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 Dans la brune (Pv Thorolf)

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Hylde Briverasque
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MessageSujet: Dans la brune (Pv Thorolf)   Dans la brune (Pv Thorolf) Icon_minitime2/10/2014, 00:46

Le Mont Englouti portait bien son nom. Durant les quatre jours de chevauchée vers son pied, le géant n'avait cessé de paraître plus grand encore, endormi sous son manteau de jade. Le jour déclinant à l'Ouest envoyait sa lumière diffuse à l'Est et la carrure imposante de la montagne scindait ce gigantesque faisceau en deux, de sorte que lorsqu'il faisait encore jour sur la première façade, il faisait déjà nuit sur celle orientée vers Opalgöor. C'est sur cette dernière que nous nous dirigions. J'avais pris pour habitude de suivre le fleuve de l'Espoir, une route toute tracée, une source de ravitaillement en eau, un point immanquable pour s'orienter dans la savane. Le versant gauche du Mont Englouti m'était complètement inconnu. Nous nous engouffrâmes donc dans la forêt, suivant la piste de l'Espoir qui plongeait dans ses entrailles tortueuses.

- Pourquoi ne pas passer la nuit à la lisière ?

Kobren s'était redressé sur ses étriers et lançait à la ronde des regards soucieux. J'immobilisai ma monture et pris temps de mettre pied à terre et de m'étirer avant de lui répondre.

- Le vent n'a cessé de se lever depuis que nous sommes parti. S'il y a un orage, je préfère être sous couvert.
- Un orage ? Il n'y a pas un seul nuage dans le ciel.

Le ton de mon Escorte était légèrement condescendant, mais je ne relevai pas son scepticisme. Il avait toujours eu un caractère un peu prétentieux. Il y avait, dans les environs de la montagne, de petites régions propices aux micro-climats. Je le savais d'expérience, on ne pouvait jamais être trop prudent. Nous guidâmes en silence les chevaux dans ce qui s'apparentais à un sentier battu, un petit chemin en serpentin que devait emprunter les animaux et certains chasseurs. Le sol était tout de même tapis d'une dense végétation, si bien que mes talons s'enfonçaient tour à tour d'un demi centimètre dans le plancher épais de la forêt à chacun de mes pas.

Comme nous n'étions pas sur le côté du Mont où le soleil déclinait, nous n'avions pas au-dessus de nous un ciel chamarré de couleurs vives, mais plutôt une voûte d'une couleur irréelle, pâle mais lumineuse, semblant éclairée d'une source lointaine. Cette clarté fantomatique qui irradiait le sous-bois me donnait l'impression de flotter dans l'intemporel, d'être étrangère à tout ce qui m'entourait. C'était comme être dans un songe ; les bruits feutrés de la forêt s'amenuisaient, un changement imperceptible s’opérait. Bientôt, les bruits du jour feraient place aux bruits de la nuit. Kobren, insensible au charme singulier de la brunante, se racla bruyamment la gorge et claqua dans ses mains pour capter mon attention.

- On fait un feu ?

Et voilà, l'enchantement était brisé. Je me retournai vers lui, abdiquant d'un signe las. Nous avions encore deux longues heures avant qu'il ne fasse noir. Il vint me fourrer les rênes de sa monture dans la main et détala aussi vite qu'un jaguar entre les arbres. À la différence de cette belle bête qui traquait la chaire, lui traquait les brindilles et le bois sec. Cette pensée m'arracha une grimace amusée.

Lorsque les chevaux furent débarrassés de leur équipement, mon Gris Couronné poussa un piaillement indigné. Il venait de perdre son perchoir, soit le dos de la selle, et il s'envola pour aller se poser dans un arbre, beaucoup plus haut. Sa plumage terne se fondait parfaitement dans le décor, mais je le devinais sur l'une des branches au feuillage qui frémissait sous ses mouvements. Je m'assis et m'adossai au tronc du même arbre, incapable de retenir un soupire de soulagement. Tous mes muscles, mais surtout ceux de mes cuisses, étaient douloureux et ankylosés. Me relever me demanderait une grande volonté...

Je laisserai mon esprit divaguer dans les méandres de mes pensées, captant de temps à autre le craquement d'une brindille, le chant d'un oiseau solitaire ou le clapotis d'une des minces ramifications de l'Espoir. Lorsque j'ouvris les yeux, la noirceur avait bleuit toutes les plantes, et une silhouette massive se détachait à quelques mètres, droit devant. Ce n'était pas Kobren.
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MessageSujet: Re: Dans la brune (Pv Thorolf)   Dans la brune (Pv Thorolf) Icon_minitime2/10/2014, 10:14

Le Mont Englouti était le repaire des Terres de Sang depuis quelques années déjà. Thorolf Grinar y avait découvert un havre de paix peu aisé à atteindre depuis le flanc Est et l'entrée du passage secret était discrètement surveillée. Hylde Briverasque ne s'était pas assez profondément enfoncée avec son escorte dans la jungle luxuriante pour espérer le découvrir. Il n'existait pour le moment que des rumeurs concernant le fait que les Terres de Sang se cachaient quelque part dans le Mont Englouti car ils disparaissaient toujours dans sa forêt lorsqu'ils étaient traqués en surnombre. On ne pouvait pas dire non plus que les Terres de Sang régnaient en maître sur le flanc Est car il tenait à cœur au Chef de Guerre d'admettre une cohabitation avec cet environnement. Prétendre posséder ouvertement un lieu serait en réalité une porte ouverte aux Mésorians pour les débusquer et pour le moment, les Terres de Sang ne pouvaient pas se le permettre.

En revanche, il existait un système de ronde sur le flanc Est du Mont Englouti. A peu de choses près, l'information d'une quelconque intrusion remontait dans le demi-heure jusqu'au campement du groupe. En effet, les sentiers étaient surveillés à plusieurs moments de la journée et ce n'était pas seulement pour se protéger mais il se pouvait que des voyageurs un peu trop téméraires s'approchent trop du repaire. Ainsi, l'avancée d'Hylde Briverasque et de son escorte fut signalée au Chef de Guerre en personne qui s'apprêtait à prendre son tour de garde dans la demi-heure suivante. L'éclaireur avait observé de loin et très peu de temps la Mésorianne et son Torkos afin de ne pas se faire repérer et ne savait donc pas vraiment à quels peuples chacun d'entre eux appartenait.

Les intrusions sur le territoire de fortune des Terres de Sang étaient très rares car il n'y avait fondamentalement rien à trouver par ici. Il n'existait par ailleurs aucune règle particulière au sein du groupe si ce n'était de prévenir ses supérieures de toute nouvelle arrivée. Ainsi, au campement des Terres de Sang, certains clamèrent qu'il suffisait de les traquer et de les tuer tandis que d'autres penchaient pour leur laisser une chance de s'exprimer. En effet, cette femme et cet homme pouvaient être des espions envoyés depuis Opale et la méfiance était à son paroxysme. Finalement, Thorolf Grinar, le Chef de Guerre des Terres de Sang déclara qu'il se rendrait lui-même jusqu'à eux afin de les faire parler. Discrètement, Kaliga Tekmiss fila alors elle-aussi du campement.

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Kaliga était l'un des membres du Conseil des Terres de Sang en plus d'être la compagne du Second, Kräll Thorrog. Elle rencontra ce dernier plusieurs années auparavant et il lui sauva la vie, nouant ainsi un lien très fort. Si Kaliga adhérait très souvent aux principes et aux objectifs des Terres de Sang, les méthodes ne lui plaisaient pas toujours. En effet, contrairement à Thorolf Grinar, son Chef de Guerre, Kaliga vécut une vie de servante tout à fait honorable et ses maîtres ne la trompèrent jamais. Elle servait les Terres de Sang afin d'honorer sa dette envers eux et au fond d'elle, elle se considérait comme le chainon manquant capable d'harmoniser le groupe et de lui donner une apparence plus honorable, plus salvatrice. En temps normal, Hylde Briverasque et son escorte rencontreraient de graves problèmes si Thorolf découvrait en premier la nature de leur relation car elle savait que ce dernier était impardonnable envers les esclavagistes, peu importe leurs motivations.

Malheureusement, Kaliga ne savait pas où chercher. Il y avait en ces lieux dans un moyen périmètre quatre individus différents. Hylde attendait bien sagement le retour de son escorte afin d'allumer un feu et les deux membres des Terres de Sang cherchaient les intrus pour différentes raisons. Qui rencontrerait qui ? La tension était presque palpable pour Kaliga. Soudainement, l'ouïe de la guerrière fut attiré par le piaillement d'une créature inconnue et elle fondit alors dans cette direction-là. Le Gris Couronné d'Hylde venait peut-être de lui sauver la vie. Thorolf avait-il lui aussi entendu ce cri-là ?

Plus loin, à l'opposé, Thorolf Grinar entendit lui aussi le piaillement de la créature mais il ne tomberait alors pas nez à nez avec Hylde. Il n'espérait au fond pas rencontrer un Mésorian avec son Torkos car il n'était pas d'humeur à faire couler le sang pour le moment. Malheureusement, ses principes lui imposeraient probablement de donner une sentence irrévocable. Ainsi, il tomba nez à nez avec Kobren, l'escorte d'Hylde. Ce dernier venait juste de se redresser et portait dans ses bras un bon paquet de morceaux de bois. Thorolf n'était pas idiot et réalisa qu'il comptait allumer un feu, quelque part. Venait-il de faire la rencontre d'un énième esclave des Mésorians ?

Salut à toi, mon frère. Que viens-tu faire par ici ? Es-tu seul ? Tu ne vas quand même pas coucher dans la nature ?

Ces questions seraient amplement suffisantes pour en apprendre plus sur Kobren. De retour au campement d'Hylde, elle se rendrait compte d'ici quelques minutes que son escorte ne reviendrait pas dans les temps. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle distingua une forme massive se frayer un chemin dans les buissons jusqu'à elle. La blonde des îles du nord possédait une certaine carrure tout en étant relativement belle pour une Torkos. Elle constata d'un premier regard que les deux chevaux étaient déséquipés. Dans ses souvenirs, on avait signalé la présence d'un homme et d'une femme. Il ne fut alors plus très compliqué pour Kaliga de deviner que son compagnon était un Torkos qui s'était absenté pour trouver des ressources naturelles afin de tenir la nuit.

Que faites-vous ici ? Vous devez partir immédiatement. S'il vous trouve, je ne pourrais me porter garante de votre survie. Vite, rappelez votre compagnon et pliez bagage.

Hylde n'apprécierait probablement pas les ordres sensés de Kaliga. Aucune des deux n'imaginait encore que les deux Torkos étaient nez à nez et la situation était ainsi pas prête de se débloquer. Le ton de Kaliga était très autoritaire mais le fond de ses yeux trahissait une certaine forme de supplice. Avait-elle peur pour Hylde ?
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MessageSujet: Re: Dans la brune (Pv Thorolf)   Dans la brune (Pv Thorolf) Icon_minitime5/10/2014, 03:45

HRP:

La tropicale savait se rendre encore plus oppressante que la ville. Autour des mollets de Kobren s'enroulaient déjà des serpentines de brume, hasardeusement créées par l'abaissement de la température et le fort taux d'humidité. Le Torkos n'était pas d'un genre superstitieux, bien qu'il crût en Bersok, mais ces doigts fantomatiques lui semblèrent bien malveillants. Est-ce cela qui lui donna un étrange pressentiment, ou est-ce tout simplement un instinct animal, enfoui en chacun, qui l'averti. Ce sixième sens qu'on a trop souvent tendance à réprimer. Toujours est-il que lorsqu'il se redressa, un colosse se dressait devant lui. L'escorte trouva un énième défaut à cette forêt, soit son sol mousseux qui donnait un pied léger à n'importe qui, n'importe quand.

- Salut à toi, mon frère. Que viens-tu faire par ici ? Es-tu seul ? Tu ne vas quand même pas coucher dans la nature ?

Cette rencontre était si inusitée que Kobren en resta un instant pétrifié. Les questions prirent plusieurs longues secondes à être analysées alors que la langue du Torkos devenait lourde et pâteuse. La prudence raidit tous les muscles de son corps et, pourtant, il fut curieux de croiser un frère dans un tel endroit et de savoir qui il était. Il croyait les hommes libres beaucoup plus à l'Est, à Opalgöor.

- Je ramasse du bois.

Cette réponse était si simple et évidente qu'elle en était stupide, presque arrogante. Mais l'escorte ne voulait se montrer insolent en aucun cas, c'était uniquement la première phrase qui lui avait traversé l'esprit. Un froissement d'ailes lui fit lever la tête, le tirant d'un examen visuel méfiant. C'était le Gris qui, se posant tout près, allongea le cou afin de regarder les deux Torkos avec un intérêt non feint. L'escorte sentit son cœur se serrer alors qu'un terreur sourde empoisonnait son sang.

- Kobren ! Cria le volatile en s'agitant sur son perchoir

L'appel qu'il redoutait. Le couronné ne venait jamais le quérir pour de mauvaises raisons. Il lança un regard hargneux vers son frère et échappa sa cargaison de bois avant de piquer un sprint en direction du campement. L'escorte n'avait aucune idées des motifs de son interlocuteur mais, faute de renseignements, il le plaça momentanément du côtés de la menace. Il douta que la carrure du torkos l'avantage à cette petite course mais Hylde n'était pas assez loin pour que cette avance soit considérable. Le gris s'envolait de nouveau et le dépassa en sifflant, comme s'il aurait voulu le presser.

*

Il n'aurait pas été surprenant de croiser la route d'un chasseur okanaki et, pourtant, ce ne fut pas ce genre de rencontre qui me tira de mes rêveries. Je le sus, avant même de voir les traits de la jeune femme, car si celle-ci avait été du peuple d'Eliwha, elle m'aurait tout d'abord visée d'une flèche avant de me souhaiter le bonsoir. C'était toujours, depuis des années, à ce genre d'accueil que j'avais droit. Je me redressai donc prestement, ne redoutant aucun arc braqué sur ma poitrine mais peut-être quelque chose de pire encore.

- Que faites-vous ici ? Vous devez partir immédiatement. S'il vous trouve, je ne pourrais me porter garante de votre survie. Vite, rappelez votre compagnon et pliez bagage.

Je ne fus pas longue à prendre une décision. Sans lâcher la jeune femme du regard, je sifflai le perroquet qui descendit de son arbre, faisant de mon escorte ma priorité numéro un.

- Vas chercher Kobren.

Le gris me fixa un court instant, comme s'il traitait la demande, et s'envola presqu'aussitôt. Je jaugeai la blonde, costaude, mais qui ne semblait pas représenter un danger dans l'immédiat même si je la sentais légèrement hostile. D'impatience, principalement. Il ne fît aucun doute que nous étions là, Kobren et moi, où nous ne devrions pas être. Des pilleurs ? Je fis un pas vers mon hongre qui flairait en direction de la nouvelle venue, curieux.

- Si c'est notre matériel que vous voulez, alors prenez tout. Nous ne voulons pas d'ennuis, nous allons partir...

Je manquai pousser un cri en voyant Kobren surgir de l'ombre, l’œil dilaté et le corps tendu comme une barre de fer. Apparût en un temps record, il ne s'était pas réellement éloigné. Il m'empoigna solidement le bras, me faisant grimacer, et remarqua la présence d'une sœur qu'il dévisagea avec étonnement avant de cracher avec véhémence :

- Où est votre maître !?

Si j'avais dégluti à cet instant, je me serai étouffé. J'enfonçai mes ongles dans les côtes de mon Escorte et lui lançai un regard noir, lui sommant de se taire par celui-ci s'il tenait un tant soit peu à sa vie et à la mienne. N'avait-il pas compris que ces torkos n'étaient la propriété d'aucun mésorian et qu'ils étaient sans doute plus que deux dans les parages. En désespoir de cause, geste suicidaire, provocation confiante de gamin inexpérimenté, Kobren avait mis sa main sur le manche de sa hache double bien qu'il n'eût certainement pas l'intention de l'utiliser. Je lui avais toujours fait confiance... mais j'aurais préféré qu'il la ferme et qu'il cesse de gigoter pour une fois, et qu'il me laisse gérer la situation.

Le Gris était revenu se percher dans l'arbre et croassa bruyamment, incarnant une sirène d'alarme à la vue d'un deuxième torkos qui s'approchait rapidement. Je défigurai la blonde avec insistance, toujours prise dans l'étau de Kobren, espérant qu'une idée de génie ne me vienne ou que la raison frappe ces inconnus fébriles.
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MessageSujet: Re: Dans la brune (Pv Thorolf)   Dans la brune (Pv Thorolf) Icon_minitime10/10/2014, 10:12

Kaliga Tekmiss soupira de soulagement. Hylde Briverasque paraissait être une femme dotée d'une certaine intelligence car elle ne s'offusqua pas devant le comportement un peu brutal mais bienveillant de la guerrière Torkos. Elle observa le Gris s'en aller quérir le dénommé Kobren. Qui était-il ? Son escorte, bien évidemment. Kaliga espérait de tout cœur que Thorolf ne soit pas encore tombé dessus, sinon... Et bien, il était fort probable que les quatre protagonistes se retrouveraient ici dans quelques minutes. L'hongre d'Hylde s'approcha vers Kaliga et elle posa alors une main amicale sur sa crinière pour le caresser. Kaliga respectait deux choses après sa propre personne : Les animaux et les Dieux.

Nous ne manquons pas de matériel. Le problème, c'est votre nature-même. Vous êtes entrée sur notre territoire et notre Chef de Guerre en personne se déplace pour vous cueillir. S'il devait arriver avant votre départ, je vous conjure de ne pas l'offenser parce que je ne pourrai pas m'interposer.

Un peu plus loin dans les bois du Mont Englouti, Thorolf était toujours en compagnie de Kobren. Sa réponse insolente était au moins très originale et personne n'avait encore jamais parlé ainsi au Chef de Guerre des Terres de Sang dans pareille situation. Thorolf se demandait désormais à quel point son confrère pouvait-être niais. Le Chef de Guerre observait les environs à la trace d'une quelconque intrusion. Il croyait plus que jamais en la présence d'un de ces fichus Mésorians. Finalement, ce fut un perroquet qui vint alerté le Torkos du danger. Ce volatile était donc le moyen de liaison entre le maître et son esclave. Mais comment savait-il déjà ? Thorolf comprit que Kaliga avait déjà trouvé celui ou celle qu'il recherchait. Brusquement, Kobren lâcha son tas de bois et se lança alors dans une course poursuite effrénée. Quel imbécile faisait-il ! Il ne restait plus qu'à Thorolf de le suivre pour débusquer le Mésorian.

Kaliga, Kaliga, Kaliga... Merci, merci beaucoup.

Kobren déboula à vive allure là où se trouvaient Hylde et Kaliga. Thorolf était à sa poursuite, Kaliga en était désormais certaine. Il n'y avait à peine une trentaine de secondes qui les séparait. Kaliga n'avait pas peur de Thorolf et savait qu'il ne lui ferait pas de mal. Elle avait réellement peur pour ces deux étrangers contre lesquels elle n'avait absolument aucun ressentiment. Mais comment pouvait-elle les aider davantage ? Elle ne voyait plus rien à faire. Elle ne sembla même pas surprise lorsque Kobren lui demanda où était leur maître. Comme Thorolf, elle le trouva très profondément niais et n'enviait pas sa condition. Pourtant, Hylde semblait être prête à mettre sa vie entre ses mains et n'avait pas renoncée à l'abandonner en prenant la poudre d'escampette.

Il existe des Torkos qui n'ont pas de Maîtres et celui qui va arriver dicte lui-même ses propres lois. Tais-toi et laisse ta Maîtresse s'exprimer devant lui si tu veux retourner chez toi... vivant...

Un peu plus loin, Thorolf avait déjà très largement ralenti la vitesse de sa course. Il entendait les brides de conversation dont la voix de Kaliga. Encore une fois, elle lui prouvait sa docilité et sa fidélité alors que leurs intérêts divergeaient souvent dans la forme mais pas dans le fond. Il était soulagé de ne pas avoir à la réprimander et à vrai dire, il la considérait comme une véritable amie. Parfois, il enviait son vieux compagnon, Kräll Thorrog, de posséder une femme comme elle. Tout comme Kobren tout à l'heure, Thorolf poussa les derniers buissons restants afin de rejoindre la petite troupe.

Il posa immédiatement son regard sur Hylde Briverasque. Elle était la principale raison de sa venue. Pour être honnête, Thorolf ne s'attendait pas à voir une femme par ici. Elle n'avait pas l'étoffe d'une aventurière et encore moins celle d'une guerrière. Peut-être avait-elle loué les services de Kobren uniquement pour cette expédition-là ? Non, ce n'était pas vraiment ce qui se faisait chez les Mésorians. Le Chef de Guerre des Terres de Sang allait prendre un malin plaisir dans les prochaines minutes. Il adressa un sourire franc et amical à l'attention de Kaliga.

C'est du bon travail, Kaliga. Les intrus sur nos terres ont été retrouvés. Nous allons devoir les interroger et les juger... La liste est longue, tu ne crois pas ?

Kaliga Tekmiss ne répondit pas à Thorolf Grinar. Elle était un peu rassurée car elle savait que malgré les tendances extrémistes de Thorolf, il n'était pas un meurtrier pour autant. Il avait toujours besoin d'une raison proche de ses idéaux pour exécuter ses sentences et pour le moment, il n'avait encore jamais dérogé à cette règle fondatrice de sa personnalité actuelle. Pourtant... Thorolf tira soudainement son épée à deux mains de son dos et la pointa directement vers Kobren. Il y avait à peine un mètre entre la pointe de la lame et l'intéressé. Le regard du Chef de Guerre des Terres de Sang glissa sur alors sur la protagoniste. Si elle se souvenait des conseils avisés de Kaliga, elle tirerait peut-être alors son protecteur de cette situation.

Bon. C'est quoi vos noms ? Qu'est-ce que vous êtes venus faire chez nous ? Vous ne nous connaissez pas car sinon, vous ne seriez pas là. Et aussi, qu'es-tu prête à faire pour lui sauver la vie ?
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MessageSujet: Re: Dans la brune (Pv Thorolf)   Dans la brune (Pv Thorolf) Icon_minitime15/10/2014, 19:39

La guerrière n'était pas hostile, mais il aurait été insensé de lui octroyer ma confiance. Je restai sur un pied de garde même lorsque ma monture chercha sa main sur son chanfrein, docile et aveugle aux tensions complexes qui s'établissaient et s'évanouissaient entre nous.

- Nous ne manquons pas de matériel. Le problème, c'est votre nature-même. Vous êtes entrée sur notre territoire et notre Chef de Guerre en personne se déplace pour vous cueillir. S'il devait arriver avant votre départ, je vous conjure de ne pas l'offenser parce que je ne pourrai pas m'interposer.

Le titre de Chef de Guerre ne me dit rien qui vaille mais s'il se déplaçait en personne pour faire cette plaisante rencontre, c'est qu'il avait un intérêt qui pourrait être à mon avantage. Autrement, il ne se serait pas donné cette peine et Kobren et moi aurions été abattus sans plus de manière. À moins que leur Chef soit un sadique corrompu se délectant du propre sang de ses victimes, ce dont je doutais fortement, et heureusement. Lorsque Kobren déboucha dans la petite trouée et lança son commentaire profondément stupide, je me surpris à remercier silencieusement Hygérie qu'il est l'est ouverte devant cette femme plutôt que devant celui qui nous rejoindrait bientôt. L'avertissement de la Torkos était clair et mon escorte eu la décence de se plier à cette autorité nouvelle à défaut de se plier à la mienne.

Les deux chevaux avaient tourné la tête vers les buissons. Je me défis de la poigne de Kobren et repris possession de mon bras, massant ma peau engourdit, puis imitai les équidés. J'étais étrangement sereine à l'idée de faire face à cet homme. Il n'y avait, de toute façon, que cette option qui se présentait.  J'avais bien l'intention de la prendre, et de la meilleure façon qui soit. Lorsque le torkos s'imposa devant notre trio, je sentis néanmoins mon assurance vaciller quelque peu. Il était hors de question que cela paraisse. Nos regards s'accrochèrent comme deux épées qui croisent le fer. L'obscurité trouble peignait son visage d'ombres bleus et grises et ses yeux sombres, que la nuit aurait normalement confondu dans leur orbites, luisaient en se promenant sur notre groupe. Il sourit, et ses dents fendirent son visage d'une barre claire.

- C'est du bon travail, Kaliga. Les intrus sur nos terres ont été retrouvés. Nous allons devoir les interroger et les juger... La liste est longue, tu ne crois pas ?

Le jugement ne serait pas très équitable, ni ne le serait l'interrogatoire. J'avais au moins cette certitude. Mais je savais également d'expérience que les femmes savaient adoucir la violence des hommes et espérai que cette Kaliga, qui ne semblait pas chaude à l'idée de voir une tête rouler sur le sol ce soir, soit de ce genre de femme. Le crissement de l'acier tiré du fourreau fit se hérisser les poils sur mes avants-bras. Les battements de mon cœur s'accélérèrent et je sentis mes résolutions et mon calme partirent en fumée lorsque la lourde épée se braqua en direction de mon escorte.

- Bon. C'est quoi vos noms ? Qu'est-ce que vous êtes venus faire chez nous ? Vous ne nous connaissez pas car sinon, vous ne seriez pas là. Et aussi, qu'es-tu prête à faire pour lui sauver la vie ?

J'inspirai plusieurs fois avant de parler, sentant le regard insistant de Kobren peser sur ma nuque. Il n'y avait qu'un faux pas qui nous séparait du précipice. Je m'accrochai donc à la prudence et à la coopération, m'appliquant à répondre le plus fidèlement aux questions sans trop me dévoiler.

- Je suis Hylde Briverasque, et lui Kobren.

Je fis une courte pause, étonnée d'avoir le souffle si court. Calme toi.

- Je commerce avec des Okanakis. Nous nous rendons à la frontière du désert et j'ai décidé de couper par la forêt... ce que j'aurais évité si, en effet, j'avais été mise au courant de l'existence de votre groupe.

Je tentais de me faire la plus conciliante possible et fus rassuré d'entendre ma propre voix, douce mais ferme, au lieu d'une gamme de notes chevrotantes. J'avais discuté dans des situations plus précaires que celles-ci mais je m'en serais difficilement vanté. À la dernière question du torkos, j'eu l'impression de marcher sur les braises. S'attendait-il à une réponse particulière ou cela n'était-il qu'un petit jeu, une énigme sans réelle issue. Il voulait visiblement savoir, et rapidement, à quel genre de voyageurs il avait à faire, par la menace ou l'ultimatum.

- Tout ce que je suis en mesure de faire.

Le regard du Chef de Guerre était lourd, mais pas impossible à supporter, aussi le considérais-je sans broncher, m'en remettant à son... jugement. Je n'avais qu'une pensée invasive, de voir cette épée se rabaisser. Cette mesure d'intimidation n'était inconnue de personne, et elle faisait pourtant toujours aussi bien son effet.
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MessageSujet: Re: Dans la brune (Pv Thorolf)   Dans la brune (Pv Thorolf) Icon_minitime18/10/2014, 19:58

Kaliga Tekmiss s'était éteinte devant la façon de faire de Thorolf Grinar. Intérieurement, elle souhaitait croire de tout son cœur qu'il ne ferait pas de mal à Kobren. Quant à Thorolf, il ne savait pas encore très bien comment il devait réagir. L'inconnue se nommait donc Hylde Briverasque et prétendait avoir marchandé récemment avec des Okanakis dans le Désert Opalien. Se pouvait-il qu'elle était entrée en contact avec le Clan Draöxi par le passé ? Ce serait une chose formidable car dans quelques jours, le Chef de Guerre des Terres de Sang se rendrait en personne chez eux afin de parlementer. Elle montrait très clairement à Thorolf que ce n'était pas une idiote. Hylde était prête à négocier avec lui et faisait preuve d'une docilité plutôt agréable. Il grinça même des dents lorsqu'elle s'exprima quant à ce qu'elle serait prête à faire pour lui sauver la vie de Kobren. Elle était vraiment prête à tout ? Les pensées fusaient dans l'esprit de Thorolf. Met-toi donc à nue alors ! Embrasse-moi ! Ouvre-toi une veine ! Frappe-le jusqu'à l'inconscience ! et bien d'autres choses encore totalement plus vicieuses les unes que les autres. Il savait que certains maîtres étaient attachés à leurs esclaves et cela lui faisait beaucoup de mal de l'admettre lorsque cela se produisait sous ses yeux. Lui qui n'avait jamais eut de chance auparavant était peut-être sur le point de jalouser Kobren.

Je suis Thorolf Grinar, le Chef de Guerre des Terres de Sang. Nous sommes un groupe de révolutionnaire "Hors-la-Loi" selon ton peuple. Nous n'avons que très peu de pitié et d'estime pour ceux qui possèdent des esclaves. Pourtant, tu sembles être une gentille et honnête fille. Que suis-je sensé faire ?

Le regard de Thorolf se reporta Kobren. Il ne s'était pas encore vraiment intéressé à ce frère potentiel mais il avait déjà néanmoins remarqué sa grande naïveté. Etait-il un lâche sans pareil se cachant dans les jupes de sa maîtresse en cas de coup dur ou pouvait-il faire preuve d'un grand honneur dans toutes les circonstances ? Thorolf avait bien une idée derrière la tête. Kobren serait le seul décisionnaire de son avenir.

La libération des Torkos soumis aux vils Mésorians est une obligation. Convaincre de nous rejoindre est préférable, tuer est parfois une finalité. En effet, les Torkos faibles sont une entrave à notre gloire à venir. Il s'agit-là du cinquième verset de notre code.

Thorolf abaissa son épée et se recula. Hylde et Kaliga seraient probablement soulagées. Cependant, la stupeur gagna le fond des yeux de Kaliga. Elle savait ce que Thorolf était sur le point de faire. Il allait appliquer sa vision de la Justice.

J'ai pendant très longtemps participé au Festival d'Epieux lorsque j'avais encore un maître en son nom. Je n'ai plus la fougue de la vingtaine d'années mais je demeure être un redoutable adversaire. Tu vas m'affronter Kobren, nous allons livrer une rude bataille qui se soldera au premier sang. Ton maître ne te sauvera pas parce que Kaliga s'assurera qu'elle n'intervienne pas. Probablement pour la première fois de ton existence, tu vas être confronté à une situation dont tu pourras seulement te tirer seul. Si je parviens à te battre, je trancherai la tête d'Hylde sous tes yeux et si tu me bats, tu auras le choix quant à mon sort.

La colère traversait les yeux de Thorolf. Il était prêt à en découvre et à exécuter ses paroles. Kaliga savait qu'il ne plaisantait pas. Il venait indirectement de réduire Hylde au silence car s'il lui restait la possibilité de s'exprimer, les mots devraient être choisis avec beaucoup d'excellence. Kobren devait probablement être l'escorte d'Hylde et par conséquent, Thorolf pensait qu'il y aurait un challenge acceptable. Son arrogance voulait qu'il ne se voit pas perdre, bien évidemment. Le jeu était lancé et le Chef de Guerre se montrait sous son aspect de bête de scène devant ses spectateurs.

Tout ce que tu es en mesure de faire, Hylde Briverasque, c'est d'attendre. Ton sort est désormais entre les mains de Kobren. Soit rassurée, je l'épargnerai et nous ferons de lui un Torkos qui aura brisé ses chaines pour embrasser le glorieux avenir des Terres de Sang.

La balance était désormais inversée. Il paraissait évident pour Thorolf qu'un refus signerait la décapitation pure et simple de la Mésorianne et de son Torkos. Kaliga s'avança vers Hylde afin de s'assurer qu'elle ne tenterait rien de stupide. Elle savait que le destin lui jouait un tour cruel en rencontrant le Loup Gris des Terres de Sang mais elle était étonnée qu'il ne les ait pas encore exécutés. Elle vint ainsi murmurer quelques mots aux oreilles d'Hylde.

Laisse-le faire. Je... Je crois qu'il ne vous tuera pas. Ta réponse a atteint son cœur et il doute. Tu es sur la bonne voie. Laisse Kobren lui montrer sa valeur en l'affrontant. Il est le Torkos qui changera peut-être l'avenir de son peuple mais... il est d'une maladresse... soupira-t-elle. Dis-moi, tu commerces avec le Clan Draöxi n'est-pas ? Le Sanguinaire le fascine et il espère le rencontrer bientôt. Si tu as une valeur pour ces Okanakis, n'hésite pas à jouer là-dessus.

Kaliga faisait preuve une nouvelle fois de sa bienveillance envers Hylde. Elle venait de la conseiller dans le dos de Thorolf pour nettement augmenter ses chances de s'en sortir. Elle avait peut-être été bien plus touchée par les paroles d'Hylde que Thorolf. La relation entre la Mésorianne et son Torkos lui rappelait très vivement son passé dans le Nord d'Archipel. Elle se souvenait d'avoir vécu un passé très heureux avec eux. Elle acceptait les idéaux de Thorolf dans la mesure où le véritable objectif était de lutter contre cette Noblesse parfois véreuse. Tant que Thorolf ne ferait pas injustement de mal aux innocents, elle continuerait de le suivre. Kaliga faisait partie de ceux qui croyaient en une égalité totale entre les Mésorians, les Okanakis et les Torkos.
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MessageSujet: Re: Dans la brune (Pv Thorolf)   Dans la brune (Pv Thorolf) Icon_minitime18/10/2014, 23:38

HRP:


Le regard du torkos était impénétrable. L'avais-je déstabilisé ? Il était immobile et solide comme un bloc de roc, mes espoirs s'estompèrent comme les dernières lueurs du jour déclinant. Dans mes jambes, mes os se liquéfiaient lentement. Il parla, sa voix était rauque et grave, elle ébranla mes esprits plus que permis. Thorolf Grinar, je me souviendrais de ce nom.

- ...Pourtant, tu sembles être une gentille et honnête fille. Que suis-je sensé faire ?

Je m'empourprai sous cette condescendance et sentit l'intérieure de ma main picoter sous l'envie de le gifler. Sa dernière question ne semblait pas m'être adressé, une répercussion de ses pensées à laquelle j'aurais bien aimé avoir la réponse. Nous laissez partir. Tu peux rêver ma vieille.

- La libération des Torkos soumis aux vils Mésorians est une obligation. Convaincre de nous rejoindre est préférable, tuer est parfois une finalité. En effet, les Torkos faibles sont une entrave à notre gloire à venir. Il s'agit-là du cinquième verset de notre code.

Un verset, un code. La gloire à venir... la folie de cet homme s'exposait à mes yeux, profonde et insoupçonnée, si loin de mes convictions que j'avais du mal à en saisir le sens. Et pourtant, je devais comprendre les motifs pour trouver l'issue. Peu importe la teneur de ses propos et la motivation qu'il avait à les mettre à l'oeuvre, mon estomac se crispa sous l'anticipation. Une conscience, hystérique, hurlait à l'arrière de ma tête pour m'avertir du danger. Je la fis taire, au même moment où l'épée de Damoclès s'abaissait. Je sentais Kobren à mes côtés, tendu comme un arc, brûlant comme un tison. Sa chaleur corporelle irradiait jusqu'à mon épaule.

- ... Tu vas m'affronter Kobren, nous allons livrer une rude bataille qui se soldera au premier sang. Ton maître ne te sauvera pas parce que Kaliga s'assurera qu'elle n'intervienne pas. Probablement pour la première fois de ton existence, tu vas être confronté à une situation dont tu pourras seulement te tirer seul...

J'expirai...

- ...Si je parviens à te battre, je trancherai la tête d'Hylde sous tes yeux et si tu me bats, tu auras le choix quant à mon sort.

L'air refusa de remplir à nouveau mes poumons. Mon muscle cardiaque accéléra si subitement qu'il me heurta, pinçant douloureusement les tissus dans le creux de ma cage thoracique. Un bref instant, j'eu l'impression qu'il pleuvait, confondant les points noirs dansant devant mes yeux avec ce qui aurait été mentalement acceptable. La petite fille en moi avait ressurgit, celle-là même qui avait affronté le Sanguinaire Draöxi, des années auparavant. J'étais muette et tétanisée. Respire. La peur était le plus poison des venins. Une tête bien tranchée, ça ne fait pas mal. J'inspirai enfin, l'air me brûla la trachée comme un coulée de lave en fusion. Bordel.

- Tout ce que tu es en mesure de faire, Hylde Briverasque, c'est d'attendre. Ton sort est désormais entre les mains de Kobren...

Sardonique, ma conscience me fit remarquer que c'était probablement la première chose sensée que cet homme disait. Mon sens de l'humour, bien qu'horriblement sarcastique, était encore là, et c'était une bonne nouvelle. Briverasque, ta tête est toujours attaché à ta colonne, par Hygérie, calme toi. Pouvais-je en dire autant de Kobren ? Je le regardai, mais son visage était tourné vers Thorolof, je ne pouvais déchiffrer ses traits. Il se tourna, sans un regard, et s'approcha des chevaux aux pattes desquels j'avais laissé choir les sacoches et son équipement. Mon ventre se tordit de nouveau et je luttai pour ne pas plier en deux. La voix de Kaliga, si douce en conciliante en comparaison à celle de son frère, interpella mes sens.


- Laisse-le faire. Je... Je crois qu'il ne vous tuera pas.
- Tu as l'air aussi convaincue que moi, articulais-je lentement d'une voix étonnement calme

Elle ne coordonnait pas du tout avec ce qui se passait dans mon corps. C'était peut-être une bonne chose, après tout.

- Ta réponse a atteint son cœur et il doute. Tu es sur la bonne voie. Laisse Kobren lui montrer sa valeur en l'affrontant. Il est le Torkos qui changera peut-être l'avenir de son peuple mais... il est d'une maladresse...  Dis-moi, tu commerces avec le Clan Draöxi n'est-pas ? Le Sanguinaire le fascine et il espère le rencontrer bientôt. Si tu as une valeur pour ces Okanakis, n'hésite pas à jouer là-dessus.

Maladresse était un faible mot, à mon avis. J'appréciai néanmoins le petit discours de la blonde, il chassait la brume de mes pensées. La bienveillance de cette femme vis-à-vis la cruauté de son compagnon me fendit le coeur pour une raison que j'ignore.

- Cette rencontre risque d'être mémorable, j'aimerais y assister, crachai-je, acerbe. Au cas où votre ami me fendrait le gosier avant que j'ai pu lui prodiguer quelques précieux conseils, dites lui qu'il court à sa perte s'il compte se présenter devant le Sanguinaire avec cette attitude. Draoxi porte bien son surnom... je parle d'expérience.

Une douleur fantôme m'élança dans le bras, je sentais de nouveau l'épée du Sanguinaire entailler lentement ma chaire et ses orbes de fauve se délecter de la vue de ma douleur. Ce souvenir me donna un haut-le-coeur. Je le chassai, inspirai...

J'entendis Kobren ramasser sa hache double et s'avancer vers le Chef. Je sondai le regard de Kaliga, soudain étrangement sereine. Satisfaire de ce que je cru y déceler, je tournai la tête. Quoi qu'il arrive... Kobren serait épargné. Mon escorte s'avança d'un pas résolu vers Thorolf, mais il s'immobilisa d'abord à ma hauteur. Grand imbécile, ne te blesse pas. Il était impossible de deviner ce à quoi il pensait, c'était vraisemblablement une pathologie génétique de son peuple. Mais ses yeux sombres me transperçaient de part en part, brillants et indéchiffrables. Mon coeur sauta. Il me faisait peur. Je craignais que cet échange silencieux n'impatiente mon bourreau.

- Affranchis-moi.

Quoi ? Son visage était si dur d'un seul coup, son sourire rieur assassiné derrière un masque de glace. Il n'allait pas à l'encontre de sa mort, il allait possiblement à l'encontre de la mienne. Je ne voyais plus l'enfant turbulent et troublé que j'avais tenu dans mes bras plus jeune, auquel j'avais raconté des histoires avant qu'il ne s'endorme, échangé des secrets, nourris, séché les larmes honteuses.

- Hylde, affranchis-moi.

C'était un ordre indiscutable. Lorsque je sortis l'anneau de ma poche -je le gardais toujours sur moi depuis le jour où il l'avait refusé-, je remarquai vaguement que ma main tremblait. Il me tendit la sienne, pressé, insistant. Oh. Il était encore plus terrifié que moi. Arrêtes de réfléchir. Je passai l'anneau à son doigt.

J'avais toujours pensé que ce moment serait spécial, autant pour l'un que pour l'autre. Qu'un soulagement commun essuierait tous nos doutes, que le temps s'arrêterait de tourner, peut-être. Mais il ne s'arrêta pas et, un clignement de paupière plus tard, Kobren me tournait le dos pour faire face à son adversaire. Et je n'étais pas soulagé. Il agrippa le manche de sa hache à deux mains, fléchit légèrement les genoux, planta ses talons dans le sol. Il faisait si noir, comment verrais-t-on le sang avec que l'un d'eux ne s'effondre, vidé et cadavérique. J'en frissonnai.

- D'égal à égal, Thorolf ! clama Kobren en levant à son tour son arme

L'éclat arrogant de sa bague éclata sous la lune, rivalisant d'insolence avec le bracelet de cuir qu'il portait toujours au poignet. Je ne pensais plus à l'épée qui menaçait de me trancher la tête, j'accompagnai en pensées mon esc-... mon ami. Kobren se retourna, une seconde, pour planter un regard menaçant, un peu fou même je dirais, dans celui de Kaliga, toujours près de moi. Il ne pensait pas à ça ? Oeil pour oeil, dent pour dent, susurra avidement ma conscience, me faisant écarquiller les yeux d'horreur.

- Faites quelque chose...

J'avais parlé si bas que je me demandai si j'avais bien formulé cette pensée. Elle n'était destinée à personne en particulier, à Kaliga ou à une force divine, à Bersok lui-même, qui sait. Sal dégonflé, tu aimes voir tes propres enfants s’entre-tuer comme de vulgaires hyènes ?
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