser, toujours avec la même envie, le pasteur. L'orik s'était avancé d'un pas méfiant vers les rayons timides qui perçaient les nuages. Il glissa son museau à l'extérieur, le cou allongé au possible et démontra clairement son impatience de reprendre la route en piaffant vigoureusement sur la pierre. Je l'observai en étreignant le corps chaud du Marchesable...

S'éveiller d'un rêve fugace, d'une torpeur bien trop douce pour qu'on veuille s'y arracher. Je me sentais encore à mi-chemin entre ma réalité vraie et un songe qui s'étire avec une langueur délicieuse. Comme l'état comateux qui prend les esquintés suite à une forte fièvre, je sentais mon corps et mon esprit s'embrouiller, se ramollir sous une faiblesse que j'avais appris à détester. Celle qui nous emprisonne dans un grand coup de vent, qui nous fait perdre l'équilibre et nous met face à la vérité. Comme si elle nous empoignait violemment par la nuque pour nous rabattre le visage en larmes près des braises d'un feu à peine consumé. Regardes ce qui s'est éteint, mais sent la brûlure et souffre !

- Tu ne devrais jamais t'inquiéter pour moi, répondis-je d'une voix beaucoup plus basse alors que son adorable sourire moqueur n'avait pas su me distraire de mes pensées pessimistes

Je pris le temps d'apprécier la chaleur que sa paume communiquait à ma peau même en sachant que ce contact éphémère ne laisserait pas sa trace dans ma mémoire tactile. Il était si difficile de se souvenir d'un toucher. Faute de mieux, j'inspirai son odeur qui me semblait déjà unique à toutes autres. Les souvenirs olfactifs sont certes peu de chose mais ils s'enracinent mieux que tout dans l'esprit. Une odeur de feu et d'humidité, une odeur d'orage me rappellerait sans cesse ces moments...

Je quittai son étreinte pour me revêtir. Lentement, laçant un à un mes lacets avec minutie. Il y en avait beaucoup, mais pas assez pour retarder à jamais notre départ. L'orik avait flairé le beau temps et s'était déjà avancé à l'entrée de la grotte, oreilles curieuses dressées vers l'extérieur. J'activai mes membres gourds, comme alourdis par la tristesse de l'abandon, afin de replacement l'équipement sur le dos de mon cheval.


Le soleil. Il était encore timide et se cachait derrière un mince rideau de nuages effilochés, inondant la plaine d'une lumière pâle et singulière qui semblait sortir de partout et de nul part à la fois. De petites étoiles s'accrochaient là où de grosses gouttes d'eau s'étaient posées sur les arbustes. Je pensai rapidement à comment j'aurais décrit ce paysage à ma mère. Malgré toutes les richesses de la plus riche des langues, il y a malheureusement, ou heureusement, des choses qui ne s'expliquent pas. Je lançai un regard de biais à Tanaki. Oui, beaucoup de choses que ne peuvent pas se dire mais qui se ressentent.

Kobren ne mit pas longtemps à nous trouver. C'était comme si il était resté au-dessus de nos têtes tout ce temps, attendant simplement qu'on daigne remonter à la surface pour nous rejoindre. Son cheval vint vers nous au petit trot, mon grand gris perché sur sa croupe, les ailes entrouvertes pour les faire sécher. Deux oriks suivaient derrière, maladroitement et sans grande conviction, attaché par des cordes au pommeau de la selle. Le soulagement vint momentanément faire de l'ombre à mon chagrin. Mon escorte mis pied à terre avant même que sa monture ne se soit immobilisée et vint me chercher à grande enjambée pour m'enlacer dans ses bras solides. Je n'étais pas dupe. Kobren était mon enfant de coeur, un petit frère que j'avais vu grandir, il m'aimait autant que je l'aimais, peut-être plus, mais je le connaissais aussi comme étant quelqu'un de surprotecteur, de jaloux, de possessif. Si cette étreinte était pour me communiquer l'angoisse qu'il avait ressentit de me perdre, elle était aussi un avertissement pour le Marchesable se trouvant à mes côtés, une façon pour le Torkos de tracer la ligne.

- Je suis content de voir que tu n'as rien, dit-il dans mes cheveux

Je savais, je sentais que son regard était rivé sur celui de Tanaki et comprenais aussi que cette phrase lui était adressé à lui autant qu'à moi. Content de voir que tu ne lui as rien fait, mieux vaut pour toi que rien de ce que j'imagine ne se soit passé entre vous deux. Je me détachai de mon escorte, malaisé, fatigué et agacé. Les orbes noirs de Kobren luisaient de ses arrières pensées que je devinais aisément et cela ne fit qu'accentuer mon cas de conscience. Malgré l'orage qui était passé, l'air semblait toujours aussi électrique.

- Il reste encore de la route jusqu'au campement, éructais-je simplement en forçant un regard vers l'horizon

J'avais les jambes molles mais je voulais marcher pour retrouver un semblant de solidité. Je tirai sur la bride de mon hongre pour le faire avancer et lançai un coup d'oeil à la dérobé à l'okanaki.

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Le reste du trajet s'était presque entièrement fait dans le silence. Il me sembla que seules quelques minutes s'étaient écoulées lorsque je vis le campement se dessiner sur l'horizon. Je levai les yeux vers le soleil qui déclinait doucement, croyant que le temps se jouait de moi. Il m'avait filé entre les doigts dans cette grotte et ne semblait pas vouloir ralentir sa course avant la fin de cette journée. Et, malgré les aiguilles de l'horloge qui enchaînaient les tours à une vitesse démesurée, je me sentais déconnecté de cette réalité, comme en décalage avec notre fuseau horaire, sur une différente longueur d'ondes. Si je sentis des pairs d'yeux curieux se poser sur notre petite groupe, je ne m'en rendis compte qu'à moitié et n'y accordai pas une réelle importance, prisonnière de ma propre tête. Lorsque je clignai des yeux, une jeune femme et son enfant étaient devant nous. Le gamin se précipita immédiatement dans les bras du Marchesable et quelque chose tilta derrière mon crâne. Je cherchai le regard de mon escorte à mes côtés, soudain déséquilibrée. Ses billes noirs me fixèrent durement, comme si elles m'intimaient à cesser de me faire des rêves impossibles ou des idées idiotes.

- Reposez-vous un instant ici si vous le souhaitez, votre route promet d'être longue...

Sa voix se voulait détachée. La fausseté de son intonation tomba dans mon oreille aussi sûrement qu'une pierre qui cale dans une rivière. Les mots suaves chuchotés dans l'intimité de nos corps entrelacés, je ne pourrais jamais les oublier. Les comparer à ceux qu'il venait de prononcer ne faisais qu'enfoncer le couteau dans la plaie. Je lui répondit avec la même hypocrisie dans la voix.

- Merci, mais nous allons continuer sans nous arrêtez.

Du coin de l'oeil, je vis l'arcade sourcilière de Kobren se lever légèrement. Tout comme moi, il semblait surpris de ma décision, et de la rapidité avec laquelle je l'avais prise. Si je n'avais écouter que ma pensée première, je me serais attardée au campement autant que possible, gardant dans ma ligne de mire l'homme que je n'avais aucune envie de quitter... mais il était inutile de se torturer davantage. Je me sentais faible, je voulais m'éloigner le plus vite possible de cet endroit, de lui. Je lui avais ravi quelque chose de précieux, je lui avais donné une petite partie de ma personne, mais je ne désirais que m'enfuir comme une voleuse. Instinct de conservation.

- Veux-tu que je transmette quelques mots à Lëxi... ?

Voilà un autre sujet sur lequel me concentrer. En prononçant le nom de cette femme, je ne pu m'empêcher de jeter un regard à la dérobé à celle qui était venu vers nous la première. Son fils était toujours confortablement calé dans les bras du Marchesable et nous observait avec un intérêt non feint. Avec ses grands yeux, sa candeur d'enfant. J'eu un pincement douloureux au coeur.

Je n'avais jamais soupçonné la fatalité si lourde à porter mais elle laissait dans ma poitrine un poids énorme. Si nos peuples ne pouvaient se mélanger, pourquoi les sentiments s'étaient-ils si perfidement glissés entre nous ? Que ce coup du destin s'agisse d'un malice égocentrique de nos déesses ou d'un triste hasard, j'en restai âcre. C'était comme de me mentir à moi-même que de m'enfuir loin de cet homme, d'étouffer un amour naissant comme on piétine un amas de cendres chaudes qui ne demande qu'à s'embraser. Nous nous étions trouvé si facilement que le le terme «contre nature» m'apparaissait comme une plaisanterie ingrate.

J'attrapai la longe du jeune d'orik d'un geste mécanique, mon attention étant toute portée vers le Marchesable et l'enfant qu'il laissait filer au petit trot. D'étranges mélanges d'émotions s'effectuaient dans mon ventre. Mon coeur s'attendrissait comme il l'avait toujours fait face aux enfants, mais se glaçait tout à la fois à la pensée que ce garçon puisse unir Tanaki à une autre femme d'un lien tout autre que le nôtre. La déception devait se lire sur mon visage, mais je ne pouvais la retenir. Je me trouvais sotte d'avoir ce ressentit, qu'aurais-je pu espérer fonder avec un okanaki si ce n'est que quelques fantasmes ridicules voués au secret et à l'échec ?

- Si jamais elle refuse l'orik...  Je retournerai dans ce bourg dans une lune. Ramène-le moi s'il t'encombre, ou bien garde-le si tu le souhaites...

Cette main chaude sur mon avant-bras me fit l'effet d'une brûlure. J'eu l'envie de nouer mes doigts aux siens, de ne plus jamais le lâcher, de me laisser tomber à genoux devant lui et d'enfuir mon visage dans son cou, de m'excuser, de pleurer, de rire. Mais au lieu de tout cela, c'est l'immobilité totale qui me pris. Je ne pouvais que le regarder et tout refouler. Ses mots avaient tout de même fait une minuscule percée dans les nuages sombres de ma tête. Une lune. Quelque part au fond de moi-même, je savais que ma décision de le revoir était déjà prise. Qu'importe les sermons que je me ferais plus tard, les remises en question, les auto-critiques. Avant longtemps je lui reviendrais mais j'étais loin de me douter que ce serait avec bien plus qu'un orik encombrant. Je suivi le regard du Marchesable jusqu'au gamin s'amusant plus loin.

- Profites-en, ils grandissent vite...

J'espérais que la tristesse dans ma voix soit confondue avec celle, commune, un peu nostalgique, qui accompagnait toujours ce genre de conseil. Et qu'est-ce que j'en savais, après tout ? Je n'avais jamais vu grandir d'enfant autre que Kobren mais qui, à quatorze ans déjà, n'était déjà plus un enfant. Je me tournai pour caresser doucement l'encolure du jeune orik, ne sachant plus que faire de mes mains qui me démangeaient.