Armand Wessels : Son premier maître, elle est née dans sa maison et y est restée jusqu'à ce qu'il meurt de vieillesse. Sans descendance, il n'avait personne pour hériter de ses esclaves, et ils ont donc finalement été revendus, Telmir avec. Armand a été un maître décent avec elle, bien que jamais très proche où ayant échangé beaucoup avec, probablement parce que sa maladie le mettait mal à l'aise. Il lui a offert une bonne éducation avant ses 8 ans ou elle a commencé à faire des petits travaux pour la maison. C'est lui qui a pris la décision de revendre la mère de Telmir, quand cette dernière a accouché d'un enfant sang-perdu, il ne lui a jamais pardonné sa relation 'écœurante' avec un mésorian, donc personne ne semble savoir l'identité exacte. Bien sûr, une des raisons du silence de Wessels, et également des autres domestiques, était tout simplement que la séparation de la mère avec l'enfant fut faite dans une certaine illégalité, les enfants torkos ne devant pas être séparé de leur génitrice. Cette dernière consenti, à l'époque, d'un tel châtiment, et ne dit rien quand on lui annonça qu'elle ne partirait pas avec sa nouvelle née. Une marque était déjà visible sur l'enfant, et elle savait qu'en grandissant, son métissage pourrait être visible. Aussi bien, partir et recommencer à zéro, sans le scandale sur son dos, et sans une enfant sang-perdue en preuve de sa culpabilité, elle pourrait trouver un nouveau travail et commencer une nouvelle vie. Personne ne sait si elle s'est séparé de sa fille par dépit ou de bon cœur, mais le fait est qu'elle n'a pas insisté.

Evelyne Damboise : Son ancien maître mort de vieillesse, sa descendance morte bien avant lui, Telmir s'est retrouvée dans la position qu'elle avait toujours redoutée : à vendre. Après des mois d'attente, elle a fini par être achetée par Evelyne, Telmir en conclut que c'était ses capacité à bien s'occuper des animaux qui a fait pencher la balance en sa faveur. La torkos n'a jamais été à plaindre avec Armand mais le comportement très amical d'Evelyne l'étonne un peu plus chaque jour, ainsi que sa générosité qu'elle commence presque à trouver déplacée. Particulièrement le jour où elle lui a offert un berger épelien, pour qu'elle soit plus assurée quand elle sort de chez elle. Au fil du temps, Telmir commence à développer un très grand respect pour sa nouvelle maîtresse, incapable d'elle même appeler ça de l'affection. Il faudrait qu'elle soit son égale pour cela.

Athos : Son tout récent compagnon berger épelien, tout juste sorti de l'enfance,au pelage brun à noir,  il lui a été offert par sa nouvelle maîtresse, pour la protéger des mauvaises rencontres quand elle sort en ville. Il semblerait qu'Athos ait prit tout le caractère affirmé que sa maîtresse a dû renfermer depuis toujours. Si il est particulièrement loyal envers Telmir et Evelyne, il est néanmoins d'une nature agressive. Parfait gardien, toujours droit, à l’affût de la première démonstration d'hostilité, même moindre. Il n'est pas meurtrier, ou même méchant, il n'a aucun problème pour aboyer, faire peur, ou même mordre quiconque entre dans l'espace vital de l'esclave. Pas vraiment joueur, si il apprécie de temps en temps de rapporter un bout de bâton, c'est loin d'être ce qu'il préfère, et il s'en lasse au bout de deux lancers. Si au début, Telmir avait peine à refréner les instincts protecteurs de son animal, désormais, elle le laisse faire. Et peut être même avec une pointe de satisfaction dont elle n'arrive pas à se culpabiliser... Après tout, il n'a jamais fait grand mal.

  

« C'est beaucoup trop visible. Tu ne peux pas sortir comme ça.»
Et d'un air imperturbable, sans un sourire, Tarek lui tendit sobrement une écharpe. La gamine de 6 ans la regarda un instant sans comprendre, fixant de ses grands yeux gris le cruel bout de tissu tendu. Elle tourna le regard vers l'autre torkos qui l'accompagnait, une vieille dame dont elle a oublié le nom depuis longtemps, laquelle se mordait la lèvre inférieure en évitant son regard. Bien sûr, Telmir savait qu'elle n'était pas exactement comme les autres, elle l'avait toujours su. La petite fille n'avait pourtant jamais connu ses parents. Personne des autres domestiques ne savaient qui étaient son père, mise à part qu'il était un mésorian, bien que la rumeur disait que c'était un homme d'une certaine influence, mais pas plus, et si tous avaient connu sa mère, personne ne voulait parler d'elle. Elle avait pourtant posé la question, une paire de fois, on lui avait gentiment dit que ça ne servait à rien de demander. Sa mère n'était pas là et ne reviendrait pas, ils étaient tous là pour elle, inutile d'en demander plus. En écoutant aux portes, quelques années plus tard, elle apprendrait que sa mère avait été revendue après son accouchement, le maître ne souhaitant pas soulever plus de questionnement, et irrité du comportement de son esclave, qu'il jugea indécent.

Non Telmir savait bien qu'il y avait un problème avec elle, et pas que par rapport à ses parents. Il y avait les taches bien sûr, ces drôles de trucs noirs qui grandissaient beaucoup, et trop vite. Quand elle était bébé, c'était juste sur le flanc gauche, comme un gros grain de beauté un peu sombre. Mais vite, très vite, cela lui avait investi les bras, les jambes, laissant des traces noirâtres comme des arabesques mal faites, et désormais c'était sur son visage, son front commençant lentement, mais sûrement, à être recouvert. La sensation n'était pas douloureuse, quoique la peau était plus épaisse, comme du cuir, ça ne lui faisait pas mal, quand ça grossissait, ça démangeait juste un peu. Mais ce n'était pas ça dont il était question aujourd'hui, elle le vit bien dans le regard dur de Tarek. C'était juste laid. Il fallait le cacher. Telmir aimait bien Tarek, c'était surtout lui qui s'occupait d'elle ici, même si tout le monde élevait et aimait bien la petite fille. Alors elle prit la grosse écharpe pour sa petite tête, l'enfila de manière à recouvrir son visage, comme une petite capuche, et put enfin les accompagner pour aller faire les courses.

Bien sûr, Telmir savait que ça allait empirer. C'était l'âge aussi où elle commençait petit à petit à faire un peu de travail, souvent pour des petites tâches pas trop difficile, comme éplucher des légumes ou plier des draps, avec les autres enfants d'esclaves, lesquels étaient plus souvent avec leur mère ou père respectifs, bien évidemment. Mais la petite torkos ne s'était jamais sentie seule dans la maison, du moins pas avant l'adolescence, quand les taches noires furent extrêmement visibles, et que les premières réactions hostiles commencèrent à devenir légion. Cris étouffés dans la rue, moqueries des autres gamins, allant parfois au jet de légumes, ou même cette superbe femme mésorianne, noble et fière dans sa robe en soie, qui avait hurlé de façon stridente avant de tourner de l’œil alors que Telmir avait innocemment fait glisser sa capuche en courant pour rattraper Tarek. Personne n'osait vraiment la consoler et la rassurer une fois à la maison, alors qu'on entendait des sanglots enfantins de sa chambre. Il n'y avait pas de quoi la rassurer, toutes les tentatives sonneraient creuses et mensongères. Personne ne pouvait nier la vérité : elle était affreuse à regarder, et n'importe qui lèverait les yeux vers elle aurait un mouvement de recul au mieux. Telmir laissa donc ses cheveux pousser, recouvrit son corps de vêtements informes, perdit sa langue bien pendue, et évita au maximum l'extérieur, et la charmante gamine au caractère affirmé devint très rapidement l'ombre d'elle-même. Ce fut à cette époque qu'elle fut nommée Telmir Malepeau. Il fallait bien lui donner un nom, et vu que personne ne savait qui était son père, ou ne voulait révéler son identité, et que toute la maison prenait soin d'oublier la simple existence de sa mère, ce qui aurait pu n'être qu'une cruelle plaisanterie, devint son nom. Même les gens les plus aimant autour d'elle ne se rendirent pas compte qu'ainsi, ils la condamnaient à n'être que l'image d'une pathologie, sans lui donner la moindre chance de s'en détacher un jour.

Vinrent aussi les émois de l'adolescence, à 15 ans, alors que ses amies comptaient fleurettes, bien que très chastement, à d'autres torkos, certains à l'intérieur des murs, parfois même les esclaves des invités du maître, ou bien ceux qu'elles croisaient dans les rues. Telmir garda pour elle son attirance pour le nouvel escorte d'un voisin. Ce dernier ne lui ayant de toute façon jamais adressé la parole, et détourna très vite le regard quand il la croisa dans la rue, comme tout le monde, depuis si longtemps. Elle finit par se faire une raison, se disant avec amertume que c'était la punition de sa mère, et qu'elle n'avait qu'à l'accepter. Elle envia son père avec une certaine ironie. Il n'a jamais su que son acte avait engendré une chose pareille, et ça ne devait même pas lui avoir traversé l'esprit. Elle aurait volontiers retrouvé son identité pour pouvoir lui envoyer à la figure le résultat de son impertinence, à quel point son acte était laid, et qu'il avait crée une créature aussi laide. Mais comme tous les fantasmes d'adolescentes en colère, jamais il ne se réalisa. Bien des années plus tard, Armand Wessels mourut de vieillesse, et à 22 ans, Telmir se retrouva à vendre.

Quand on lui annonça la nouvelle, elle fut en proie à la panique, au déni et à la colère. Elle ne pouvait pas être vendue, jamais quelqu'un ne l’achèterait, personne ne dépenserait la moindre pièce pour une personne dont on ne peut même pas regarder le visage sans réprimer un frisson. Elle finirait bradée, après des années d'attente, et au final, vendue pour une bouchée de pain pour faire les travaux les plus ingrats, et elle avait de fortes chances de tomber sur un maître abusif. Tous les pires scénarios tournèrent dans sa tête, et rien ne calma ses peurs, et surtout pas de voir ses amis et compagnons de toujours vendus. Tarek le premier, et les autres suivirent. Des mois de calvaire pour Telmir, qui se terminèrent une après-midi d’apparence comme une autre. Quand maîtresse Dambroise passa l'air de rien sur la place du marché, fit demi tour pour la fixer, un sourire sur le visage que l'esclave fut incapable d'identifier et annonça au marchant qu'elle la prenait. La transaction la plus courte qu'elle aurait imaginée, si elle avait osé espérer qu'un jour elle serait achetée.

Elle suivit donc sa nouvelle maîtresse jusqu'à Îleglace, devant refaire connaissance avec de nouveaux collègues, avec toute la peur et l'appréhension que cela lui donne. Quelques mois plus tard et les autres ont encore de la peine à la regarder dans les yeux, bien que certains progrès sont à constater au niveau des dialogues, de plus en plus longs et fréquents, si on omet une partie des esclaves qui refusent encore de lui adresser la parole ou de la regarder. Telmir n'est pourtant toujours pas à l'aise, et la soudaine décision d'Evelyne pour qu'elle prenne des cours de combat auprès d'un maître d'armes, ne fait qu'accroître sa gêne. Mais d'un autre côté, elle mentirait si elle y prétendrait y trouver quelque chose à redire.