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 Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]

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Potière du clan Chilchaki
Niila Blanches Paumes
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MessageSujet: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime24/1/2015, 18:57

Ce matin semblait être un jour comme les autres, et pourtant...

Quand Niila sortit de sa tente, le soleil commençait à peine à pointer à travers l'horizon. Sa lumière rouge, incandescente, se réverbérait sur la neige fraîche, tombée dans le courant de la nuit. Les cristaux scintillants, donnaient une apparence surréaliste au tableau qui se dépeignait devant les yeux de la jeune femme.
Elle inspira dans l'air glacé, et son souffle s'envola dans le ciel en un mince filet de fumée blafarde.
Il faisait presque bon lorsqu'elle se décida enfin à franchir le pan de toile faisant office de porte de la tente. Le campement n'était pas encore tout à fait éveillé, et Niila aimait se déplacer en silence, parmi ses congénères endormi. Ainsi, elle avait la vague impression que la nature n'appartenait qu'à elle. Mais les événements qui se préparaient allaient lui prouver que la nature ne possédait pas de maître.

Ses pas crissaient dans l'étendue blanche et d'un regard, elle embrassa le paysage qui se dessinait à sa portée. Tout était toujours plus beau sous la poudreuse et ses lèvres s'élargirent en un sourire plein et entier. Elle leva son visage vers l'étendue bleutée qui prenait de plus en plus d'ampleur à mesure que le soleil pâlissait puis soupira lentement en réajustant le harnais de sa besace qui pendait à son épaule. A sa main droite, un sceau destiné à réceptionner ses échantillons d'argile, dans la droite, quelques outils pour la récolter.
En quittant le campement, elle jette un dernier regard vers la tente de Wakumbë qui doit dormir paisiblement à l'heure qu'il est. Son coeur se gonfle d'affection à cette simple pensée et ses pupilles pétillent en songeant que depuis la première nuit qu'ils ont partagé, d'autres ont suivi, toutes aussi tendres et délicates.
Le clan s'est habitué à leur relation, plus personne ne sourit ou ne rigole doucement devant la timidité des deux amoureux, certains même, vont jusqu'à les encourager lorsque Khilmari n'est pas dans les parages.

La veille pourtant, Niila à dormi chez elle, non pas que passer ses nuits chez le Chemenn soit devenu une habitude en temps normal, mais la jeune femme savait se lever tôt pour achever ses préparatifs en vue de la migration prévue dans plusieurs jours. Elle s'aventure donc, dans la forêt d'abord, pour accéder à la rivière plus au Nord, où elle possède ses petites habitudes. Les loutres seront-elles là aujourd'hui? Niila a hâte de le découvrir. Les quelques kilomètres qui séparent le fleuve du camp lui paraissent long, mais elle les parcourt sans broncher. Plus vite ses réserves seront faites, plus vite elle rentrera.
Wakumbë lui manque déjà.

Le soleil est bien levé lorsqu'elle arrive sur les berges. Elle y découvre ses croquis, ses ébauches de loups dessinés à même le sable argileux du bord de fleuve et décide de s'en détourner rapidement, n'en étant pas satisfaite. Ce projet inachevé la frustre. Dans sa mémoire, le souvenir des loups reste vif, et elle n'arrive toujours pas à leur donner corps à travers ses doigts, comme si toutes ses pensées l'accaparaient ailleurs. Un mouvement attire son attention plus loin, entre deux rochers et son regard se fixe.
Les loutres sont là, s'amusant de cette neige fraîche, se roulant dedans comme les petits animaux joueurs qu'elles sont. Amusée, Niila s'installe sur un rocher et les observe, gravant dans son esprit de nouvelles images pour ses poteries.
Et puis, vient le moment de commencer à creuser, à observer et à relever. Le labeur est difficile, elle doit travailler sans gant et le froid lui mord les doigts. Pourtant, elle est agréablement surprise par la douceur de la température en ce jour. L'hiver approche et pourtant, on se croirait en début d'automne.

Le temps passe et son estomac lui signale que l'heure de manger approche. Elle essuie ses doigts dans un torchon préparé dans ce but exprès et attrape la viande séchée qu'elle s'est emporté. Mordant à pleines dents dans le morceau, elle arrête de mâcher pourtant, lorsqu'un grondement retentit dans l'atmosphère.
Immobile, attentive, elle lève les yeux aux ciel, cherchant l'annonce d'un orage qui ne semble pas vouloir apparaître, et pour cause. Le soleil resplendit.

Pourtant, elle n'est pas folle, le grondement est toujours là, comme résonnant en sourdine et puis tout à coup, elle voit le vol d'oiseaux piaillants passant au dessus de sa tête, cherchant à fuir quelque chose mais quoi?
Le nuage de fumée qui s'élève derrière eux répond à sa question et elle comprend.
Ce n'est pas un orage. Les craquements qui retentissent ne sont pas des éclairs, mais le bruit des arbres déracinés, rompus par la masse de neige qui avale tout sur son passage.

Les yeux écarquillés, elle observe incrédule, la masse volatile de neige qui s'élève au dessus des arbres et remarque que le phénomène se déroule dans la même direction que la position du campement.
Elle a peur, pas pour elle, mais pour ceux qui sont encore là-bas. Khilmari, Wakumbë, tous les autres.
Son coeur manque un battement et elle cligne des yeux plusieurs fois, comme pour chercher à s'assurer qu'elle ne rêve pas, mais le nuage blanc est toujours là, et sans réfléchir plus, elle laisse tomber ses affaires et se met à courir.

Elle retrouve les pas qui l'ont conduit ici, mais les prend à revers en courant. Au fond d'elle, l'urgence se dissout dans ses veines, l'adrénaline bombarde son palpitant qui accélère encore et toujours, au rythme de sa course.
Dans son ventre, la glace se forme, synonyme d'une peur qu'elle ne maîtrise pas. Il y a quelque chose, là, tout au fond d'elle. Elle sait, elle connait cette sensation, cette peur, elle l'a déjà vécu. Niila court toujours mais ses pas se ralentissent à mesure que son cerveau comprend l'ampleur du phénomène et lui rappelle alors, ce qu'elle avait oublié.
L'avalanche.
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime25/1/2015, 01:06

Le tonnerre, partout. La montagne se fend, hurle, se délite, et l'air devient irrespirable lorsque sa robe blanche le submerge...

Le Chemenn des Chilchakis avait voulu se lever tôt ce matin là, profitant des derniers jours ensoleillés de la saison. L'hiver ne tarderait pas à étendre sur la chaîne de montagnes ses bras glacés. Chaque année, à cette période de l'année, Wakumbë aimait se perdre dans les monts sauvages et profiter une dernière fois de la nature qui, docile, ne tarderait pas à s'endormir. Cela faisait plusieurs jours que le jeune homme souhaitait s'évader quelques heures, mais sa vie avait été trop chargée pour qu'il puisse dégager suffisamment de temps. Il y était parvenu finalement, après s'être dit que s'il ne le faisait pas maintenant, il ne le ferait pas avant l'année suivante. Cette idée avait été assez motivante pour que le jeune homme se décide à laisser ses activités, avant de souffler sa bougie et de s'endormir la veille.

Le Chemenn comptait probablement parmi les premiers réveillés : quand il mit la tête hors de sa tente, il ne croisa personne. C'est le cœur en liesse qu'il avait sauté dans ses vêtements après s'être débarbouillé avec un peu de neige fraîche, sans prendre le temps d'avaler quoique ce soit. Qu'à cela ne tienne ! Il comptait bien trouver quelques baies tardives en chemin. Le plus silencieusement possible, Wakumbë avait abandonné sa yourte et traversé le campement. Il avait frissonné de plaisir en constatant que ses pas étaient les premiers à marquer le tapis enneigé en ce matin d'automne. De loin, il put apercevoir la tente de Niila, et un sourire attendri avait éclairé son visage en l'imaginant enroulée sous ses couvertures, les cheveux réunis en une longue natte sur son épaule. Depuis son invitation à dîner, tous deux avaient pu partager plusieurs nuits. Wakumbë avait vite appris à reconnaître les manies et habitudes de la jeune femme, ne serait-ce que sa position préférée pour s'endormir. Ce n'était pas grand chose, et cela restait tout simple, mais ça leur suffisait. Car ces moments appartenaient à eux seuls. Le Chemenn avait été soulagé et satisfait de constater que les autres membres du clan tenaient leur langue : un instant, il avait craint que certaines remarques ne blessent Niila. Mais finalement, tous tenaient une position bienveillante et solidaire, presque « encourageante ». Si aucun ne se permettait de lui souhaiter « bonne chance », Wakumbë était parfois étonné de lire de telles idées dans les yeux de ses interlocuteurs. Lui-même ne savait pas trop comment se positionner face à ça, aussi se contentait-il souvent de leur répondre par un regard dubitatif. Il ne lui était encore jamais venu à l'idée d'encourager qui que ce soit dans sa relation amoureuse, c'est pourquoi il trouvait si étrange qu'on puisse le faire pour lui. Enfin, tout cela restait fait dans la bienveillance la plus sincère, aussi ça ne lui posait pas vraiment de problème. Tant que Niila était heureuse, il pouvait bien le supporter...

Le soleil se levait à peine, réchauffant l'air frais de ses rayons puissants. Wakumbë avait pris le temps de grimper en haut d'une colline proche du campement afin d'admirer le lever de soleil. L'astre rougeoyait avec force, et il emplissait le ciel orangé avec une telle présence qu'on aurait dit qu'il pouvait avaler le monde entier. Silencieux, le jeune homme contempla le réveil du ciel, attendant que le soleil ait trouvé une place plus humble, loin au-dessus de lui. Puis il se mit en route.
Lors de ces échappées solitaires, le Chemenn ne définissait jamais de parcours, de programme : il allait là où ses pieds le portaient, où son regard l'incitait à se rendre. Wakumbë avait toujours aimé la nature sauvage, et s'il avait un faible pour les immenses glaciers près de Givregöor, les montagnes d'Epieux avaient su gagner une place dans son cœur. Peut-être à force de les côtoyer, peut-être car en grandissant, le jeune homme avait appris à les aimer à leur juste valeur. Dans le fond, les glaciers étaient un peu prétentieux, à étendre leur nappe azurée. Les montagnes savaient se faire plus discrètes, avec leurs cimes blanches qui se fondaient parfois avec la pâleur du ciel hivernal. Tout était une question de point de vue...

Tout en gravissant le flanc de la montagne la plus proche, Wakumbë savourait le silence troublé ça et là par le chant d'un oiseau matinal. De nombreux arbres couvraient ce pan du mont, de sorte qu'il put apercevoir là un élan, là un renard polaire, là une chouette aux grands yeux noirs qui tranchaient avec son plumage immaculé. Le jeune homme se figeait parfois, contemplait l'animal qui lui faisait face, et tous deux s'épiaient quelques secondes, avant que la bête s'enfuie. Wakumbë aimait ces rencontres inespérées. Durant ces promenades, une sérénité l'envahissait, et son âme n'était plus troublée en rien. Il lui semblait que le monde revêtait son apparat le plus paisible, comme s'il avait décidé de montrer à tous comment il pouvait être porteur d'harmonie et de douceur, malgré les conflits et autres horreurs qui l'agitaient parfois. Ce jour là était l'un d'entre eux. Aucune ombre ne venait entacher le superbe tableau qui s'offrait à lui.

Wakumbë s'était arrêté un instant pour cueillir quelques baies, tâchant ses doigts de leur jus sombre. Et alors qu'il relevait la tête, il avait aperçu un tapis de fleurs d'un délicat jaune pâle. Aussitôt, une idée avait germé dans son esprit, et il avait entrepris d'en cueillir un bouquet qu'il comptait offrir à Niila le soir, à son retour au campement. Le soleil avait désormais retrouvé une place plus habituelle dans le ciel, et il s'amusait à imaginer ce que la jeune femme pouvait faire au même moment. Pétrissait-elle la pâte du pain qu'elle ferait cuire ensuite ? Était-elle encore emmitouflée dans une couverture, déjà affairée au-dessus d'une poterie ? Ou bien conversait-elle avec Khilmari ? Chaque vision le réjouissait. Alors Wakumbë avait glissé le bouquet à sa ceinture avant de reprendre sa marche en chantonnant une mélodie connue de lui seul.

Mais alors que c'est d'un pas léger qu'il avance, un grondement sourd l'interrompt. Surpris, le jeune homme tend l'oreille, et constate non sans étonnement que des lièvres détalent tout autour de lui, suivis par des troupes d'oiseaux terrifiés. Levant les yeux, cherchant l'origine du grondement qui sonne comme de multiples coups de tonnerre, Wakumbë ne tarde pas à le découvrir. Au-dessus de lui, la montagne se soulève, furieuse, et sa robe immaculée déferle vers la vallée. Le tapis de neige broie tout sur son passage, recouvrant les forêts et les roches qui tapissent le flanc du pic, dévalant la pente à une vitesse hallucinante. Le jeune homme n'a que le temps d'écarquiller les yeux avant de se mettre à courir, rebroussant chemin.
Avalanche. Il a suffisamment entendu ce mot pour comprendre le danger qui le guette. Combien d'hommes ont péri, écrasés sous la masse qui le menace aujourd'hui ? Alors Wakumbë court. Il court, comme il n'a jamais couru, ses jambes le portent, il s'envole. Bondissant au-dessus des précipices et des arbres abattus par le vent, il ne sent plus, ne voit plus. Seul demeure le grondement de la montagne dans son dos. Tout n'est plus que perceptions accrues et irréelles : il sent la brûlure de l'air glacé dans ses poumons, entend les battements de son cœur terrifié qui menace de percer sa poitrine. A plusieurs reprises, il trébuche, manque de tomber, et ses pieds s'enfoncent profondément dans la neige, le ralentissant considérablement. Mais c'est une force qu'il ne se connaît pas qui le pousse, qui l'incite à continuer. Tout en fuyant la montagne qui gémit et se tord comme une femme derrière lui, le jeune homme cherche un abri, un salut. Il distingue un contrefort rocheux sur sa gauche. Au-dessus de lui, le ciel a déjà commencé à pâlir sous le nuage provoqué par la chute du manteau de neige. Sans réfléchir, Wakumbë bifurque dans la direction de ce qui sera peut-être son unique chance de survie. Priant Eliwha pour y parvenir à temps, le jeune homme ne voit pas le piège, quelques mètres devant lui. L'une de ces fosses que les trappeurs Mésorians installent dans l'idée d'attraper quelques bêtes stupides. Dissimulé sous un sol trompeur, la fosse est remplie de pics sur lesquels les rennes tombent parfois. Dans sa panique, Wakumbë ne voit pas l'épaisseur moindre de la neige à cet endroit, recouvrant un tapis trompeur de fougères et de branchages entrelacés. Son pied se pose sur ce sol inégal, qui s'effondre sous son poids. Terrifié, le jeune homme n'a pas le temps de hurler : la chute est trop brève. Un éclair blanc, une douleur terrible dans sa jambe, mais il n'a pas le temps de s'en rendre compte. A nouveau, la paroi s'effrite, et la roche affaiblie par le trou s'efface. Dans sa chute, Wakumbë se sent glisser, et c'est le choc : dur et froid contre son visage. Le grondement se rapproche, s'amplifie, et il ferme les yeux en se recroquevillant, attendant que la tempête le recouvre. Mais seuls quelques flocons égarés parviennent jusqu'à lui. Le hurlement de la montagne s'estompe, avant de s'évanouir dans la vallée.

Tremblant, Wakumbë a un frisson de soulagement. L'avalanche est passée. L'adrénaline bat contre ses tempes en sueur, une douleur sourde irradie encore dans sa cuisse, mais tout ça lui est égal. Eliwha, quelques secondes de répit... Je suis toujours en vie. Le monstre ne m'a pas avalé.
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime25/1/2015, 13:16

 Entre le passé où sont nos souvenirs et l'avenir où sont nos espérances, il y a le présent où sont nos devoirs.


Depuis combien de temps est-elle là ? Lorsque Niila ouvre les yeux, elle est à genoux, dans la neige. Le froid et l'humidité commence à traverser le tissu épais de son pantalon, pourtant, elle demeure et ne bouge pas.
Son visage est contre ses mains, cherchant un réconfort que ses doigts à présent glacés ne pourront plus lui offrir. Elle se rend compte alors, que ses gants sont restés sur les berges de la rivière.
Le froid, la glace, la neige, elle connaît tout ça. Et les souvenirs d'un passé douloureux affluent en elle comme un torrent se libère de l'emprise du gel au printemps. Violemment et sans aucune contrainte. Immobile, cherchant à reprendre pied dans la réalité, elle passe outre son passé fraîchement retrouvé et se relève avec la certitude que son clan à besoin d'elle. Le campement a-t-il été touché ? Sa famille est-elle blessée ? De nouvelles questions jaillissent de toutes parts tandis que sa marche reprend dans la neige, elle cherche à se presser mais se sent à la fois entravée par une torpeur, comme si son esprit cherchait à lui dérober de précieuses minutes pour la faire s’apitoyer.

Elle se souvient de la douleur lorsque sa tête à heurté la roche, elle se souvient du froid lorsque la vague de neige l'a entièrement recouverte autant que de ses poumons brûlants et suffocants. Le bruit sourd et grondant de la montagne qui se mutile et qui laisse échapper ce nuage de poussière de glace dans les airs, comme annonciateur d'un mauvais présage. 
Très nettement, Niila se rappelle alors, du visage de sa mère, de la façon qu'elle avait de coiffer sa petite fille, de son nom...
Elle se souvient de ses sourires complices, et de ses rires cristallins, de la bienveillance de tout ce petit groupe d'Okanakis qui n'était que nomade en toutes saisons. L'avalanche les a englouti ce jour là, comme un monstre festoie : sans même laisser de restes.
A une exception près, Niila.

Après un vague retour dans le passé, la jeune femme accélère, rejette ses souvenirs, les repousse de toutes ses forces pour qu'ils ne viennent pas altérer sa réalité. Elle court à présent et pleure sans y prêter attention. Pour qui sont ses larmes ? Pour sa famille disparue ou celle qui est peut-être sur le point de le devenir ?
Elle ne le permettra pas, et d'un poing rageur, elle balaye les gouttelettes salées qui strient ses joues rouges.
Durant sa course, elle croise quelques animaux qui fuient en sens inverse, toujours en proie à une panique répondant à un instinct de survie, et Niila fait l'inverse, elle avance comme pour se jeter dans la gueule du monstre.
Lorsqu'elle arrive enfin à l'orée de la forêt, elle stoppe, interdite, frappée par le tableau qui s'étend devant ses pieds. Lentement, ses mains se portent devant sa bouche, comme si elles pouvaient étouffer le long gémissement qui s'échappe de ses lèvres. Mais il n'en est rien. Sa complainte se perd dans la brise et retentit longtemps dans les airs.

De son campement subsiste quelques yourtes recouvertes de monticules de neige, tant et si bien qu'on ne voit plus l'entrée. D'autres, sont entièrement détruites à en juger par quelques pieux de bois brisés qui dépassent du manteau blanc. Tout n'est que vaste chamboulement, dévastation de son foyer. Au loin, elle aperçoit un petit groupe et se précipite vers eux, chargée d'espoir que tous aient pu échapper à la vague glacée.
Khilmari est là et son cœur s'emballe lorsqu'il se retourne et crie son nom. Elle se jette dans ses bras et l'enlace alors qu'il la serre contre son cœur, reconnaissant peut-être à la chance insolente qui les a tenu en vie. Les retrouvailles sont de courte durée, car l'urgence pour la survie du camp se ressent, elle est palpable.
Niila se détache de son père et regarde les autres tour à tour, avant de murmurer :

- Vous êtes si peu....où sont les autres ?

Car beaucoup manquent à l'appel. Niila cherche du regard, tout autour d'eux, et l'absence d'une personne en particulier lui broie le cœur. Une peur panique s’immisce sous sa peau, la faisant frissonner et armée d'un sourire plein d'espoir, elle bredouille alors :

- Où est...où est Wakumbë ?

En réponse à ses mots, certains baissent le regard, d'autres ravalent leurs larmes, mais la jeune femme s'accorde rapidement à penser que tous évitent consciencieusement de croiser ses pupilles. Que ne veulent-ils pas lui dire ? Que souhaitent-ils lui cacher ??

- Où est-il ? Demande-t-elle plus fort, la crainte débordant de sa voix.

Khilmari lui prend alors la main et le regard qu'il lui lance est chargé de désespoir. Sans qu'il n'ait besoin de parler, elle comprend. Wakumbë a disparu, et pendant qu'ils parlent, il succombe peut-être sous la neige. Son cœur se fixe, se brise à cette idée et elle ne peut se résoudre à l'accepter. Non, pas lui. « Non » murmure-t-elle pour elle-même.
Elle se tourne, cherche du regard l'endroit où reposait sa tente avant la catastrophe et lorsqu'elle pense l'avoir retrouvée, se précipite sur l'endroit. De ses mains nues, elle creuse la neige, ravalant les larmes qui lui détrempent les yeux avec la certitude que si Wakumbë est la dessous, elle le retrouvera. Khilmari l'appelle, mais elle ne répond pas complètement absorbée dans sa tâche, retranchée dans son propre univers où elle n'a besoin que du Chemenn pour survivre. Elle entend les paroles des uns et des autres. «  Arrêtez la ! » « Elle devient folle », mais n'y prête aucune attention.
C'est seulement lorsque Mako la ceinture pour la relever qu'elle réagit.
Elle a beau lui hurler de la lâcher, il ne cède pas, elle pleure, se débat mais rien n'y fait et le jeune homme la laisse s'épuiser avant de finalement lui annoncer d'une voix forte mais posée :

- Il n'est pas là, calme toi Niila. Quand je me suis levé ce matin, il était déjà parti, j'ai vu ses traces de pas se diriger vers l'ouest.

La jeune femme reste saisit, immobile et Mako finit par la relâcher. Le temps que ses paroles s'impriment dans son esprit, elle accepte alors l'idée que Wakumbë n'est pas ici. Il doit, se promener dans la Montagne mais....si les paroles de Mako sont exactes et que le Chemenn est bien à l'ouest, alors ses pas l'ont mené à l'origine de l'avalanche. A l'heure qu'il est, la neige est peut-être entrain de le tuer.

- Il faut s'organiser, annonce calmement Mamaka qui est entrain d'arriver avec un autre petit groupe. Déblayer les tentes, rechercher les disparus dans le campement, préparer un repas chaud pour notre survie, regrouper les rennes, préparer une tente commune pour nos blessés,...

La liste continue, encore et encore, tant de devoirs à effectuer, tant d’énergie à dépenser et pourtant, toutes les pensées de la jeune femme ne volent que vers un seul et unique être, ignorant totalement le reste. Son regard se perd quelques instants sur la neige à ses pieds.

- J'y vais, lâche-t-elle subitement en relevant la tête.
- Où ça ? Répond Khilmari dans la foulée.
- Chercher Wakumbë.
- Quoi ??

Le silence se fait et tous se tournent vers Niila, incrédules tandis que la jeune femme se frotte les mains pour les réchauffer.
Khilmari s'approche d'elle et lui prend le bras.

- Ne dis pas de sottises...tu ne sais même pas te battre, ni chasser comment crois-tu survivre dans la Montagne ?

Elle le regarde et lit l'inquiétude autant dans ses yeux que dans sa voix. Aussi, elle lui répond simplement :

- Je suis une Chilchaki, je survivrai à ça.

Mais son père s'énerve et se met en colère, la secouant à présent comme un pommier comme s'il devait faire face à une attardée mentale ou à une enfant récalcitrante.

- Niila, ce n'est pas un jeu, tu comprends ? Tu peux mourir dans la Montagne, je ne te laisserais pas partir !

- Et au moment où nous parlons Wakumbë est peut-être blessé ou ensevelis, je ne le laisserais pas mourir ! Rugit-elle en dégageant son bras de l'étau de son père.

Elle tremble à présent, n'osant pas imaginer le jeune homme frissonnant rendant son dernier souffle sous l'étendue glacée. Son père la regarde, n'y croyant pas. Depuis quand a-t-elle prit autant d'assurance ? Plus personne n'ose parler et un silence pesant enveloppe le groupe.
Niila sèche ses larmes et soupire avant de poser une main sur la joue de son père. Elle chercher à capter son regard mais il l'évite au début, avant de finalement succomber à la tendresse que Niila ajoutet dans ses yeux bleus.

- Comprends moi, reprend-elle doucement, je ne peux plus vivre sans lui.

- Tu y arrivais bien avant, gronde Khilmari en croisant les bras.

- Parce que j'ignorais alors, à quel point j'avais besoin de lui.

Elle lui offre alors un sourire compatissant. Lui, le chasseur solitaire pourrait-il comprendre ? Se souvenait-il des instants partagés avec sa femme avant que celle-ci ne disparaisse ? Très certainement, mais la peur de perdre sa fille, la seule personne qu'il lui reste prend le dessus sur tout le reste. Il ne voit plus en Wakumbë le Chemenn du village, ni même le jeune homme qu'il a vu grandir. Il ne voit en lui que l'individu pour lequel il risque de perdre sa seule et unique fille. Cela il ne peut l'accepter. 

- Papa...avec ou sans ton accord, ma décision est prise. Alors tu peux rester là à essayer de me convaincre ou tu peux m'aider à gagner du temps en m'aidant à préparer mes affaires.
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime25/1/2015, 15:00

Comme une vieille amie, la douleur l'enlace. Ses bras sont rouges et sales, mais sa voix, qui réconforte autant qu'elle fait mal, sonne comme un murmure d'espoir. « Tu es en vie », lui dit-elle. « Tu es encore en vie. »


La joue posée contre la roche, Wakumbë ferme les yeux en n'osant faire le moindre mouvement. Le sol tremble encore sous son visage, écho terrifiant de la tourmente qui s'est déjà éloignée. Le jeune homme sait que le danger est passé : la montagne ne gronde plus au-dessus de lui, elle s'est tue. Dehors, son long manteau blanc doit recouvrir le paysage, dissimulant les vestiges de la forêt qui la couvrait quelques minutes plus tôt. Quelle terreur, quelle terreur... comme une bête sauvage oubliant tout à coup sa sérénité bienveillante, la montagne a cédé à la colère tandis que la neige, trop lourde pour rester sagement en place, lui offrait l'opportunité de déverser sa rage sur le monde. Que la montagne est belle, mais qu'elle est cruelle...

Frissonnant, Wakumbë profite de ce répit, alors que les battements de son cœur affolé ralentissent, retrouvant un rythme plus régulier. L'air brûle toujours ses poumons douloureux, mais cela n'a plus aucune importance désormais. Lentement, ses pensées s'éveillent, et savourer le fait d'être en vie ne lui suffit plus. Écoutant les gémissements de la neige qui s'immobilise plusieurs kilomètres en contrebas, le jeune homme imagine la nature ployer sur son passage. Il croit voir les sapins arrachés, les lacs balayés, le campement disparaître. Aussitôt, il rouvre les yeux. Le campement. L'angoisse lui noue la gorge et le ventre, il a envie de vomir. Imaginer le camp Chilchaki avalé dans la tourmente lui est impossible. D'innombrables visages dansent devant ses yeux : Mamaka, Mako, Khilmari. Et la figure pâle d'une jeune femme aux cheveux d'ébènes, qui semble figée dans ses souvenirs.

« Non. »

Sa voix est faible, mais elle sonne avec suffisamment de force pour repousser l'inéluctable. Sans réfléchir, le Chemenn va pour se relever, mais aussitôt, la douleur ressurgit dans sa jambe. Un éclair blanc l'éblouit, et Wakumbë retombe inerte sur le sol, haletant. Il lui faut près d'une minute pour retrouver le contrôle de sa respiration et réussir à chasser les tremblements qui agitent son corps. Il a la désagréable sensation de n'être qu'un pantin désarticulé.

L'obscurité est telle que Wakumbë ne peut clairement voir les lieux. Mais après quelques secondes, ses yeux se sont accoutumés à la pénombre, lui permettant de distinguer une grotte de bonne taille, assez haute pour qu'un homme de grande stature puisse s'y tenir debout.  La fosse par laquelle il a atterri est remplie de neige, et trop haute pour qu'il puisse y accéder de toute manière. L'avalanche a bouché l'entrée de la grotte, qui doit probablement s'ouvrir sur le flanc de la montagne. Un mur de neige recouvre l'unique sortie de la cavité. En voulant se retourner pour mieux voir, Wakumbë gémit en sentant la souffrance se ranimer dans sa cuisse. Comprenant qu'il ne pourra l'ignorer, le jeune homme rampe jusqu'à l'une des parois de la grotte, avant de s'y adosser. Ce simple mouvement lui tire un hoquet lorsque la douleur se fait à nouveau sentir. Wakumbë n'ose toucher sa cuisse, redoutant ce qu'il risque d'y découvrir. Il a l'impression que sa jambe se détache du reste de son corps, même si cette sensation doit être due à la peur. Cela ne peut pas vraiment être le cas... pas vrai ?

Ignorant les tremblements qui agitent ses mains, le jeune homme fouille un instant dans la poche qui pend à sa ceinture, espérant que son contenu n'ait pas disparu dans sa course ou dans sa chute. Mais non : ses doigts rencontrent la surface polie d'une pierre. Ne se permettant aucun soupir de soulagement, Wakumbë frotte la sphère entre ses doigts afin de la réchauffer. Il se félicite d'avoir pensé à emporter ce cadeau, offert par Joboma bien des années auparavant. Bientôt, la pierre apparaît comme éclairée d'une lueur intérieure. Une clarté azurée se répand alentours, dessinant les arrêtes grossières de la roche. Terrifié, le jeune homme se permet de balayer les lieux d'un regard. Cela lui suffit pour constater qu'aucune sortie n'est visible. Le désespoir menace de s'abattre sur ses épaules, mais à nouveau, Wakumbë ne s'autorisa aucune  faiblesse. Son cœur est gonflé par la peur, mais également par la colère. Celle-ci ne faiblit pas lorsque ses yeux se posent enfin sur sa jambe qui le lance toujours. Un pieu de bois de trente bons centimètres dépasse de sa cuisse. Aussitôt la nausée le submerge, mais le jeune homme se contente de fermer les yeux en inspirant profondément. Quand il repense à la chute dans la fosse, il se dit que cela aurait pu être bien pire. Celle-ci aurait pu être mortelle.

Malgré tout, le Chemenn n'ose imaginer ce qu'il doit faire maintenant. Plusieurs secondes s'écoulent, sans qu'il ne puisse se décider à faire quoique ce soit. Wakumbë connaît ses chances de survie : elles ne sont pas bien grandes. Sa blessure l'empêche de marcher, et il n'est pas sans savoir qu'un Okanaki descendu est un Okanaki décédé. Bloqué dans cette grotte, sans nourriture ni chaleur, il ne tardera pas à périr sous l'assaut du froid. Si personne ne le sort de là bientôt... mais qui pensera à venir le chercher ? A nouveau, il visualise le campement, dévasté sous le torrent enneigé. Mais il se force à chasser cette image funeste, tandis qu'une flamme renaît dans sa poitrine. Le jeune homme pense à l'Hiver, qui lui envoi cette épreuve pour une raison obscure. Il pense à quel point il lui serait facile d'abandonner, de baisser les bras, de se laisser glisser dans un sommeil sans fin. Le froid engourdirait ses bras, ses jambes, avant de glisser pernicieusement jusqu'à son cœur, et l'enserrer de sa main veloutée.

« Tu aimerais bien... » gronde-t-il sans desserrer les dents.

C'est un combat de fous, mais il refuse de le perdre. Ce ne serait pas la première fois que Wakumbë aurait à affronter l'Hiver, ni la dernière. Le froid est juge : à lui à présent de lui prouver sa valeur. Aussitôt, le jeune homme posa la sphère de lumière à ses côtés, et entreprend de déchirer le bas de sa tunique pour s'en faire un garrot, qu'il serre sur le haut de sa cuisse blessée. Il n'ose penser au risque qu'il prend en choisissant de retirer ce pieu : peut-être va-t-il se vider de son sang. Mais mieux vaut une mort rapide et indolore plutôt qu'une longue et lente agonie, qui l'amènerait à succomber d'une infection.
A tâtons, ses doigts rencontrent une branche qu'il serre fort entre ses dents. Cela va faire mal, il le sait. Comme dans un cauchemar éveillé, Wakumbë croit déjà entendre ses hurlements. Mieux vaut mordre autre chose que sa langue... Avant de passer à l'acte, il ramasse une poignée de neige et la fourre sur sa nuque. Le froid lui arrache un hoquet et un sursaut, mais au moins il lui apporte la garantie de ne pas s'évanouir aussitôt. Cela lui laissera le temps de bander sa plaie.
Vient le moment d'agir. Wakumbë frôle le pieu du bout des doigts, et ce simple contact se réverbère dans toute sa jambe gauche. Alors il ferme les yeux une seconde, et compte jusqu'à trois.

« Un... »

Il voit le visage de Niila danser devant ses yeux humides. Une flamme ravive la colère qui rugit dans sa poitrine. Peut-il vraiment l'abandonner ?

« Deux... »

Les souvenirs des moments qu'ils avaient partagé affluent à sa mémoire. Le jeune homme pense au reste du clan, aux figures tristes qui l'attendent. Il pense à Mamaka Chouette Blanche, qui prend de nombreuses décisions pour leur survie. Peut-il vraiment les abandonner ?

« Trois. »

Un éclair blafard, un cri. Ses dents serrent le bois à l'en briser tandis qu'un hurlement étouffé meurt dans sa gorge. Les larmes roulent sur son visage, mais c'est son corps qui pleure, pas lui. Le pieu gît à ses côtés, marqué d'une couleur pourpre. Du sang... le sien. Le même qui afflue sur sa plaie. Wakumbë bande rapidement sa cuisse afin d'arrêter l'hémorragie, mais il sent son esprit s'évader. Il doit tenir. Encore quelques secondes... la douleur est trop forte, elle l'attire vers les tréfonds, lui promettant miel, douceur et apaisement. Le jeune homme sert du mieux qu'il le peut, comprimant sa cuisse. Le tissu ne tarde pas à s'imbiber de rouge. Il n'a que le temps de saisir une poignée de neige et de la tasser par-dessus. Dans son dos, la glace a déjà fondu, coulant le long de son échine. Pourtant, ce n'est pas cela qui le fait frissonner. Son estomac se tord tant la douleur est forte, irradiant le long de sa jambe, remontant dans ses hanches, creusant son ventre secoué de haut le corps. Est-ce la souffrance, ou la vue du sang qui le met dans cet état ? Alors qu'il achève son travail, Wakumbë voit la lumière reculer, engloutie par les ténèbres qui menacent de l'avaler à son tour. Alors il se laisse glisser le long du mur, sa tête vient heurter le sol, mais il ne sent plus rien. Quelques mots, comme un défi lancé à l'Hiver qui épie le moindre de ses faits et gestes :

« Tu ne m'auras pas... tu ne m'auras pas... »

Mais la nuit l'enveloppe comme un linceul plein de promesses, et il bascule enfin dans l'inconscience.
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime25/1/2015, 16:16

Et tandis que mes pas me portent dans la vallée enneigée, je ne ressens nulle peur, seulement cette vague certitude que tu es avec moi...

La priorité chez les Chilchaki reste de déblayer les tentes des disparus. Ainsi, ils retrouvent plusieurs membres transis de froid pour la plupart, mais tous n'auront pas cette chance. Rapidement, on décompte trois décès, comme pour rappeler à chacun que le temps ne joue pas en leur faveur.
Tandis que certains s'occupent des recherches, d'autres essayent d'apporter un nouveau confort au camp. Rudimentaire il est vrai, mais le moindre feu de bois apparaît ici comme un miracle qui peut tous les sauver. Le calme s'est finalement installé sur le groupe et personne n'ose parler. Peut-être pour ne pas dire des mots que l'ont regretterait, peut-être pour ne pas déranger ceux qui pleurent en silence, peut-être encore pour respecter cette leçon imposée par l'Hiver.
Mako est parti récupérer les rennes égarés, Mamaka circule partout où la vieille femme en a la possibilité, apportant paroles de courage ou de réconfort quand les nouvelles sont moins bonnes, chacun se trouve une tâche juste et utile.
Pendant ce temps, Niila et Khilmari déblaient la neige recouvrant leur tente. Sous les ordres de son père, la jeune femme a cessé de creuser à mains nues et s'est munie d'une petite pelle, mais tout va trop lentement à son goût.
Souvent, son regard se tourne vers les monts plus à l'ouest accompagné d'un long soupir, se demandant si Wakumbë est toujours en vie. Elle ne relâche cependant aucun de ses efforts et prie secrètement que de son côté, il fasse de même, peu importe sa situation.

Pour Niila, le Chemenn ne peut être mort, l'idée en elle même est impossible à concevoir dans son esprit. Elle le voit, entre chaque clignement d'yeux, son sourire, son rire, et ce regard bleu si pénétrant qu'elle en oublierait presque son propre prénom.

Soudain, rompant le silence, Khilmari parle :

- Tu as changé... Il s'est passé quelque chose ? Je ne parle pas de Wakumbë...

Niila stoppe ses mouvements et regarde son père, droit dans les yeux. Ils restent tous deux un moment à se fixer sans bruit, les mains continuant leur labeur à l'aveugle.
Enfin, la jeune femme baisse son visage et lui dit tout bas :

- Je me souviens.

Elle entend parfaitement le hoquet de surprise de son père et décide de lui faire part de ce qu'elle sait, avant qu'il ne lui pose des questions auxquelles elle ne pourrait pas répondre.

- C'était une avalanche. Nous étions des nomades, pas comme les Chilchaki qui s'arrêtent quelques temps lorsqu'un endroit leur plaît. Nous n'avions aucune habitude, nous déambulions simplement. Lorsque la neige m'a avalée, je me suis cognée la tête et quand je suis revenu à moi, que j'ai réussi à me dégager de l'emprise glacée qui m'entourait, je me suis mise à marcher. Je me rappelle....des corps congelés, dont seuls dépassaient du manteau blanc un bras, une jambe...Je me rappelle que j'ai préféré fuir plutôt que de chercher ma propre mère. J'avais peur de la retrouver alors, et de garder une image d'elle froide et bleue comme les autres. Je...

La main de Khilmari se pose sur sa joue et récupère une larme qu'elle n'avait même pas sentit poindre. Surprise et reconnaissante, elle le regarde à nouveau.

- J'ai compris, lui dit-il simplement. Tu n'as pas besoin de tout dire ou de te souvenir de tout. Ça ira.

Et sans ajouter un mot, ils se remettent au travail.
Après plusieurs heures, Niila peut achever ses préparatifs. Dans son paquetage, elle place une petite marmite, une pierre de feu, deux bols, deux cuillères, deux larges couvertures de laine, des vêtements secs et une nouvelle paire de gant.
A côté, elle prépare également un sac contenant légumes, baies et viande séchée. Khilmari l'aide du mieux qu'il peut, mais elle se rend bien compte que tout ceci est dur pour lui.
Il doit avoir l'impression d'envoyer sa fille à la mort. Elle ne cherche pas à le rassurer, cela ne servirait à rien, alors ils œuvrent côte à côte, en silence, comme ils l'ont si souvent fait.

Mako les rejoint quelques temps après, il a harnaché deux rennes.

-Deux rescapés, lance-t-il avec un sourire forcé, avant d'attacher sur l'un deux les paquetages de Niila. Puis, à l'attention de Khilmari il ajoute : Tu vas pouvoir t'abstenir de chasser pour un moment, la moitié du troupeau est décimé. La viande est congelée par la neige alors...je crois qu'on va avoir de quoi se nourrir pour un moment.

Le chasseur hoche la tête et se tourne vers sa fille pour lui donner les dernières recommandations, vis à vis du froid, de la nuit, de l'humidité et des animaux sauvages. Il l'enlace fermement tout en tâchant de conserver sa dignité. Niila ferme les yeux un instant avant de lui murmurer une dernière phrase qu'il gardera longtemps, elle l'espère dans son cœur :

- Je me souviens, que tu es le seul père que j'ai jamais connu.

Enfin, elle se détache de lui et grimpe sur le rennes équipé pour l’accueillir.

- Ramène nous Waku ! Lui lance Mako en lui faisant un signe de la main, et Niila lui sourit.

Le soleil amorce déjà sa descente dans le ciel, la journée est trop avancée et la jeune femme n'a que trop peu de temps.

- J'y vais. Je prends la direction de l'ouest et vais axer mes recherches sur la traînée de neige laissée par l'avalanche. Si d'ici trois jour je ne le retrouve pas, je ferais alors demi-tour.

Un dernier regard pour son père et la jeune femme prend la route. Sur son passage, les autres Chilchaki la saluent et lui souhaitent bonne chance avant qu'elle ne quitte la zone sinistrée du camp.
Elle sait pertinemment qu'ils se remettront tous de cette catastrophe. Ils sont forts et si cette avalanche est une épreuve du Dieu de l'Hiver, alors il peut s'attendre à une fête du Solstice extraordinaire, afin de lui rappeler que son clan le respecte suffisamment, sans avoir besoin de le défier.

En selle sur le renne, Niila avance lentement, mais le pied sûr de l'animal lui évite de s'enfoncer dangereusement dans le manteau blanc. L'après-midi avance, tout comme la petite procession. Sur son chemin, elle récupère au passage des branches de bois suffisamment sèches pour brûler et sa bouche n'a de cesse d'appeler le nom du Chemenn.
Parfois, des oiseaux pour qui le calme est revenu s'envolent sur son passage, des branchages se déchargent de leur lourd fardeaux blanc à l'écho du nom de Wakumbë.
Mais inlassablement, Niila l'appelle, même lorsque sa gorge finit par lui faire mal, lorsque ses poumons la brûlent. Pendant des heures et des heures, elle continue et après avoir franchit la première colline, elle grimpe désormais sur le flan de la montagne.

A plusieurs reprises, elle est persuadée d'entendre un murmure, un son et stoppe sa marche. Est-ce lui qui l’appelle ? Est-ce le vent qui la guide ? Est-ce le froid qui lui fait perdre la raison ?
Elle se force à bouger ses orteils pour les protéger du l'atmosphère glacé et de leur immobilité.  La chaleur de l'animal la réchauffe, mais ses extrémités restent fragiles et bientôt ce sont ses doigts et son nez qu'elle ne sent plus. Machinalement, elle retire ses gants et souffle sur sa peau glacée. Mais à force d'appeler son nom et d'avoir la bouche ouverte, même son haleine lui semble tiède, voire froide et elle ne puise nul réconfort dans ce geste.
A nouveau elle pose un regard sur le soleil, dont la chute est relativement proche. Déjà le ciel commence à prendre une teinte mauve à l'horizon et toujours nulle trace du Chemenn.
Le paysage n'est qu'une mer blanche déchaînée, ayant emprisonné quantité d'arbres et autres éléments de cet univers glacé, tout espoir semble alors envolé.

Comme accusant le coup après tant d'efforts pour s'être montrée forte devant les membres du clan, elle s'effondre et pleure à chaudes larmes. Le froid, l'angoisse et la fatigue cherchent à annihiler ce mince espoir qui subsiste au fond d'elle. Et de sa voix tremblante et rocailleuse, elle ne cesse de l'appeler....
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime25/1/2015, 22:26

La bête gémit et se tord, courbant l'échine face à la lueur qui perle à l'horizon. Délicate et chaleureuse, la voix retentit à nouveau, étouffée mais pourtant si claire. Alors il comprend, et la chaleur afflue enfin dans sa poitrine. Son soleil est là, et tout ira bien.


Il est difficile de dire combien de temps le jeune homme resta inconscient. La peur, la fatigue et la douleur le maintenaient dans un sommeil qui n'avait rien de réparateur. Wakumbë eut simplement la sensation de tomber dans un puits sans fond, là où l'obscurité est telle qu'il avait l'impression de pouvoir l'agripper entre ses doigts. Il se sentait sombrer, toujours plus profondément, sans que rien ne ralentisse sa chute. Quelle étrange sensation que d'être attiré par les tréfonds de son âme...

C'est le froid qui le réveilla. Il s'insinuait sous ses vêtements, brûlant sa peau, se glissant dans ses muscles engourdis. La roche était dure sur sa joue, et y avait laissé une estafilade lorsque son visage  l'avait percuté. Sa tête était lourde, pesante, mais une douleur accrue y était nichée. Comme un forgeron frappant son enclume inlassablement. Clang. Clang. Clang.
Frissonnant, Wakumbë porta les mains devant sa bouche, et souffla sur ses doigts pour les réchauffer. Il avait du ôter ses gants pour bander sa jambe. Il se sentait incapable de faire le moindre geste, et resta donc prostré à même le sol, le corps raidi en une posture peu naturelle et inconfortable. L'épaule sur laquelle il était tombé le lançait, de même que sa cuisse, mais cet inconfort lui parvenait d'extrêmement loin. Comme une voix le haranguant de l'autre bout d'une vallée. Il lui était facile de les ignorer, de s'enfoncer toujours plus profond dans la douce léthargie qui s'offrait à lui. Son évanouissement avait happé ses dernières forces, les dernières bribes de sa volonté. Clang. Clang. Clang, fait le marteau sous son crane. S'abandonner aux délices de l'obscurité, ne plus penser à rien. Oublier.

Pourtant, la colère luisait toujours en lui, telle une flammèche malmenée par les bourrasques. Une part du jeune homme refusait de baisser les bras aussi facilement. Pas après tout ce qu'il avait enduré. Wakumbë ouvrit les yeux, et fut ébloui quelques secondes par l'éclat azuré qui provenait de sa sphère lumineuse. Il resta affalé un moment, attendant de s'accoutumer à son environnement. Se redresser lui demanda un effort considérable, et il eut l'impression que chaque muscle de son corps protestait. Sa chute avait malmené ses os et ses membres, la moindre parcelle de son enveloppe corporelle le faisait souffrir atrocement. D'autres auraient pris le temps de s’apitoyer sur leur sort en comptant ecchymoses et égratignures, mais le Chemenn refusait de se laisser abattre. Portant la main à sa ceinture où devait pendre une gourde, ses doigts ne rencontrèrent que des fleurs. L'outre avait du tomber durant sa course folle. Sans émotion, Wakumbë approcha de son visage ce qui restait du bouquet. Celui-ci avait mauvaise mine : les fleurs avaient été écrasées, et rares étaient celles qui comptaient plus deux trois pétales. Agacé, il jeta le bouquet à l'autre bout de la caverne. Le jeune homme sentait la colère affluer de nouveau, et c'était plutôt bon signe.

Bientôt, il eut la force de se lever, prenant soin de s'appuyer sur sa jambe encore valide. Le pieu avait certainement du abîmer les muscles de sa cuisse gauche, de sorte que sa jambe traînait désagréablement sur le sol, refusant de répondre à ses ordres. En serrant les dents, il put supporter la douleur, même si cela lui demandait une force qu'il ne se connaissait pas.
Son premier réflexe fut de longer la paroi rocheuse jusqu'à l'ouverture de la grotte. Mais celle-ci était bouchée par la neige. Ses poings rencontrèrent la neige qui s'était déjà durcie. Désespéré, Wakumbë s'efforça de creuser dans ce mur qui l'empêchait de retrouver sa liberté, mais ses doigts ne parvenaient pas à crever la surface de la poudreuse, tassée par un poids trop important. Furieux, il commença à frapper la paroi glacée, insensible à la douleur qui irradiait dans la jointure de ses doigts frigorifiés. Clang. Clang. Clang. Frissonnant autant de rage que sous les coups de la souffrance, le jeune homme finit par appuyer son front contre la neige durcie. Il était pris au piège. Bouger avait ravivé la douleur dans sa cuisse, et en baissant les yeux il vit que le tissu était imbibé de sang frais. Terrassé par l’écœurement, Wakumbë sentit sa jambe valide chanceler sous son poids, et il dut se faire violence pour ne pas s'effondrer.

« Tu crois que tu vas m'avoir ? Tu crois que je ne suis pas assez fort pour supporter tout ça ? » lança-t-il au désespoir, appuyé sur la neige.

Fermant les yeux, il laissa l'écho de l'enclume envahir son esprit. Clang. Clang. Clang. Toujours plus fort et violent. Ses pensées lui échappaient de nouveau, l'obscurité menaçait de l'engloutir. Il faisait froid... tellement froid. Ses sens étaient déréglés, le seul son qu'il entendait était celui de la tempête qui grondait sous son crane. Il ne ressentait plus rien. Rien hormis la douleur, l'enclume et le froid. Clang. Clang. Clang. Wakumbë se sentit partir. Il imaginait la forêt ravagée, le campement dévasté sous le linceul immaculé. Il pouvait presque sentir la brise glacée chatouiller sa nuque... si réelle. Le jeune homme rouvrit les yeux. Le vent n'était pas le fruit de son imagination. Il ne pouvait pas l'être. Hésitant, sans vraiment y croire, Wakumbë se retourna, et suivit à nouveau le mur de roche jusqu'à l'opposé de la caverne. La sphère lumineuse à la main, il palpa la paroi, cherchant une fente, une ouverture, n'importe quoi. La brise était plus forte désormais, brûlant son visage et ses yeux. Il chercha de longues minutes, arpentant le fond de la caverne. Le jeune homme se souvenait maintenant de la fosse aux pieux, et du mur extrêmement mince qui la séparait de la grotte. C'était par là qu'il était arrivé dans cette caverne. Il lui suffisait de retrouver ce trou. Et lorsque enfin ses doigts agrippèrent le rebord de l'ouverture, Wakumbë eut un hoquet de stupeur. L'espoir ressurgissait. Tout n'était pas perdu.

Avec lenteur, il raffermit sa prise, ignorant la roche qui mordait douloureusement dans la chair de ses doigts. L'ouverture était en hauteur, et il devrait se hisser à la force des bras. Mais il avait vu pire... n'est-ce pas ? Le jeune homme inspira un grand coup et commença à escalader la paroi. Mais ses forces l'avaient quitté, et il ne parvint pas à se hisser suffisamment haut pour s'aider de ses coudes. Terrifié à l'idée de ne pas y arriver, Wakumbë poussa sur sa jambe valide, sans succès. La panique enflait dans sa poitrine, et dans un sursaut de désespoir, il appuya sa cuisse blessée sur la roche. La douleur fut telle qu'il lâcha la prise sous ses mains, et tomba brutalement sur le dos. Sa tête heurta le sol, et un énième éclair l'aveugla. La sphère lumineuse avait roulé auprès de lui, avant de s'éteindre après un dernier frisson. Plongé dans l'obscurité, le Chemenn sentit ce qui restait de son espoir disparaître. Il devinait plus qu'il ne la voyait l'ouverture dans la paroi, deux mètres au-dessus de lui. Elle le narguait. La colère le submergea alors, et il se redressa malgré la douleur qui irradiait dans son corps, s'adossant à nouveau contre le mur naturel.

« JE N'AI PAS PEUR ! » hurla-t-il, bravant un interlocuteur invisible. « TU NE M'AURAS PAS ! TU ENTENDS ? JE SUIS DIGNE DE TOI ! JE N'AI PAS PEUR DES EPREUVES QUE TU M'ENVOIES ! »

Mais quand la fureur se fut reculée, demeura seulement le désespoir. Contrairement à ce qu'il venait d'affirmer, Wakumbë était terrifié. Son dernier espoir s'était envolé, comme tous les autres. Posant le front sur le genoux qu'il avait relevé, il enserra celui-ci de ses bras. D'énormes frissons le secouaient. Le marteau dans sa tête s'était enfin tu, mais c'était pour mieux laisser place à d'autres démons.

Il resta plusieurs heures prostré de la sorte. Enveloppé par ses bras qui formaient comme une barrière pour le protéger de la réalité, le jeune home demeura immobile, le corps secoué de frissons incontrôlables, autant dus au froid qu'à la fatigue. De nouveau, la souffrance s'assourdissait, comme un lointain écho, qu'il pouvait presque se permettre d'ignorer. La fièvre le rongeait, mais il s'en fichait pas mal. Que pouvait-il y faire ? Attendre. Et rien d'autre. Sans savoir si ses proches avaient succombé à l'avalanche. Cela le terrifiait, serrant sa gorge, l'empêchant presque de respirer.
Des visages, des souvenirs dansaient sous ses paupières closes, contribuant à la douleur qui rongeait son cœur, son esprit. Celle-ci était pire que celle qui lançait sa jambe. Bientôt, Wakumbë ne sut plus dire si ces visions étaient dues à ses délires, ou si les images étaient réelles. Elle le semblaient : il avait la sensation qu'il lui suffirait de tendre la main pour attraper la cape de la jeune femme qui s’immisçaient toujours dans ses pensées. Son esprit lui échappait, le jeune homme perdait peu à peu le contrôle. Un unique prénom se murmurait, tandis que son imagination débridée visualisait le pire. Niila. La jeune femme court dans la vallée, on est en plein été. Des fleurs sont mêlés à ses cheveux réunis en une longue tresse, qui semble flotter dans son dos. Elle n'est vêtue que d'une robe simple, pourtant c'est la plus belle femme qu'il lui a été donné de voir. Ses yeux brillent sans honte, comme éclairés par le bonheur qu'il peut lire sur son visage rayonnant. Mais bientôt, son sourire s'ouvre sur un cri : elle l'appelle. Mais lui ne peut répondre. Ce n'est qu'un rêve... pourtant sa voix paraît réelle, et il frissonne en l'entendant se rapprocher. De longues secondes s'écoulent. Wakumbë chérit cette vision comme le plus précieux des trésors. Le miel qu'il lit dans le regard de la jeune femme lui donne assez de force pour tout supporter. Mais sa voix se fait pressante, entrecoupée de sanglots, et bientôt sa sérénité est troublée : pourquoi semble-t-elle si inquiète ? Wakumbë ! Wakumbë ! Cessera-t-elle un jour ? Pourquoi ne profite-t-elle pas de la splendeur de l'été qui s'offre à elle ? L'herbe n'est-elle pas assez verdoyante, les fleurs suffisamment parfumées pour mériter sa joie ?

WAKUMBË !

L'appel résonne, cri déchirant entrecoupé de sanglots. Frissonnant, le jeune homme sent le brouillard reculer, l'empêchant de trouver le repos. La voix le déchire comme une lame. Il croit entendre des pas crisser sur la neige, loin au-dessus de lui. Des pas. Alors ce n'est pas... un rêve ? La chaleur renaît dans sa poitrine, chassant la terreur. Il reste un espoir. Quelqu'un le cherche. A nouveau, la voix retentir, déchirant le silence de la montagne. N'osant pas y croire, Wakumbë se retourne et se redresse vaille que vaille, approchant le plus possible son visage de l'ouverture au-dessus de lui. Et il crie à son tour. Sa voix n'est tout d'abord que très faible, et ne porte pas. Mais à force d'essayer, ses appels parviennent à égaler ceux de la jeune femme. Il l'entend courir dans sa direction, et se laisse à nouveau glisser sur le sol. Des sanglots de soulagement secouent douloureusement son corps, sans qu'aucune larme ne coule sur ses joues. Le temps des pleurs est passé. Niila est venue le cherche. Comment a-t-il pu en douter ? Elle est forte. Plus forte qu'il ne le serait jamais.
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime26/1/2015, 00:11

La nature, si hostile qu'elle soit peut parfois nous donner des indices. Encore faut-il savoir les voir et surtout, savoir où regarder....

Le temps passe et s'écoule lui glissant entre les doigts. Depuis combien de temps a-t-elle quitté le campement ? Et si elle arrivait trop tard ? Et si, elle ne le retrouvait pas tout simplement ?
Ces pensées macabres s’immiscent dans son esprit, poison perfide qui envahit tout son être et la laisse totalement désœuvrée. Et si....tant de suppositions, tant de théorie plus cruelles les unes que les autres lui perforent le cœur, la glaçant jusqu'au sang.
Elle lutte et se débat contre ses idées, protégeant cet espoir mince, fugace, comme le battement faible d'un oisillon tout juste éclos.
Inlassablement, elle appelle son nom. Wakumbë ! Wakumbë ! Avec le vent et le froid, sa voix s'éteint petit à petit d'elle-même dans sa bouche sèche. Elle sent alors ses lèvres se gercer et se force à boire une petite gorgée d'eau à la gourde de sa ceinture. Mais c'est pour mieux reprendre d'une voix coassante son chant, son appel sans fin. Elle se donne l'impression d'être un corbeau malheureux, croassant au milieu de vestiges abandonnés, relents d'un festin déjà oublié.

Les rennes fatiguent et normalement, elle devrait les faire stopper, se reposer, mais elle n'a pas le temps. Elle aussi devrait faire une pause, elle ne sent plus ni ses doigts, ni ses orteils et possède la vague sensation qu'il y a peu de temps, au milieu de son visage se trouvait son nez. Mais peut-elle en être sûre désormais ? Les muscles de son visage se durcissent, sa mâchoire lui fait mal à force de crier, autant que sa gorge qui la brûle, mais là aussi, elle ne peut se résoudre à abandonner.
Son regard se porte tout autour d'elle, alerte et attentif au moindre détail qui pourrait lui indiquer une direction à suivre plutôt qu'une autre, mais la vérité, c'est qu'elle ignore par où aller, elle laisse les rennes décider quel chemin leu semble le plus praticable et elle appelle encore...Wakumbë ! Wakumbë !
Elle pleure, souvent, s'effondre sur l'encolure du renne et se relève à l'aide d'une force qu'elle n'imaginait pas posséder. Ses yeux bouffis par les larmes et par le froid la font souffrir et sa peau la tiraille comme sur le point de se déchirer. Et l'après-midi touchant à sa fin, elle sent la morsure du froid sur ses joues, aidée par ses larmes qui gèle à même sa peau, à même ses cils. Elle bat des paupières plusieurs fois, en vain, et rageuse, finit par se débarrasser des cristaux avec ses poings.

Le pas des rennes est lent et la ballote de gauche à droite comme s'ils la berçaient. Bientôt, la fatigue, le froid et les émotions fortes la font somnoler et la ramènent, là où elle ne souhaitait pas retourner. Mais l'odeur de la neige fraîche, des arbres déracinés et de la sève dégoulinant du bois coupé ne lui rappelle que trop, ses souvenirs enfouit qui à présent cherchent à franchir les barrières qu'elle s'impose désormais. Si elle n'y prend pas garde, elle s'y laissera sombrer et perdra tout espoir.
L'espoir...il vit tout au fond d'elle, douce flammèche qui tente de la réchauffer autant qu'elle cherche à l'entretenir et à nouveau elle l'appelle.
Wakumbë est malin et agile,il a dû trouver un endroit où s'abriter, elle cherche à s'en convaincre quand une branche en hauteur lui fouette le visage. Sa peau qui éclate en faisant jaillir un filet de sang qui tâche le blanc immaculé, la ramène violemment à la réalité.
Grimaçant sous la douleur, elle retient un grondement, voyant en ce geste un signe de la nature qui lui rappelle d’être attentive.

Les rennes continuent de grimper et Niila continue d'appeler. Est-ce le manque d'oxygène qui lui fait tourner la tête ? Elle ne suffoque pas mais...à l'impression de tanguer. Et puis, elle se remet à pleurer, étouffant des sanglots, brisant le silence de ses appels qui résonnent longtemps avant de disparaître dans l'immensité du flan de la montagne. Et c'est alors qu'elle l'entend.
Immédiatement, elle stoppe le renne et tend l'oreille. A-t-elle rêvé ? Par tous les Dieux elle espère que non. Elle appelle encore et...enfin, la voix de Wakumbë lui répond.

Une vague d'émotion la submerge entièrement et l'espace d'un moment, elle ne peut plus respirer. Son coeur exulte, tétanisant tous les muscles de son corps et dans un regain d'espoir, elle saute du renne. Lorsque ses jambes atterrissent sur le sol, elle bascule en avant et tombe la tête la première dans la neige. Depuis trop longtemps en position de monte, ses genoux ont un mal fou à répondre et elle perd un temps fou à se remettre debout.
Elle appelle, encore et cherche tout autours d'elle. La voix semble venir d'en dessous, elle peut le percevoir à travers le crissement de ses pieds sur le sol, encore un pas, puis un autre et...elle s'arrête à quelques centimètres du bord de la fosse.
La neige que le bout de son pied à rassemblé puis poussé glisse et sombre dans la fosse en un tourbillon de flocon. Niila cherche à réfléchir et son esprit semble bloqué dans la glace un instant. Au fond, à plusieurs mètres, elle voit les piques, et...une ouverture ?
Il serait là ? Mais comment y accéder...elle n'a pas prévu de corde. Faut-il être stupide ?
Non, s'il est tombé dans une sorte de renfoncement, de cave, il doit y avoir une autre sortie, ou plutôt, une entrée.
Du pas le plus rapide qu'elle le peut, elle retourne auprès des rennes et attrape la petite pelle qu'elle a prit soin d'emporter avec elle. Si Wakumbë est dans une caverne en dessous d'elle, alors l'entrée doit être bien plus bas. Elle dévale la pente et là ! Son pied s'enfonce un peu plus. Mue par une énergie nouvelle,une force puisée au plus profond d'elle-même, elle se met à creuser, encore, de plus en plus vite.
Lorsque enfin l'ouverture se crée, le soleil est bas, très bas, mais Niila n'a nulle besoin de lumière pour pénétrer dans l'antre. Elle saute directement dedans et à nouveau ses jambes la font souffrir comme une vengeance de leur en demander tant après l'effort de la journée. Mais peu lui importe, elle appelle son nom et ses appels malgré sa voix désormais rocailleuse résonnent contre les parois rocheuse. Plus loin, elle perçoit un mouvement et le reconnaît.
Elle court alors pour franchir les derniers mètres qui les séparent et se laisse tomber à genoux, étouffant un cris de douleur avant de prendre le visage du Chemenn entre ses mains. Comme il est glacé mais comme son regard est chaud !
Elle lui sourit et les larmes affluent sur ses joues, mouillant ses yeux couleur d'azur.

- Tu es vivant ! Tu es vivant ! Sa voix se brise dans un dernier sanglot.

Ses bras enlacent sa nuque, le redressant contre elle et entre deux mots, elle embrasse son front, son nez, ses joues, sa bouche, lui insufflant son amour autant que le peu de chaleur qu'il lui reste.
C'est seulement lorsqu'il pose sa main sur son bras qu'elle remarque le sang qui la macule. Son regard s'égare à la recherche de l'origine du mal, et tombe sur le bandage fortement rougit, au niveau de sa cuisse.

- Par tous les Dieux, murmure-t-elle horrifiée et inquiète avant de reporter son regard dans celui de Wakumbë.

Elle ignore alors le picotement qu'elle ressent dans ses doigts, sans se douter une seule seconde qu'il s'agit de la dernière sensation qu'elle sera capable de ressentir, elle ignore tout autant ses poumons qui s'épuisent à chercher de l'oxygène dans l'air glacé depuis le début d'après-midi, enfin, elle ignore les tremblements qui commencent à la secouer en mettant ça sur le compte de la forte émotion de l'avoir retrouvé.
Quoique cela puisse lui en coûter, elle le ramènerait vivant à leur famille, c'est la promesse qu'elle se fait tandis quelle resserre légèrement son étreinte sur l'homme qu'elle aime.

- Ça va aller, murmure-t-elle tout bas avant que sa voix ne s'éteigne, usée.

Elle le repose avec délicatesse et se relève. La nuit ne va pas tarder, si elle doit les installer, c'est maintenant ou jamais. Dans son cerveau pourtant embrumé, elle sait exactement ce qu'elle doit faire. Creuser encore l'ouverture, de façon à ce que les rennes puissent les rejoindre, ils apporteront une chaleur supplémentaire, faire un feu, préparer un repas chaud, installer Wakumbë confortablement et regarder ses blessures, éviter qu'il ne s'épuise...et puis le plus important, le maintenir en vie.
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime26/1/2015, 20:59

Et subitement, elle est là. Elle est là, et il sent la lumière qui rayonne à ses côtés, telle une aura apportant chaleur et espoir. Le feu de joie qui brûlait dans sa poitrine a disparu, laissant place à un soleil incandescent. Elle est là maintenant, et tout ira bien.


Quelle chance y avait-il pour que Niila retrouve sa trace et le tire de ce mauvais pas ? Wakumbë savait pertinemment que cela tenait du miracle. Tandis que les pas de la jeune femme résonnaient au-dessus de sa tête, se déplaçant vers l'ouverture bouchée de la grotte, le jeune homme laissa son visage appuyé sur la roche, tremblant. Il se sentait tout à coup vidé des forces qui lui restaient, comme si tenir jusqu'à ce moment précis avait été sa seule motivation. Son corps était de temps à autre parcouru de spasmes, mais il n'aurait su dire s'ils étaient du au froid, à la fatigue, ou à la situation. Son esprit éreinté lui soufflait qu'il pouvait en rire : n'était-ce pas cocasse, sinon drôle, que Niila ait réussi à le retrouver ? A coup sûr, cela ne l'était pas du tout. A tout le moins, ça pouvait être synonyme d'un soulagement intense. Pourtant, ce même soulagement poussait le jeune homme à sourire, et s'il n'avait pas été aussi fatigué, il en aurait probablement ri.

Il y eut comme un choc étouffé de l'autre côté du mur de neige, bientôt suivi par des coups répétés sur celui-ci. Wakumbë comprit aux sons que Niila creusait la neige. Le jeune homme va pour se lever afin de lui prêter main fort, mais au moment où il prend appui, ses jambes se dérobent sous son poids. Malgré ses efforts, il ne parvient pas à bouger, et cette immobilité forcée l'agace. Il aurait voulu pouvoir courir jusqu'au mur de neige, et gratter celle-ci, quitte à s'en écorcher les doigts jusqu'au sang, quitte à ne plus rien sentir. Seul importait le savoir que Niila était juste là, séparée de lui par quelques mètres seulement. Se sentant impuissant, Wakumbë poussa un grognement qui se mua bientôt en gémissement lorsque l'élancement dans ses côtes se réveilla. Quand il n'y pensait pas, la douleur dans sa jambe restait en sommeil, ce qui lui permettait de l'ignorer assez facilement, mais il suffisait qu'il bouge ne serait-ce qu'un bras pour que ses côtes – probablement fêlées – se rappellent à son souvenir.

Entendre Niila s'affairer fut un véritable supplice, et ce dernier fut horriblement long. Infirme, Wakumbë ne put que fixer le mur glacé, cherchant la première fissure, le premier frémissement sur la paroi de neige. Les coups de pelle résonnaient dans la grotte, emplissant ses oreilles. Parfois, il croyait entendre le souffle rauque de la jeune femme, mais il devait rêver : son esprit s'évadait. A ne pas bouger, ses pensées reprenaient leur dimension volatile, et il eut bientôt toutes les peines du monde à rester éveillé. A plusieurs reprises, le Chemenn sentit sa tête peser sur sa nuque raidie, dodelinant sans jamais vraiment s'abandonner au sommeil. Il se refusait le moindre repos, sachant comment Niila œuvrait là dehors.
Wakumbë n'avait aucune notion du temps. Depuis combien de temps était-il enfermé dans cette caverne ? Il avait la sensation que cela faisait des heures. Peut-être la journée était-elle déjà passée, peut-être était-on demain. Cela n'avait plus aucune importance maintenant. Niila était là. Quand il pensait à quel point elle était courageuse, son cœur se gonflait de fierté et d'amour. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour voir toute la bravoure de cette jeune femme. Elle-même ne devait pas avoir conscience de son courage, de sa force. Mais il le savait. Wakumbë se demanda si c'était cette conviction qui l'avait empêché de croire que Niila ait pu périr dans l'avalanche. Mais après tout, était-ce si fou de croire que si lui-même avait survécu, elle n'avait pu succomber ? Niila était bien plus forte que lui.

Bientôt, le mur grince, s'effrite, des mottes de neige tombent sur le sol rocheux de la grotte. Réveillé en sursaut, Wakumbë fixe l'ouverture, s'efforçant d'ignorer la gêne qui irradie dans ses yeux éblouis par la lumière. Il fait déjà sombre à l'extérieur, mais ça reste plus lumineux que dans la caverne. Une silhouette sombre bondit rapidement à l'intérieur et court vers lui. Puis c'est le choc, des mains glacées serrent son visage, un souffle court caresse sa peau douloureuse. Ne pouvant faire un seul mouvement, Wakumbë se laisse faire, docile : Niila embrasse son visage, son front, ses joues, sa bouche, et le moindre de ses baisers est ressenti comme une agréable chaleur sur sa figure meurtrie. Elle le serrait contre son cœur, et chacun de ses muscles, chacun de ses os protestait. Pourtant le jeune homme était prêt à le supporter si cela signifiait que Niila était près de lui. Il était heureux, plus heureux qu'il n'a jamais pu l'être, et tous deux restent longuement enlacés, frissonnant et tremblants, frigorifiés, lui savourant pleinement sa présence, elle pleurant en enfouissant son visage sur son cou. Rassemblant ce qui lui reste de force, le jeune homme parvient à poser une main sur la joue de celle qui est en train de lui sauver la vie, et s'il ne dit rien, son regard est assez éloquent pour remplacer tous les mots de la terre. Niila répétait quelques phrases, comment pour s'en convaincre elle-même. Wakumbë était touché par le soulagement et la peur envolée qu'il lisait dans ses yeux. Il comprit que la jeune femme l'avait cherché durant des heures, sans se soucier de sa propre sécurité. De nouveau, il sentit son cœur se gonfler, comme réchauffer par un brasero invisible. Ses yeux s'embuaient alors qu'il parvenait enfin à articuler :

« Je savais que tu t'en étais sortie, et que tu réussirais...»

Mais il fallut que Niila aperçoive sa cuisse ensanglantée. Secouée par un hoquet de stupeur, la jeune femme rive bientôt ses yeux dans les siens, avant de prononcer quelques mots. Wakumbë est attendri de voir qu'elle s'efforce de garder le contrôle de la situation, de repousser sa peur pour ne pas paraître faible ou fragile devant lui. « Ça va aller », lui dit-elle. Et lui peut simplement lui répondre, avec un sourire confiant et sincère, comme pour lui faire comprendre à quel point il a foi en elle :

« Je sais.»

La nuit commençait à tomber, et tous deux savaient qu'ils allaient devoir relâcher leur étreinte. C'est presque à contre cœur que Wakumbë laissa Niila s'éloigner. La jeune femme entreprit d'agrandir l'ouverture de la grotte : maintenant que le mur était percé, il ne lui fallut que quelques minutes pour ménager un espace assez grand pour faire entrer les rennes. Elle les fit s'allonger non loin du Chemenn, après avoir arpenté la grotte de long en large afin de décider quel endroit était le moins parcouru par les courants d'air. Wakumbë avait rallumé sa sphère de lumière, de sorte que la caverne baignait maintenant dans une lueur azurée étrangement réconfortante. Auparavant, cette couleur lui avait parue froide et austère. La présence de Niila n'était certainement pas étrangère à ce changement de sensation...

Impressionné, le jeune homme regarda la jeune femme œuvrer, encore agacé de ne pouvoir l'aider. Il avait la désagréable impression d'être inutile, d'être un fardeau. Niila entreprenait désormais d'entasser des brindilles afin de faire un feu, lui jetant parfois un regard inquiet. Wakumbë s'efforçait de faire bonne figure en dissimulant ses blessures et sa douleur : ainsi avait-il prudemment rabattu un pan de sa cape déchirée sur sa jambe blessée, pour éviter que la jeune femme ait constamment son bandage ensanglanté sous les yeux. A sa manière, il s'efforçait de faciliter les choses. Cela ne devait pas être facile pour elle. Mais, par Eliwha ! Comme il était soulagé qu'elle n'ait rien ! Peut-être ses blessures étaient-elles invisibles. Il lisait une souffrance silencieuse dans son regard, mais n'osait lui en parler.

L'un des rennes avait bougé afin d'adopter une position plus confortable, et sa tête reposait à quelques centimètres du Chemenn. Nonchalamment, plus pour ne pas s'endormir que par réelle envie, Wakumbë caressait le front de l'animal qui, éreinté, n'avait pas tardé à s'endormir. Le pelage était agréablement doux et chaud sous ses doigts. Ainsi, le troupeau n'avait pas été décimé par l'avalanche, des rescapés s'en étaient tiré. Une question lui brûlait les lèvres. En était-il de même pour le clan ? Alors que les premiers crépitements du feu se faisaient entendre, projetant sur les murs des tâches rougeâtres, Wakumbë osa finalement demander :

« Niila... comment ça va, en bas ? » Rivant ses yeux dans ceux de la jeune femme, redoutant d'y voir ce qui le terrifiait, le jeune homme ajouta : « Le clan... est-ce qu'il y a... est-ce que certains ont disparu ? »
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime27/1/2015, 11:03

La vérité, c'est qu'il était blessé et qu'elle n'avait pas la moindre idée du réconfort qu'elle pourrait lui apporter. La vérité, c'est qu'au delà du bonheur de l'avoir retrouvé, ils étaient à présent livrés à eux-même sans réelle promesse de survie.


« Je sais » avait-il dit. Deux mots dont la signification allait bien au delà de ce qu'il croyait. Comment pouvait-il éprouver une telle confiance en Niila, alors qu'elle même croulait sous l'inquiétude et la désorientation.
Elle n'avait pas eu à passer l'épreuve des sept jours Chilchaki. La jeune femme était trop jeune et trop déboussolée à l'époque, pour que le clan ne puisse se résoudre à l'y envoyer. Ses notions de survie, elle les tenait de ce que Khilmari lui avait enseigné, de la théorie donc pour la majorité des connaissances qu'elle possédait. Et passé le bonheur et l'étreinte partagés avec l'être aimé, il allait falloir se replonger dans des faits bien plus pragmatiques.
La cuisse de Wakumbë l'inquiétait. Elle ne l'avait vu que dans la pénombre, mais la taille de la tâche sur le bandage ne laissait rien présager de bon, et Niila devait agir rapidement et surtout avec logique.
Elle mit de l'ordre dans ses priorité, d'abord réchauffer les lieux et mettre Wakumbë à l'abri des courants d'air.

Elle ressortit donc de la caverne et entreprit d'agrandir l'entrée afin que les rennes puissent passer. La chaleur que les animaux apporteraient dans l'enceinte de la grotte ne serait pas négligeable. Et puis...elle ne pouvait pas se résoudre à les laisser dehors, ne sachant pas comment la nuit se déroulerait. Aussi, elle les guida à travers la roche et les fit se coucher là où elle jugea que le courant d'air était le plus faible après leur avoir retiré leurs paquetages. Finalement, Wakumbë ne s'était pas si mal installé songea-t-elle. Dans son malheur, il avait eut la jugeote de ne pas rester dans le vent et cela la rassura légèrement sur l'avancé de ses blessures. Peut-être avait-il été capable de se bander convenablement et de faire un premier diagnostic de sa situation.
Elle jeta un coup d'oeil dans sa direction alors qu'il avait ravivé la sphère de lumière. Un léger sourire se dessinait sur les lèvres de la jeune femme. Il était en vie. Si elle avait entretenu l'espoir, elle se rendait compte à présent qu'elle ressentait le bonheur de l'avoir trouvé, qu'il avait été bien mince, presque perdu.

A elle à présent de prendre les choses en main, s'agenouillant sur le sol, elle dessina un cercle avec quelques roches qui traînaient là, puis entassa dans le centre les quelques brindilles et branchages amassés. Cela ne tiendrait pas longtemps...certainement pas toute la nuit. Elle allait devoir ressortir pour trouver un bois plus épais, plus consistant et qui apporterait plus de chaleur. Mais pourrait-elle en trouver du suffisamment sec ?
Elle devait se dépêcher, la nuit tombait bien trop vite. Rapidement, peut-être un peu trop, elle retira ses gants afin d'user de sa pierre de feu, et la friction du tissus sur ses doigts lui arracha un hoquet de douleur qu'elle étouffa machinalement. Elle resta un instant, les dents serrés, le corps raidit tandis qu'aux coins de ses yeux perlaient déjà les premières larmes de souffrance. Quelle chance de ne pas être face à Wakumbë à ce moment là.
Elle tourna son regard vers lui souhaitant voir s'il avait remarqué sa réaction. Heureusement, il semblait ne voir en elle qu'une inquiétude pour lui, puisqu'il remit en place un morceau de son manteau sur sa plaie béante. Il cherchait à la protéger, cela ne fit aucun doute dans l'esprit de Niila.
Et elle devait faire de même. Sans rien ajouter, elle se remit à son ouvrage.

Ses mains tremblaient et l'état de ses doigts la faisait pâlir. Gonflés et rouges, trop longtemps meurtris par le froid et par l'humidité gelée. Elle eut beaucoup de mal à tenir la pierre de feu, ses gestes étaient imprécis et les secousses que subissaient ses doigts mirent sa patience à rude épreuve. Mais enfin, la première flamme apparut, et le crépitement qui suivit la rassura.
Soulagée, elle renfila ses gants non sans serrer les dents à nouveau, lorsque Wakumbë lui posa la question qu'elle attendait et à laquelle elle s'était bien évidement préparé. Des nouvelles du clan.
Imaginer les réponses et les donner en réalité étaient bien deux choses très différentes.
Elle se racla la gorge, pensant que sa voix retrouverait sa douceur habituelle, mais il n'en fut rien. C'est donc d'une voix basse mais rocailleuse qu'elle répondit sans oser le regarder:

- Quand je suis partie ce matin, nous décomptions déjà trois morts : Valdiä, Sifrim et Nymë. D'autres étaient toujours portés disparus...

Sa voix mourut alors que son regard se perdait dans les flammes dansantes à présent. D'un ton morne, elle reprit :

- La moitié de nos troupeaux sont décimés. Mako m'en a trouvé deux pour que je puisse partir, et Khilmari m'a aidé dans mes préparatifs pour ne pas perdre de temps. Je t'ai cherché toute la journée Wakumbë ( et elle le regarda à nouveau), alors je ne sais pas, peut-être que dans ce laps de temps, d'autres ont trouvé la mort.

Elle attendit quelques instants sa réaction le laissant digérer les nouvelles, puis se leva, continuant à assouvir sa liste de priorités pour leur survie à tous les deux.C'est bien tout ce qu'elle pouvait faire dans l'immédiat.  Ils pourraient parler encore, après, une fois que la chaleur et la nourriture ne seraient plus un lointain souvenir. Elle s'approcha du plus gros paquetage et en tira des vêtements chauds, empruntés à Khilmari, et deux épaisses couvertures. Les vêtements du chasseur ne pouvaient pas mieux tomber. Lui qui avait l'habitude de partir en chasse plusieurs jours, possédaient des vêtements solides et à toutes épreuves. Elle les déposa à côté du Chemenn et tandis qu'elle étalait une couverture sur le sol juste à côté pour qu'il puisse s'y installer après s'être changé, elle lui lança :

- Je vais aller chercher plus de bois pour la nuit. En attendant, tu peux essayer de te changer, je t'ai apporté des vêtements chauds....(elle eut un instant d'hésitation) Ils sont à Khilmari, je suis désolée ta tente était complètement ensevelie et je...je reviens vite.
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime28/1/2015, 20:20

La tristesse succéda à la douleur, mais alors que son cœur se serrait, il découvrit que cette peine était plus insupportable que la précédente. La souffrance avait-elle seulement une fin, une limite qu'elle ne pouvait pas dépasser ?


N'importe qui aurait compris avant même que Niila ne prononce le moindre mot. N'importe qui, en croisant son regard meurtri, en voyant ses épaules raidies par quelques visions funestes, aurait deviné la situation. Wakumbë connaissait la jeune femme par cœur, et il sut instinctivement que ses craintes étaient fondées. La jeune femme tenta bien de dissimuler son trouble et ses yeux humides, mais le Chemenn n'était pas dupe. Ses épaules s'affaissèrent, et il appuya la tête contre le mur de roche en fermant les yeux. Il ne savait pas encore qui avait péri dans l'avalanche, mais savoir que plusieurs de ses frères et sœurs avaient succombé lui serrait le cœur. Les Chilchakis étaient liés par quelque chose de fort et de sincère : quand l'un des membres disparaissait, qu'il ait été l'ami, le père, ou un inconnu, tous le pleuraient. Wakumbë sentait une tristesse indicible l'envahir, peine qui fut renforcée lorsque Niila énuméra les pauvres gens qu'il ne reverrait plus. Trois. Un chiffre si faible, et si grand à la fois... Valdiä comptait parmi ses connaissances : elle était la mère d'Elina et il avait eu l'occasion de lui parler à plusieurs reprises. Le visage de cette femme solide et raisonnable lui revint à l'esprit, et aussitôt il imagina la douleur de sa fille. Elina devait être effondrée. Mais ils l'étaient tous...

Toujours en prenant soin d'éviter de croiser son regard, Niila continua de résumer la situation du campement. Bien que cela l'horrifia aussitôt, Wakumbë fut soulagé d'apprendre que leurs proches avaient survécu. Mako, Mamaka et Khilmari s'en étaient tiré. Il n'était pas certain d'être capable de supporter la perte de son ami, ou de celle qu'il avait peu à peu considérée comme une parente. Bientôt, la jeune femme énonça une vérité qui fit paraître le froid plus glacial encore. Wakumbë rouvrit les yeux, et son regard se riva dans les flammes. Et si d'autres avaient trouvé la mort depuis le départ de Niila ? Le clan avait survécu à l'épreuve imposée par le dieu Hiver. Mais à quel prix ? Cette victoire en était peut-être une, elle prenait pour le moment une saveur bien amère. Il leur faudrait du temps pour se réjouir de s'être montré si braves.

Wakumbë remercia Niila d'une voix qui ne trahissait aucune émotion. Il devinait combien mettre des mots sur ces faits pouvait être difficile, lui-même en avait déjà fait l'expérience. Mais il ne ressentait plus rien qu'un froid avide, qui envahissait son corps, se glissant sous ses muscles, dans ses veines. La douleur s'était amoindrie, comme étouffée par la peine. Ses plaies étaient désormais d'une toute autre nature. A travers l'indicible tristesse qui l'entourait, Wakumbë comprit quelle chance ils avaient d'être en vie, Niila et lui. Un Chilchaki de naissance aurait sûrement pensé qu'ils avaient tout simplement su se montrer dignes de l'Hiver, mais le jeune homme était trop réaliste pour adhérer à ce genre d'explication. S'il croyait volontiers que l'Hiver possédait une volonté propre, il restait conscient du danger : l'homme le plus courageux et le plus digne du monde avait peu de chance de survivre dans le blizzard. Une part d'aléatoire subsistait dans chaque situation. Le simple fait que Niila soit passée près de son refuge tenait du miracle. Et sans qu'il puisse l'expliquer, cela contribuait à l'abattre. Ne devrait-il pas se réjouir d'être en vie ?

Soudainement amer, Wakumbë entendit la jeune femme annoncer son départ, mais se contenta de hocher la tête. Il se sentait incapable de dire quoique ce soit. Comme dans un rêve, il vit Niila disposer des vêtements propres à ses côtés, et il eut juste le temps de lâcher un : « Sois prudente » inquiet. Le sol enneigé était souvent instable après une avalanche, car la neige n'avait pas encore eu le temps de se fixer solidement sur la roche. Sans compter les bêtes sauvages qui pouvaient rôder, en profitant de l'obscurité pour chasser quelques proies étourdies. La jeune femme hocha sagement la tête avant de quitter la caverne. Son départ permit à la nuit naissante d'envahir la grotte, comme si Nilla emportait toute la lumière dans son sillage.

Resté seul, le jeune homme laissa s'écouler de longues minutes. Il se sentait incapable de faire le moindre geste, plus car son esprit semblait déconnecté de son corps que parce que ce dernier le faisait souffrir. Après s'être passé une main sur le visage – comme si ce geste allait chasser toutes ses idées sombres – Wakumbë entreprit de se changer. Dès qu'il bougea, son corps protesta. Grimaçant en sentant ses côtes protester tandis qu'il ôtait sa tunique, le jeune homme n'osait imaginer quelle épreuve ça allait être d'enfiler un nouveau pantalon. Une fois qu'il eut revêtu le pull que lui avait gentiment prêté Khilmari (quoique, il y avait fort à parier que le Chasseur n'ait pas été averti de cet emprunt...), le Chemenn fit rouler ses épaules pour l'ajuster. Hésitant, Wakumbë ne se sentait pas prêt à ranimer la douleur dans sa jambe. Il n'était pas sûr d'avoir le courage nécessaire pour le faire lui-même. Néanmoins, le jeune homme inspira un grand coup avant de passer à l'action.

Il lui fallut tout d'abord ôter le bandage, qui ceignait sa cuisse au-dessus de son pantalon élimé. Le tissu s'était collé à la plaie, et l'enlever lui arracha un cri. Mais il lui fallait faire vite : dans le même mouvement, Wakumbë s'allongea sur le dos et se cambra afin de faire glisser son pantalon jusqu'à ses pieds. Son corps entier manifestait son mécontentement, et il devait serrer les dents pour ne pas gémir alors qu'un poing s'enfonçait douloureusement sur son côté. Bien décidé à maudire les trappeurs Mésorians et leurs pièges barbares jusqu'à la fin de ses jours, le Chemenn noua les liens de son pantalon propre à sa taille. Alors il se laissa tomber sur la couverture que Niila avait eu la bonté de préparer. Sa joue s'enfonça un peu dans la laine, et il inspira profondément, réprimant un frisson alors que les derniers élancements s'éteignaient dans sa cuisse. La plaie avait cessé de saigner abondamment, et il n'avait pas eu le cœur se soigner tout seul : il n'aurait pu se prodiguer les soins nécessaires, surtout si la douleur faisait trembler ses mains. Ainsi Wakumbë s'était-il contenté de bander sa plaie avec le même tissu, qu'il avait retourné afin que ce soit la face « propre » qui soit en contact avec sa peau. Ce n'était pas grand chose, mais c'était là tout ce qu'il pouvait faire dans l'immédiat. A un moment où à un autre, il devrait rassembler son courage pour observer ça de plus près, mais ça ferait l'affaire pour l'instant.

Le renne le plus proche le regardait fixement avec un drôle d'air, et le jeune homme lâcha d'une voix fatiguée :

« Le spectacle est à ton goût, mon vieux ? »

C'est lorsqu'il entendit l'animal lui répondre « Oui, plutôt ! » que Wakumbë comprit qu'il était en train de sombrer.
Dormir lui fit du bien, même si ce repos lui parut trop court. C'est le raclement de bottes sur la roche qui le tira du sommeil, et il ouvrit aussitôt les yeux. La lumière du feu l'aveugla douloureusement, l'obligeant à cligner des paupières afin de s'y habituer. L'esprit encore embrumé, il subit tout à coup un afflux de souvenirs de ce que Niila lui avait dit plus tôt. L'avalanche, les disparitions, les tentes balayées, les rennes perdus. Tout ça s'abattit sur ses épaules d'un coup, en une sensation désagréable.
Il discerna la silhouette encore floue de Niila, et sourit alors qu'elle s'excusait, comprenant qu'elle venait de le réveiller. Wakumbë fit l'effort de se redresser sur les coudes, pour ne pas avoir l'air trop mal en point. La jeune femme avait visiblement réussi à trouver assez de bois sec pour alimenter leur feu toute la nuit, ce qui constituait un véritable exploit.

« Salut », dit-il simplement en frottant ses yeux pour achever de se réveiller. Si cela ne tenait qu'à lui, il aurait bien dormi encore une heure ou deux... ou plusieurs jours. Mais il refusait de paraître faible devant Niila, la jeune femme s'inquiétait bien assez comme ça.
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime28/1/2015, 20:58

Dehors le froid lui fouetta le visage, violemment, la ramenant avec cruauté à la réalité de survie précaire dans laquelle ils se trouvaient.
Étrangement, sortir de la caverne la soulageait presque. Maintenant que Wakumbë était au chaud, à l'abri, elle préférait ne pas avoir à fixer sa plaie béante, son regard triste après l'annonce des pertes du Clan.
C'était dur pour elle de savoir qu'elle vivait cela pour la deuxième fois, et c'était encore plus dur de voir Wakumbë dans cet état de deuil.
Niila ressentait sa peine, comme si elle était la sienne, et d'une certaine façon, c'était bien le cas.

La Lune montait déjà et la luminosité avait fortement baissé. Malgré ses doigts douloureux, elle entreprit de ramasser autant de bois que possible. Sa quête fut longue et fastidieuse et elle dut s'éloigner à plusieurs reprises de la piste de l'avalanche. Elle trouva un peu de bois sec et du bien moins sec qu'elle récoltât cependant. Il prendrait bien la peine de sécher à côté du feu.
Elle pensait désormais à ce qu'elle allait lui faire manger et surtout, à la façon dont elle allait s'y prendre pour préparer le repas, sans avoir à lui montrer ses mains. Il en serait horrifié.
Elle réfléchissait à tout cela, et parfois elle se perdait dans les méandres de ses souvenirs et pleurait.
Cela lui faisait pourtant du bien de ressentir enfin quelque chose.
A l'origine le problème était là. En dehors de l'amour paternel de Khilmari, elle ne ressentait rien.
Et voilà que subitement, elle se mettait à éprouver de l'amour pour Wakumbë. S'éveiller à de nouveaux sentiments la déstabilisait mais la rendait plus humaine aussi, elle se sentait plus « normale » qu'elle ne l'avait jamais été.
Cette tragédie que le clan rencontrait, allait dans ce sens et à sa grande honte, elle était heureuse de pouvoir ressentir aussi de la tristesse et de la peine, comme si son cœur depuis quelques mois s'éveillaient après une longue hivernation.

Elle pleura à cette idée, se jugeant horrible et insensible, de jugeant indigne de l'amour de Wakumbë qui la croyait si forte et si gentille. Il n'en était rien. Elle ne sait combien de temps elle resta prostrée dans la neige, mais lorsqu'elle releva ses yeux rouges, elle se dit qu'il était temps de retrouver l'homme qu'elle aimait et surtout vérifier dans quel état il se trouvait.
Le retour à la caverne fut laborieux, elle avait les bras lourds et chargés et la fatigue dansait devant ses yeux, mais elle ne pouvait abandonner.
La lumière bleuâtre de la sphère lui fit plisser les yeux, aussi, elle ne se rendit pas compte immédiatement que Wakumbë s'était assoupi.
Sur l'instant, elle panique songeant qu'il était peut-être mort, mais son corps se soulevait doucement au rythme de sa respiration et elle fut rassurée.
Cependant, lorsqu'elle lâcha sa cargaison de bois, ne pouvait plus y tenir, il s'agita et elle comprit qu'elle l'avait réveillé.

-Désolée murmura-t-elle, gênée.

Et comme il se redressait sur ses avant-bras, il lui lança un « salut » qui l'a fit sourire.
Lorsqu'ils dormaient ensemble, c'était souvent le premier mot qu'il prononçait lorsqu'elle ouvrait les yeux et qu'il la regardait.
Même si la plupart du temps, elle était réveillée bien avant lui et l'observait, un sourire sur les lèvres tandis qu'il dormait encore. Elle pouvait dessiner ses traits les yeux fermés à présent, les connaissant par cœur et les chérissant comme de véritables trésors.
Alors, parfois pour ne pas le lui montrer, elle s'empressait de faire semblant de dormir quand lui s'agitait et il croyait être éveillé avant elle.
C'était son secret à elle seule.

Un sourire amusé dessinée sur ses lèvres, elle lui répondit simplement ;

- Salut.

Et sans plus attendre, elle empila une grosse bûche sur le feu, avant d'installer les autres non loin, pour que la chaleur les sèche. Elle prit alors dans les paquetages la petite marmite et les deux bols, ainsi que la besace de nourriture. Son regard se posa sur ses gants alors qu'elle s'asseyait en tailleur non loin du feu, il allait falloir les enlever à nouveau. Elle se tourna de façon à ce Wakumbë ne puisse rien voir des préparatifs et surtout de ses mains et en serrant les dents, retira ses gants. La douleur lui fit fermer les yeux et souffler doucement tandis que les larmes pointaient aux coins de ses yeux.
L'état de ses mains était pire qu'avant sa dernière sortie. Toujours gonflés, rouge, l’œdème semblait avoir vaguement progressé.
Ses mains tremblantes se saisirent du premier légume qu'elle entreprit de couper grâce à la dague que Wakumbë lui avait offert. Le contact sur ses doigts ne lui plaisait pas, mais elle n'avait pas le choix.

Elle tourna son visage vers Wakumbë et se força à sourire pour le rassurer.

- Le repas sera bientôt prêt, tu devrais te couvrir plus avec la seconde couverture. Après, tu pourra dormir.

Son ton aurait pu lui paraître un peu froid, mais étant donné tous les efforts qu'elle faisait pour ne pas laisser paraître ses faiblesses et sa douleur, elle ne s'en rendait pas vraiment compte.
L'important était qu'il aille bien, l'important était qu'il survive.
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime30/1/2015, 08:51

Silencieusement, Wakumbë observa la jeune femme commencer les préparatifs. Elle empila les bûches de manière à ce qu'elles sèchent plus facilement, ranima le feu, sortit de quoi préparer un dîner de fortune. Le Chemenn était impressionné de voir comment Niila gardait le contrôle de la situation, avec un calme inébranlable. Sans doute faisait-elle autant d'efforts que lui pour ne rien laisser paraître de son trouble et de son inquiétude, mais il ne pouvait en être certain. Dans le fond, il avait toujours su que Niila se révélerait dans un moment critique, un jour ou l'autre : il était simplement triste que cela soit arrivé dans de telles circonstances.

De temps à autre, le jeune homme croyait deviner des tremblements parcourir l'échine de la petite potière, mais cela n'avait rien d'étonnant. La journée avait été éprouvante, Niila avait au moins une bonne centaine de raisons pour être fatiguée ou terrifiée. Lui-même n'en menait pas bien large. Il était simplement plus doué pour cacher ses émotions, car il le faisait depuis plus longtemps qu'elle... Une part de lui s'en voulait de cacher à Niila ce qu'il ressentait vraiment, mais l'autre moitié de son esprit savait qu'il ne supporterait pas de lui causer encore plus de tristesse ou d'inquiétude. Lui dissimuler son état était une manière comme une autre de l'aider. C'était pourquoi il s'efforçait de sourire calmement en prenant un ton rassurant, alors que s'il l'avait pu, il aurait demandé à rentrer au campement immédiatement pour essayer d'y aider. Mais la nuit, la neige et le froid les en empêchait, les obligeant à demeurer ici jusqu'au lendemain, sinon plus.

Wakumbë était particulièrement agacé – voire furieux – de son état d'infirmité avancé. Ne pas pouvoir se lever ou marcher par lui-même l'avait toujours mis dans une colère sombre, les quelques fois où il avait été immobilisé de force. Une fois enfant, après s'être ouvert la plante du pied sur un rocher, une autre fois un peu plus âgé, après être tombé d'un arbre et s'être cassé la jambe. Et une troisième, alors qu'il devait être un jeune adulte, où il s'était amusé à jouer avec une poignée d'enfants Chilchakis, et s'était foulé la cheville en glissant sur la neige. Tous les gosses avaient bien rigolé ce jour-là. Lui, un peu moins.
Mais cette fois-ci était différente. Ses blessures mettraient un temps considérable à guérir, et cette idée ne l'enthousiasmait guère. Tant de gens avaient besoin de lui au campement ! Il était leur Chemenn après tout. La personne chargée d'écouter les uns et de conseiller les autres, c'était lui. Et il y avait fort à parier que nombreux seraient ceux qui auraient besoin de réconfort ou d'une oreille attentive à leur retour.

Poussant un soupir en se passant une main sur le visage, il fut tiré de ses pensées sombres par la voix de Niila. La jeune femme commençait à trancher des légumes et, face au feu, elle lui tournait le dos, de sorte qu'il ne voyait que sa silhouette. Mais elle prit la peine de tourner le visage vers lui et de lui sourire, comme pour le rassurer.

Wakumbë était attendri par la manière dont elle veillait sur lui, mais également agacé. Son amour-propre était déjà froissé à l'idée d'être descendu si bas, mais si Niila commençait à le materner, son orgueil n'y survivrait pas. Les intentions de la jeune femme étaient louables, il n'en doutait pas un instant ! Mais il ne pouvait tout simplement pas accepter de rester là à ne rien faire. Il était blessé, par Eliwha ! Pas impotent. Le ton froid et impératif de la petite potière le conforta dans son choix, ainsi se força-t-il à sourire en prenant une voix apaisée et aimable, comme pour inciter Niila à le croire :

« Ça va très bien, je t'assure. Tu veux que je t'aide pour quelque-chose ? »

Il s'attendait à ce que la jeune femme accepte en souriant, mais au lieu de cela, il vit nettement ses épaules se raidir, et son ton était encore plus dur quand elle refusa sa proposition, en lui assurant qu'elle pouvait sans charger seule et que le plus important était qu'il se repose. Étonné, Wakumbë haussa les sourcils avant de ricaner en répondant :

« Je ne suis pas en sucre, tu sais. Je peux bien t'aider à couper quelques légumes, il ne va rien m'arriver. » Il ajouta presque aussitôt : « De nous deux, c'est toi qui a le plus de chances de te blesser avec ce couteau, je te signale. »

Mais son ton avait était cassant, bien plus qu'il ne le pensait. Wakumbë était reconnaissant à Niila de l'aider du mieux qu'elle le pouvait, mais pourquoi insistait-elle pour qu'il se sente si mal ? La fatigue, la peur et l'éreintement prenaient le contrôle de ses mots, de sorte qu'il avait parlé sans réfléchir. Mais il était trop agacé pour s'en repentir, maintenant. D'une manière ou d'une autre, il fallait que ce trop plein de tristesse et de colère sorte. Cela faisait trop mal.
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime30/1/2015, 10:35

Occupée à préparer le repas et surtout à masquer sa douleur, Niila ne se rendait pas compte de son attitude austère et froide.
Le ton de sa voix avait changé et sa posture se raidissait tout autant que ses dernières forces.
Elle devait tenir le coup, jusqu'à leur retour au campement, alors seulement, elle se laisserait aller et pourrait à son tour se reposer et se soigner.
Pourtant, Wakumbë persistait à vouloir l'aider, comme un enfant récalcitrant que l'on tâche d'éloigner mais qui persiste à vouloir s'incruster.
D'un ton sec, elle lui indiqua ne pas avoir besoin de lui. Par Eliwha, quelques heures auparavant il ne tenait même pas debout, et quand elle était revenue dans la caverne, il dormait !
Comment pouvait-il seulement tenter de lui faire croire qu'il allait bien...C'était stupide.

Niila s'agaçait, mais à bien y réfléchir, peut-être était-ce dû au fait qu'elle ne souhaitait pas qu'il s'approche, qu'il remarque alors l'état de ses mains.
Elle ne voulait pas qu'il puisse faire un commentaire ou quoique ce soit à ce sujet. Elle en vint à réellement regretter de l'avoir réveillé. Au moins aurait-elle pu avoir une plus grande marge de manœuvre s'il dormait.
Elle se sentait oppressée, comme un animal contraint de se camoufler et de se recroqueviller dans un coin pour ne pas être vu.
Plusieurs fois, elle tacha de se détendre et de se raisonner. La fatigue, les émotions et la souffrance pouvaient sûrement produire ce genre d'effet, Wakumbë n'y était pour rien.

Pourtant lorsqu'il reprit la parole, se moquant d'elle avec acidité sur sa maladresse, elle tourna vers lui des yeux sombres emplis d'une colère soudaine.
Oui elle était maladroite, encore plus avec des doigts gonflés par le froid et douloureux par la glace.
Ses paroles la blessèrent véritablement, elle qui essayait de faire de son mieux pour qu'il se remette rapidement afin que le trajet de retour se fasse dans les meilleures  conditions possible.
Furieuse, elle se leva d'un bond et jeta dans sa direction le navet qu'elle était entrain d'éplucher avec difficulté.

Elle remit le petit couteau dans son étuis et le lança à sa suite :

- Coupe-les tes légumes alors ! Débrouille toi !

Elle serra les poings avant de lâcher un juron de douleur et de rapidement relâcher la pression de ses doigts. Et puis sans attendre son reste, elle attrapa la petite marmite et se dirigea vers la sortie.
Dans son urgence de quitter les lieux, elle en oublia ses gants et envahie d'une colère froide, jeta la marmite dehors avant d'exploser littéralement dans la neige.
De ses bottes, elle cogna à plusieurs reprises dans les mottes immaculées qui commençaient déjà à geler à cause de la nuit. Elle hurla plusieurs fois, déversant sa colère à travers le ciel étoilé et à nouveau pleura toute sa rage et sa détresse, sans se soucier une seule seconde de ses cheveux s'emmêlant dans le vent, de ses vêtements recouverts du manteau blanc.

Ses jambes et ses épaules étaient douloureuses, mais elle ne s'arrêta pas pour autant, cognant encore et encore les reliques de cette avalanche qui semait le trouble dans son esprit pour la deuxième fois de sa vie.
Comme elle la haïssait alors et comme elle voulait le lui dire !
Et puis, à force de s'agiter en tous sens, elle finit par se calmer, éreintée. Ses doigts avaient viré au blanc, presque bleu et c'est seulement lorsqu'elle tenta de les faire bouger qu'elle se rendit compte avec horreur qu'ils commençaient eux aussi à geler. Pourquoi ne sentait-elle plus rien  en dehors d'une douleur diffuse et pénible à supporter ?
Avec ses paumes, elle récoltât suffisamment de neige pour préparer un bouillon et rentra dans la chaleur de la caverne.
Elle ignora royalement Wakumbë et déposa la marmite sur le feu. Si elle lui parlait maintenant, elle risquait de lui dire des choses qu'elle ne pensait pas.
La colère hurlait encore en elle, et elle ne souhaitait pas que la tempête s'étende dans le foyer qu'elle s'évertuait à recréer.
Aussi, elle reprit le fil de ses préparatifs en retournant vers le paquetage pour récupérer la viande. Mais elle s'agaça à nouveau en tentant de défaire le tissu dans lequel elle était enveloppée. Ses doigts ne lui obéissaient plus, et elle soupira avec hargne avant que le paquet ne lui échappe des mains.
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime30/1/2015, 22:48

La seule fois où il avait pu voir Niila en colère, ç'avait été dans la source. Ils étaient alors hésitants et incertains quant aux sentiments qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre, et cette gêne les avait conduit à une confrontation courte mais nécessaire.
Wakumbë se rappelait la manière dont la jeune femme l'avait éclaboussé, comme si elle souhaitait le frapper avec quelque chose et que la seule arme à sa portée avait été l'eau de la source. Le Chemenn n'avait pas été inquiet alors, et il ne l'était pas plus aujourd'hui. La colère Niila, plutôt que de le calmer, attisait sa propre amertume. Le sursaut d'orgueil qui l'avait animé un peu plus tôt se muait en une véritable colère, qui rejoignait celle de la jeune femme. Il était effrayant de voir comment les choses pouvaient déraper aussi vite, et avec autant de simplicité. Wakumbë n'avait pas eu conscience de la portée de ses mots, et celle-ci ne lui apparut pas non plus quand Niila se retourna, manifestement au moins aussi énervée que lui.

Le jeune homme aurait du être surpris de voir une telle blessure dans les yeux sombres de la petite potière, qui brillaient comme deux plaies béantes sur son visage pâle. Mais le néant qui les habitait fut bientôt rempli par une rage brûlante, et elle lui balança à la figure des objets qu'il ne reconnu pas aussitôt. Wakumbë avait levé les mains devant son visage en obéissant à un réflexe, mais les projectiles s'échouèrent à ses pieds. Alors qu'il baissait les yeux et reconnaissait un navet ainsi que le couteau qu'il avait offert à Niila, cette dernière avait déjà quitté la caverne. Furieux d'être traité de la sorte, le jeune homme lança :

« Ah, comme c'est mature ! Félicitations ! »

Lui-même se conduisait comme un parfait crétin, mais il était trop remonté pour s'en rendre compte.  Resté seul dans la grotte, il fulmina dans son coin, grommelant tout en s'efforçant de se calmer. Mais une part de lui appréciait ce soudain éclat : il lui permettait de laisser la pression s'échapper de son corps meurtri. Toute fatigue l'avait quitté. Il crut entendre des cris de rage provenir de l'extérieur, mais le jeune homme n'aurait pu en être certain. Peut-être était-ce simplement le vent qui jouait dans les branches des rares sapins à tenir encore debout. Wakumbë avait nettement vu Niila s'engouffrer dans la nuit en envoyant balader la marmite, qui s'était échouée à l'entrée de la caverne. Étrangement, la colère de la jeune femme ne faisait qu’accroître la sienne, et c'était un peu comme s'ils s'étaient mis d'accord pour se faire la tête et lâcher les vannes. C'était peut-être stupide, mais le Chemenn était assez fier d'avoir réussi à mettre Niila dans cet état. Stupide et cruel. Mais cela faisait de bien de sentir qu'il pouvait encore avoir un impact sur quelque chose.

Rongeant son frein, Wakumbë resta plusieurs minutes adossé contre la roche, boudant. Ça aussi, c'était bien bête. N'empêche qu'il boudait. Il se nourrissait de son orgueil meurtri, de son amertume, comme certains se nourrissaient de bais. Et il se permettait d'accuser Niila d'immaturité...
Mais plus les minutes passaient, plus il s'inquiétait. Il avait beau être furieux contre la jeune femme, il était davantage agacé par la manière dont elle se comportait avec lui. Depuis combien de temps était-elle sortie ? Wakumbë se demanda si elle avait pu se perdre dans l'obscurité, et ne pas retrouver le chemin de la grotte. Le soucis envahissait sa poitrine, grignotant un peu de la colère qui grondait toujours en lui. Bientôt, il se retrouva à pianoter nerveusement sur son genoux valide, mordillant ses lèvres en fixant l'entrée de la caverne, espérant y reconnaître une silhouette familière. S'il était arrivé quelque chose à Niila à cause de sa bêtise, il ne se le pardonnerait jamais.

Comme le temps passait, Wakumbë sentit l'inquiétude se changer en réelle peur. Il tenta de se lever, mais n'en eut pas la force. Quand il voulut avancer, toujours assis, ses côtes protestèrent. Cela ranima sa colère, et un juron lui échappa tandis qu'il frappait le sol de son poing. Fermant les yeux, il souffla sur une mèche qui avait glissé devant son visage, et se rassit sagement. Il allait crier pour demander à Niila de revenir : peut-être était-elle encore dans les environs après tout ? S'il s'excusait – sans en penser un mot, certes – elle acceptait peut-être de revenir au chaud ?
Réveillés par les cris que les deux Okanakis avaient échangé, les rennes fixaient Wakumbë avec insistance, manifestement outrés d'avoir été perturbés dans leur sommeil. Agacé, le jeune homme s'apprêtait à appeler Niila lorsque celle-ci fit son apparition. Aussitôt, il referma la bouche qu'il venait d'ouvrir, et croisa les bras sur sa poitrine en détournant les yeux, cachant son soulagement du mieux qu'il le pouvait. Une part de lui fut outrée de constater que la jeune femme l'ignorait délibérément. Comment osait-elle ? C'était lui qui devait être en colère !

Les vêtements de Niila étaient recouverts de neige, signe qu'elle avait du déverser sa colère sur les restes de l'avalanche. Elle poussa quelques cris étouffés que Wakumbë entendit à peine, trop froissé pour faire l'effort de lui prêter la moindre attention. Il était décidé à l'ignorer pour un bon moment. Elle voulait jouer à ça ? Il était bien plus doué qu'elle !
Buté, il fit semblant de ne pas remarquer la raideur et la maladresse de Niila, probablement due à son agacement. Alors qu'elle bataillait pour ouvrir un paquetage, le jeune homme ricana. Puis il prononça quelques mots :

« Bon, écoute. On devrait... »

Mais il fut brutalement interrompu : Niila avait levé une main impérative, signifiant qu'elle refusait de l'entendre. Ou qui pouvait aussi vouloir dire : « Tu ferais mieux de ne rien dire si tu tiens à ton dîner ». A nouveau, Wakumbë se tut. On ne lui avait pas rabattu son clapet comme ça depuis sacrément longtemps. Il avait presque oublié quelle sensation ça faisait... Blessé dans sa dignité d'homme et de Chemenn, il s'enfonça alors dans un mutisme froid et boudeur. Il avait beau détester qu'on le considère seulement en fonction de son statut, être traité de la sorte faisait tout de même un choc.

Son sale caractère refaisait surface avec un naturel stupéfiant. Désœuvré, il laissa son regard balayer les alentours. Que pouvait-il faire ? Il entreprit d'éplucher le navet que Niila lui avait si élégamment balancé à la figure. C'était peu, bien sûr, mais bien assez pour qu'il se sente un peu moins inutile. La sensation d'être un fardeau disparut peu à peu, chassant la colère : ne demeurait que l'amertume. Il commençait à comprendre à quel point il s'était montré grossier envers Niila, mais dès que cette idée l'effleurait, son orgueil blessé la chassait aussitôt, refusant d'admettre ses torts. Tout en taillant le légume, Wakumbë coulait un regard vers la jeune femme, de temps en temps. Celle-ci l'ignorait toujours, et il se demandait s'il était allé trop loin. Et si elle ne lui pardonnait pas ? Si elle ne l'aimait plus ? Mais de la même façon que pour le reste, son orgueil prenait le pas sur toute décision raisonnable, et il ne se résolvait pas à prononcer la moindre excuse. C'était un peu de sa faute à elle aussi, non ?

Quand il eut achevé d'éplucher le navet, Wakumbë le lança auprès de la marmite, sur une motte de neige fraîche que Niila avait rapportée. Il allait faire une remarque sarcastique (quelque chose comme : « Tu vois, je suis toujours entier ! ») mais y renonça tout à coup, se contentant de fixer la jeune femme avec insistance. Niila tourna le visage dans sa direction en arquant un sourcil, l'air glacial, et aussitôt Wakumbë détourna la tête en croisant les bras. Du coin de l'oeil, il guettait sa réaction comme un enfant fautif vérifie que l'adulte lui a pardonné sa bêtise. Mais Niila ne fit aucun commentaire et recommença à l'ignorer.
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime31/1/2015, 17:36

La colère grondait toujours au fond de Niila. Et ce satané paquet impossible à défaire n'arrangeait pas les choses. A force de persévérance et de volonté, elle finit par réussir à récupérer la viande et s'approcha à nouveau du feu.
Ni Wakumbë, ni elle n'osaient parler. Certainement trop occupés à ressasser les derniers événements, le silence qui régnait n'était peut-être un pas tort.
Pourtant, elle entendit parfaite le petit rire qu'il émit lorsqu'elle cherchait à ouvrir le paquet et cela acheva de mettre le feu à son agacement.
Lorsqu'il ouvrit la bouche pour proposer ce qui ressemblait à un début de paix, elle leva la main, lui intimant de se taire.
Le geste était fort et le Chemenn le comprit immédiatement. Il se tut et Niila fut soulagée. En réalité elle avait peur, elle était mortifiée.
Quelles paroles terribles pourrait-il bien prononcer ? Qu'il ne voulait plus la voir ? Qu'il regrettait sa présence ? Qu'elle aurait mieux fait de mourir dans cette avalanche comme toute sa famille dix ans auparavant ?

Ses pensées entraient dans un réel conflit qu'elle ne saisissait pas, tout ceci possédait une portée bien trop grande pour elle. La colère de ne pas se sentir à la hauteur et d'être réellement handicapée avec ses doigts meurtris se confrontaient à son amour pour Wakumbë, qui n'hésitait pourtant pas à agir comme un enfant entêté et boudeur.
Elle se sentait coupable de ne pouvoir lui offrir ce qu'il souhaitait, mais son inquiétude dépassait de loin son entendement à ce niveau là.

Le silence persistait cependant, comme s'il pouvait offrir une accalmie aux amoureux fâchés. Mais au lieu d'apporter un quelconque réconfort à Niila, il l'oppressait. 
Complètement perdue, la jeune femme ne savait plus ce qu'elle voulait et la panique de ne pas faire les choses correctement s'immisçait lentement en elle. Le mouvement de Wakumbë la tira de ses pensées sombres et le navet qu'il avait épluché atterrit à quelques centimètres de la jeune femme. Une sorte de juste retour à l'envoyeur.
Elle plaça la neige dans la marmite et y ajouta le navet ainsi que la viande. C'est alors qu'elle se rendit compte que le jeune homme la fixait avec intensité. Elle releva son regard et leurs pupilles se croisèrent alors qu'elle haussait un sourcil dans l'incompréhension la plus totale.
Qu'allait-il dire ou faire ?  Et s'il la rejetait ? Mais contre toute attente, il finit par croiser les bras et se remit à bouder dans son coin.

Niila soupira et rajouta un bout de bois dans le feu. Ses mains la faisaient toujours souffrir sauf que cette fois-ci elle n'hésitait plus à les regarder. Grâce à la lumière du feu, elle put se rendre compte de l'étendu des dégâts, du moins en partie. L'aspect bleuté tendait à disparaître en prenant une teinte un peu plus grisâtre. Ses doigts étaient toujours enflés et lorsqu'elle touchait leur pulpe, l'étrange sensation de douleur diffuse persistait, masquant toute autre ressenti.
Elle fit l'effort en serrant les dents, de presser ses doigts les uns contre les autres, pour être bien sûre de ce que son corps lui dictait, et le résultat lui fit peur.
Aucune autre sensation en dehors de la douleur ne s'exprimait.
Et si elle ne pouvait plus jamais rien ressentir ? Si elle ne pouvait plus faire de poterie ? Si son infirmité restait ?
Elle posa un œil sur la jambe de Wakumbë masquée par la couverture. En guérirait-il ? Elle espérait que oui.

La neige avait fondu dans la marmite et déjà un fumet chargé effluves de viande se propageait dans la caverne, mais il leur restait quantité de légume à y plonger, et Niila n'avait plus la force de masquer ses souffrances et ses peines. En vérité, elle n'avait plus la force de rien. Sa colère avait brûlé les dernières quantité d’énergie qu'elle possédait en réserve et elle se sentait à présent vide et désœuvrée.
Elle se releva et saisit entre ses deux paumes le sac en toile contenant le reste des légumes, puis s'avança vers le jeune homme. Elle n'osait cependant pas croiser le regard, ignorant totalement comment se comporter dans ce genre de situation.
Elle s'accroupit à son niveau et laissa tomber le sac à côté de lui.

- Tu peux couper le reste s'il te plaît...je...

Elle marqua une pause, réfléchissant à ce qu'elle devait dire et ne trouvant pas acheva dans un soupir :

- Rien, laisse tomber.
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime31/1/2015, 18:38

Par l'ouverture de la grotte, on voyait déjà des volutes de poudreuse soulevées par les bourrasques, tâches immaculées dans la nuit noire. La neige avait certainement déjà du commencer à geler comme la température continuait à baisser. Wakumbë se demanda comment le clan se préparait à affronter ces heures qui s'annonçaient des plus difficiles. Avaient-ils de quoi monter une tente pour abriter les blessés, de quoi faire du feu et se nourrir ? Le jeune homme songea aussitôt au troupeau de rennes décimé par l'avalanche : les Chasseurs avaient probablement pu dépecer quelques bêtes afin de nourrir les survivants du clan. Au moins, ils ne manqueraient pas de viande. Mais s'ils n'avaient pu trouver de bois sec... Wakumbë préférait ne pas imaginer ce qui attendait les Chilchakis s'ils n'avaient pas de feu pour affronter la nuit.

Alors qu'il était perdu dans ses pensées, fixant le vide sans le voir, le Chemenn fit ramené à la réalité par l'odeur agréable qui se dégageait déjà de la marmite. Le jeune homme se souvint tout à coup qu'il n'avait rien avalé depuis la veille, hormis une poignée de baies. Son estomac se rappela aussitôt à son bon souvenir tandis que le fumet de la soupe parvenait à ses narines. Sentant son ventre gargouiller, Wakumbë croisa les bras sur son estomac en s'efforçant d'en atténuer les protestations, mortifié. Mais manifestement, si Niila avait entendu quelque chose, elle n'en montrait rien. La manière dont la jeune femme l'ignorait continuait de l'agacer, mais sa colère avait disparue et il pouvait désormais constater la futilité de son orgueil meurtri. Il s'était conduit de manière parfaitement ridicule, Wakumbë en avait conscience. Mais il restait trop fier pour l'avouer à voix haute ou s'excuser, de sorte que la situation ne dégelait pas. A plusieurs reprises, il fut sur le point de dire quelque chose, mais le souvenir de la manière dont Niila l'avait interrompu un peu plus tôt ressurgissait et le dissuadait de s'entêter de la sorte. A quoi bon ? Mieux valait attendre que les choses se tassent. Ils étaient tous les deux à cran.

Le Chemmen ne semblait pas être le seul à être abandonné par sa colère. La petite potière donnait l'impression d'être soudainement vidée de toute amertume. Si Niila continuait à l'ignorer, ses gestes se faisaient plus lents, moins précis, signe qui ne trompait pas. Elle était éreintée, ne parvenait plus à tenir la longueur. Wakumbë fut saisi par une bouffée de remords : elle s'efforçait de lui sauver la vie, malgré sa fatigue, sa peur, et comment est-ce qu'il la remerciait ? Aussitôt, le jeune homme se traita d'imbécile, de crétin, et de tout un tas d'autres choses. Comme il se détestait, à cet instant ! Trop honteux pour s'apprécier, trop lâche pour s'excuser. La moitié d'un homme de bien, et à peine... que pensait Eliwha de son comportement ? Comme la déesse devait avoir honte de son Chemenn !

Perdu dans ses pensées, Wakumbë n'entendit pas Niila s'approcher. C'est lorsqu'elle fut accroupie devant lui qu'il remarqua sa présence et tourna le visage dans sa direction, ne sachant à quoi s'attendre. Était-elle venue là pour le gifler ? Pour lui faire remarquer à quel point il était injuste et ingrat envers elle ? Mais au lieu de cela, la jeune femme laissa tomber le sac contenant le reste des légumes, et prononça quelques mots sans le regarder. Wakumbë ne pouvait quitter des yeux sa figure pâle, ses yeux couleur topaze qui semblaient avoir vu quelques démons. Il fut choqué par la fatigue qui se lisait sur son visage marqué par de profondes cernes bleuies, avant de constater son erreur. Niila n'était pas simplement fatiguée : elle était vidée. Le moindre geste menaçait apparemment de la faire tomber. Il crut un instant qu'elle allait lui livrer les raisons de cette subite défaillance, et fut déçu, sinon blessé, quand Niila fit marche arrière en renonçant à ses explications. Mais à nouveau, Wakumbë s'en voulut : de quel droit pouvait-il s'attendre à de telles confidences, après tout ce qu'il lui avait dit ? Mais son cœur s'était serré. Quelque chose s'était brisé entre eux, la confiance tacite qu'ils s'accordaient l'un l'autre semblait s'être amoindrie, et il ignorait combien de temps les choses mettraient pour revenir à la normale. Cette relation là n'était pas naturelle, et elle les faisait souffrir tous les deux. Tout ça par sa faute...

Mais tout à coup, les yeux de Niila se fermèrent contre son gré tandis qu'elle perdait l'équilibre, menaçant de s’effondrer. Le jeune homme tendit les bras pour l'empêcher de chuter, la retenant par les épaules, l'accompagnant avec douceur et inquiétude tandis qu'elle s'adossait à la roche. Niila prétexta qu'elle pouvait se débrouiller seule, mais Wakumbë ignora ses faibles protestations. Il ne prononça pas le moindre mot, ne s'y autorisant pas. La honte brûlait toujours ses joues, il espérait que cela ne se voyait pas trop. Tandis que Niila s'adossait plus confortablement sur les couvertures, poussant un soupir de soulagement, il attrapa un navet et entreprit de l'éplucher. Les yeux baissés sur ses mains, il s'efforçait d'ignorer les centimètres qui séparaient leurs épaules. Ces quelques centimètres lui apparaissaient comme la plus cruelle des barrières, et contribuait à lui faire croire que quelque chose s'était brisé.

Wakumbë aurait voulu pouvoir rassurer la jeune femme femme, lui dire que oui, bien sûr, il pouvait se charger de cette corvée sans problème. Lui chuchoter : « Tu n'as pas à tout faire toute seule ! » d'un ton confiant et aimant. Mais il ne put prononcer le moindre mot. Il ne voyait pas qu'il se comportait envers Niila exactement comme elle l'avait fait pour lui un peu plus tôt : surveillant le moindre de ses mouvements, veillant à ce que sa respiration reste régulière, guettant la moindre grimace douloureuse. A coup sûr, la jeune femme souffrait, mais il ignorait quelle en était la cause. Leur dispute ? Non... cela semblait être physique. Mais il ne parvenait pas à en découvrir l'origine. Cela l'inquiétait d'autant plus. Niila était-elle gravement blessée, et prenait-elle sur elle pour le lui cacher ?

A un moment, ses pensées l'empêchèrent de se concentrer sur ses gestes, et le navet qu'il épluchait lui échappa. Le légume roula sur le sol auprès de Niila, mais la jeune femme ne fit pas le moindre geste pour le ramasser : elle conserva les bras croisés sur son torse, détournant délibérément les yeux pour ne pas croiser les siens. Ne sachant trop comment l'interpréter, Wakumbë récupéra le légume en s'excusant machinalement quand ses doigts frôlèrent le genoux de la jeune femme, avant de reprendre son ouvrage, mortifié. Il ne savait vraiment plus comment comprendre les choses. Comme il ne pouvait plus supporter le silence pesant qui envahissait la caverne, uniquement rompu par les crépitements du feu, Wakumbë finit par lâcher :

« Merci... »

Il ignorait pour quoi il la remerciait exactement. De prendre soin de lui ? D'avoir été persuadée qu'il avait survécu à l'avalanche, de l'avoir cherché, trouvé ? Le jeune homme mourrait d'envie de s'excuser, mais il ne trouvait pas les mots. Il était plus facile de parler pour blesser que pour reconnaître ses torts...

« ...et pardon pour tout le reste. »
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime1/2/2015, 11:48

Alors qu'elle s'accroupit, Niila sent les vertiges qui l'assaillent. Elle n'a rien avalé depuis la veille et elle à dépensé beaucoup d'énergie dans la journée. Si elle pensait que la volonté lui suffirait à avancer, il lui semblait évident à présent que son corps protestait. Elle n'en pouvait plus.
Le temps de fermer les yeux quelques instants, comme pour se concentrer sur ce qu'elle avait encore à faire, comme pour donner un nouveau souffle à son organisme, elle ne se rendit même pas compte qu'elle vacillait.
Heureusement, Wakumbë s'en rendit compte et l'a rattrapa comme il le put par les épaules, la guidant doucement afin qu'elle puisse s'adosser à la roche, à côté de lui. Elle balbutia qu'elle pouvait se débrouiller seule, mais la vérité c'est qu'elle ne le pouvait plus.
Depuis quand éprouvait-elle autant d'orgueil à ne plus vouloir qu'il l'aide ? Était-ce d'ailleurs bien de l'orgueil ? Pourquoi se sentait-elle obligée de tout faire ?
La plaie de Wakumbë lui apparut en mémoire et la fit grimacer. Elle était terrorisée à l'idée que le moindre mouvement du jeune homme pourrait déclencher une hémorragie.
La simple idée de le voir mourir entre ses bras sans qu'elle puisse rien y faire lui serrait le cœur.

Le jeune homme ne parla pas, et entreprit d'éplucher les autres légumes, comme elle le lui avait demandé. Niila tourna la tête, évitant autant que possible son regard qu'elle ne supporterait pas.
Sa colère s'était dissoute, mais la douleur persistait. Elle commençait à se demander si cette catastrophe n'était pas entrain de les séparer alors qu'ils auraient dû s'unir un peu plus.
Toutes ses pensées l'étouffaient et lui faisait du mal, et pendant ce temps, elle entendait le bruit de la lame, tranchant la peau épaisse des légumes, du crépitement du feu et du bouillonnement léger de la soupe.
Elle aurait voulu se rassurer sur ses propres blessures aussi bien physique que mentales mais ne voulait pas ajouter à ce qu'éprouvait déjà le Chemen. Aussi, elle se tut et profita de sa posture et de la chaleur émise par la couverture autant que par la proximité de Wakumbë pour essayer de se reposer quelques instants.

Et puis, il laissa échapper le navet qu'il tenait entre les doigts et comme Niila ne bougeait pas, il s'excusa en le ramassant. Mais la vérité c'est que si elle effectuait un simple geste envers ce légume maintenant, elle ne pourrait en supporter la douleur. Ses mains la faisaient de plus en plus souffrir, leur brûlure s'éveillait au fur et à mesure que le temps passait et elle n'avait pas la moindre idée de comment se soulager.
Au campement, ils possédaient des mixtures grasses très efficaces contre les engelures et autres joyeusetés hivernales, mais dans l'urgence, dans la panique, elle n'avait songé qu'à Wakumbë et à sa volonté de le sauver. Les crèmes étaient restées ensevelis, et Niila en pâtissait désormais.

Elle expira doucement, tachant de contrôler son corps qui d'un coté lui demandait du repos, mais dont la douleur l'en empêchait. C'est à ce moment qu'elle entendit ses mots faibles. Un « merci » qu'elle ne sut comment interpréter, mais qui lui fit tourner la tête dans sa direction de surprise.
Après tout ce silence, après toutes ses émotions négatives déversées comme un raz de marée, il osait la remercier. Mais pour quoi ?

Elle le fixa un moment sans trop savoir comment réagir et son trouble s'accentua lorsqu'il lui demanda pardon juste après.
La douce chaleur habituelle qui les rapprochait apparut à nouveau dans sa poitrine et elle sut alors que quoi qu'il puisse arriver, elle ne pourrait lui en vouloir. La tension s'apaisa un peu à travers le silence qui suivit. Niila se sentait bien mieux, pas tant parce qu'il s'était excusé, elle se sentait très certainement aussi coupable que lui, mais parce qu'il faisait un pas vers elle lui prouvant ainsi qu'il l'aimait toujours. N'est-ce pas ?

Il lui jeta un coup d'oeil en coin et détourna rapidement le regard comme s'il avait honte. Mais honte de quoi ? Lui au moins était capable d'échapper à sa propre colère, à relativiser lorsqu'elle s'enfonçait dans des pensées sombres et sans fin.
Elle soupira de soulagement et posa sa tête sur l'épaule de Wakumbë, se gavant de la chaleur qu'elle dégageait.

- Je suis aussi coupable....je ne t'ai pas tout dit, murmura-t-elle.

L'épaule du Chemen se relevait au rythme de sa respiration et Niila ferma les yeux un moment, se souvenant avec force de toutes leurs nuits partagées, où elle avait pu dormir tout contre lui, humant son odeur, se gorgeant de sa chaleur et de sa force. Comme elle aurait souhaité pouvoir en vivre d'autres....Mais leur situation était encore précaire pour le savoir.
Si le temps ne leur permettait pas de rentrer dès le lendemain, ils ne pourrait pas survivre longtemps.

Les yeux toujours clos, elle décroisa les bras et leva lentement les mains dans ce qu'elle supposait être la direction du jeune homme.
Prenant une forte expiration elle lâcha platement :

- Je ne voulais pas t'inquiéter mais...je ne sens plus mes doigts.

Et sur ses mots, elle tourna légèrement la tête, essuyant sur son épaule une larme naissante, oscillant entre soulagement et souffrance.
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Au moment où il lui présentait ses excuses, Wakumbë ignorait de quelle manière la jeune femme allait réagir. Il avait assez de recul sur son comportement pour voir à quel point il s'était montré grossier et ingrat, de sorte qu'il n'aurait pas été étonné que Niila refuse de le pardonner aussi facilement. Cela n'aurait été que justice, et il l'aurait accepté sans broncher. Plus que le pardon, le jeune homme recherchait davantage la certitude qu'il s'efforçait de recoller les morceaux. Il s'excusait pour lui, pas pour elle, et ne parvenait pas à savoir si ça changeait quelque chose ou pas. La vérité était qu'après avoir causé cet éloignement entre eux, Wakumbë s'en voulait de mettre en périple leur confiance et la simplicité de leurs mots. Tous deux s'étaient énervés de manière bien trop facile, tellement facile que c'en était terrifiant. Quelques secondes avaient suffi pour causer cette dispute, qu'ils peinaient tant à oublier maintenant.

Mais plutôt que de lui jeter un regard noir, Niila le fixait avec intensité. Wakumbë ne parvenait pas à savoir ce que pensait la jeune femme, et n'osait pas se plonger dans ses yeux sombres. Aussi se contentait-il de lui jeter un coup d'oeil de temps en temps, mortifié et hésitant, attendant un verdict qu'il redoutait beaucoup. Pourtant, alors qu'il s'attendait à une réplique cinglante, Niila se contenta de soupirer – de soulagement ? – en posant sa tête sur son épaule. Le Chemenn en fut tellement surpris qu'il manqua de lâcher à nouveau le navet qu'il était occupé à éplucher. Comment Niila pouvait-elle accepter de le pardonner aussi facilement ? Il s'était conduit comme un gamin gâté et puérile. Mais manifestement, la jeune femme ne pensait pas la même chose, ou peut-être serait-il plus juste de dire qu'elle pensait qu'ils avaient parlé sous le coup de la fatigue et de l'émotion. Ça ne comptait pas vraiment. Mais Wakumbë restait écœuré de la manière dont il s'était adressé à elle.

Néanmoins, la proximité de Niila le rassura, et un soupir de soulagement lui autorisa à lui aussi. Il pencha la tête afin que le côté de son visage soit en contact avec le haut du crane de la petite potière. Il constata avec stupeur que Niila était glacée, alors qu'elle venait à peine de quitter le feu. Cela n'était pas normal, et il en fut inquiété, se rappelant la raideur de la jeune femme et ses grimaces qui cachaient une douleur secrète. Son intuition fut confirmée lorsque Niila prononça quelques mots. Pas tout dit ? S'immobilisant, Wakumbë attendit la suite. Qu'est-ce que Niila avait bien pu lui cacher ? La réponse ne tarda pas à venir. Les yeux clos, elle lui présenta ses mains, et une exclamation de stupeur lui échappa. Le jeune homme lâcha aussitôt navets et couteau, tendant les mains dans la direction de celles de Niila, avant de se raviser : avec délicatesse, il attrapa l'un de ses poignets et le guida devant ses yeux, tandis qu'une vague d'horreur grandissait dans sa poitrine.

Les doigts de la petite potière étaient bleuis et tiraient sur le gris à certains endroits. Ils étaient boursouflés, creuses ça et là de manière douloureuse en une multitude d'écorchures. Le moindre contact devait lui être douloureux, et subitement Wakumbë revit la raideur de Niila, ses gémissements étouffés, ses grimaces. Il baissa les yeux vers elle, alors qu'elle frissonnait contre son épaule.

« Niila, bon sang... » souffla-t-il en effleurant ses cheveux avec sa bouche.

Wakumbë profita que la jeune femme ne voyait pas son visage pour fermer les yeux. Il comprenait mieux la détresse, la froideur de Niila désormais. Son comportement étrange trouvait une explication, de même que le gouffre qu'il avait lu dans ses yeux sombres. Comment avait-il pu être assez obtus pour ne pas le remarquer plus tôt ? Inspirant profondément, Wakumbë s'efforçait de se remémorer les premiers soins à appliquer à de telles engelures. Il se rappelait que Mako lui avait raconté comment son père avait failli perdre son pied un jour, en restant bloqué sur la rive d'un torrent glacé. Il croyait se souvenir qu'il fallait réchauffer en douceur la partie affectée, en évitant les grands écarts de température pour ne pas traumatiser davantage la peau. Le plus important était également de solliciter la circulation sanguine. Une fois qu'il se fut rappelé tout cela, Wakumbë rouvrit les yeux et repoussa Niila avec délicatesse. La jeune femme lui demanda ce qu'il comptait faire, et il lui répondit simplement qu'il allait « essayer de l'aider ».

Il dut se faire violence pour s'approcher du feu de camp : il bougea à reculons, se déplaçant sur ses fesses, se soulevant à la force des bras et de sa jambe valide. Sa plaie se réveilla douloureusement, mais il serra les dents : la souffrance de Niila devait être bien pire. La jeune femme protesta en le voyant bouger, mais il se contenta de l'ignorer, se concentrant sur ce qu'il avait à faire. Mécaniquement, il remplit un bol de neige, qu'il approcha ensuite du feu pour la faire fondre. Il n'y avait plus qu'à attendre que l'eau atteigne une température adéquate. Le jeune homme préleva également l'un des pans de tissus qui recouvraient ses bottes, et le déchira afin de pouvoir en faire un bandage par la suite.

« Il faut réchauffer tes doigts. Dès que l'eau sera tiède, j'en imbiberai ce tissu pour bander tes mains, d'accord ? Jusqu'à ce que les engelures aient diminuées, évite d'approcher tes doigts trop près du feu. »

Il ne lui fit aucune remarque sur le fait qu'elle lui ait caché la vérité. Tous deux arboraient la même stratégie : cacher leur douleur pour ne pas effrayer l'autre. Comment pourrait-il lui en vouloir ? Il avait fait exactement la même chose avec sa jambe. Wakumbë était trop inquiet pour être en colère ou fâché contre la jeune femme. Il regrettait simplement de n'avoir aucun baume à disposition, pour commencer à soigner ses doigts. Pensif, agacé de ne pouvoir faire plus dans l'immédiat, le Chemenn coula un regard vers Niila. Elle le fixait en frissonnant, comme saisie par un froid intérieur. Wakumbë entreprit de la rejoindre : il préférait être près d'elle en attendant que la neige fonde.

Revenu à sa hauteur, il murmura « Viens là » tout en s'adossant à la roche, attirant Niila au creux de ses jambes. Il avait pris soin d'étendre sa jambe blessée sur le côté de manière à ce qu'elle ne lui fasse pas trop mal. Le dos de Niila était tremblant contre sa poitrine. Lentement, Wakumbë attrapa les mains de la jeune femme dans les siennes : elles paraissaient horriblement froides et blanches. Avec douceur, il commença à masser ses doigts, redoutant de lui faire mal. Mais ne lui avait-elle pas dit qu'elle ne sentait plus rien ?

« Si ça fait mal, c'est bon signe... »

Tandis qu'il s'efforçait de raviver les sensations dans les doigts de Niila, Wakumbë la sentait se détendre contre lui. Bientôt, il posa le menton sur son épaule, savourant sa présence. De temps à autre, elle était encore parcourue par un tremblement incontrôlable, et il devinait que ses yeux restaient humides. Sans qu'il s'en rende compte, Niila s'était lovée au creux de ses jambes et de ses bras, et son dos épousait le tracé du torse du Chemenn, qui lui faisait comme un dossier. Sans cesser de ranimer ses doigts, Wakumbë déposa un baiser sur la joue glacée de la jeune femme, tout en chuchotant d'une voix assurée :

« On va s'en sortir. On va bientôt retrouver les nôtres, et tout le monde applaudira ta bravoure. Tu verras. »
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime1/2/2015, 18:27

Dire la vérité à Wakumbë soulagea énormément Niila. Pourtant, il y avait encore tant de chose à raconter....ne serait-ce qu'au sujet de sa mémoire ravivée.
Mais, la jeune femme ne se sentait pas encore prête pour de pareils aveux. Non seulement ils risquaient d'inquiéter le Chemenn sur son état mental, mais en plus, Niila n'était simplement pas le genre de personne qui parlait d'elle.
Elle le laissa faire, lorsqu'il se saisit de ses poignets avec délicatesse et grimaça devant son hoquet d'horreur et son reproche masqué. Avec calme et douceur, il observa l'état de ses doigts meurtris et à nouveau Niila fut heureuse de le savoir si proche d'elle. Elle sentait son souffle dans ses cheveux autant que la chaleur que dégageait son corps.
Il n'ajouta aucun mot et après quelques instants de silence la repoussa doucement pour se déplacer. Inquiète Niila lui demanda ce qu'il comptait faire, sa plaie ne lui permettrait pas de se déplacer à sa convenance. Il lui répondit le plus simplement du monde qu'il comptait l'aider, comme si cela était une évidence.

Les yeux ronds, elle le regarda s'avancer près du feu avec difficulté certes, mais aussi avec une volonté à toute épreuve. Elle protesta à nouveau mais il l'ignora tout simplement avant de remplier un bol de neige et de le mettre à chauffer à côté du feu.
Une fois satisfait de cette première étape, il entreprit de récupérer du tissu sur ses bottes et là encore, Niila resta interdite, simplement à le regarder s’exécuter.
Savait-il vraiment ce qu'il faisait ?
La réponse à sa question muette arriva vite. Il lui expliqua ce qu'il fallait faire et ce qu'il comptait faire pour ses doigts et elle ne sut que répondre.
Le jeune homme semblait prendre les choses en main malgré son état et le cœur de la jeune femme se gonfla de fierté. Wakumbë était tellement gentil.

Un frisson la secoua lorsqu'il la regarda à nouveau, elle avait froid. Le genre de froid que vous saisit lorsque la fatigue est trop présente, ce froid qui vous fait grelotter, peu importe le nombre d'épaisseur que vous portez. Le Chemenn fit le chemin en sens inverse et se replaça contre la paroi à ses côtés. Elle l'observa sans dire un mot, il lui apparaissait évident qu'il n'écoutait pas ses protestation de toute façon.
Il murmura un « viens là » du bout des lèvres, et le cœur de Niila manqua un battement. Cette attitude attentionnée et le son de sa voix ne lui permettait pas d'échapper à cet ordre déguisé.
Docilement, elle se plaça devant lui et cala son dos contre le torse du Chemenn.
Sa chaleur se diffusa quasi instantanément contre elle, à travers ses vêtements pourtant encore humide de la neige dont elle s'était éclaboussée lors de sa récente colère.

Il attrapa ses mains dans les siennes et commença à masser ses doigts. Elle grimaça. Outre l'image horrible de ses mains mutilées, l'idée même qu'il puisse s'abaisser à faire ça la faisait se sentir mal.
Et puis, la douleur était intense, mais elle serra les dents, plus encore lorsqu'il lui dit que c'était bon signe.
Elle le laissa faire sans broncher et finit par se détendre contre lui et contre la chaleur qu'il lui prodiguait.
Un léger picotement réapparaissait dans la pulpe de ses doigts, indiquant que les sensations de son toucher ne seraient pas définitivement perdues.
Cela la rassura et le contact de Wakumbë la vidait peu à peu de ses angoisses et de ses peurs.
Il avait placé son menton sur son épaule, et ainsi,lovée contre lui, elle se sentait minuscule et vulnérable autant qu'en sécurité.
Enfin, il déposa un baiser sur sa joue froide avant de lui adresser quelques mots d'encouragement.
Niila se décala légèrement de façon à pouvoir le regarder, encore surprise sur les mots qu'il venait d'employer et que comme à son habitude, elle venait de prendre au premier degré.


- Ce n'était pas brave Wakumbë, c'était inconscient. A l'heure qu'il est Khilmari doit être mortifié...Je ne leur ai pas vraiment laissé le choix tu sais. Quand je suis rentré au campement après l'incident et qu'on m'a dit que tu étais parti tôt ce matin, je...ma décision était prise. Je rentrerais avec toi ou je ne rentrerais pas.

Elle jeta un coup d'oeil à l'entrée de la grotte, dehors il neigeait faiblement. Elle s'inquiétait du temps qu'il ferait le lendemain et qui pourrait les empêcher de prendre la route mais ne pouvait se résoudre à abandonner.
A nouveau, elle planta son regard dans celui du Chemenn et murmura de sa voix rocailleuse.

- On va s'en sortir, désolée de ne pouvoir prendre soin de toi comme je te l'ai promis...

Après lui avoir offert un sourire timide, elle se leva et attrapa le navet entre ses paumes pour le mettre dans la marmite. Wakumbë commença à gesticuler à nouveau, arguant qu'il ne voulait pas voir les doigts de la jeune femme traîner près du feu, mais à son tour, elle proclama qu'elle ne voulait pas qu'il s'agite de trop à cause de sa plaie.
Ainsi ils étaient quittent.

Niila se saisit du bol tiède et revint se placer à proximité du Chemen. Elle s'installa à genoux, face à lui et déposa le bol tiède entre eux. Enfin elle lui tendit les mains et détourna le regard.
Rapidement, elle sentit le tissu humide et tiède envelopper ses doigts et réprima une inspiration douloureuse.
Lorsqu'il eut enfin terminé de bander ses doigts et qu'il le lui indiqua, elle put le regarder à nouveau.
Elle admira d'abord le travail qu'il avait effectué puis plongea son regard dans le sien.

- Je suis tellement heureuse de t'avoir retrouvé...chuchota-t-elle pour clôturer la discussion précédente.

Elle se pencha alors légèrement en avant pour venir déposer un baiser sur ses lèvres. Ce geste lui sembla alors comme une offrande au Dieu de l'hiver. S'il avait envoyé l'avalanche sur leur chemin, mais leur avait permis de se retrouver juste après, Niila voulait continuer à croire que cette épreuve n'avait pour but que de les rapprocher et de sceller leurs sentiments dans la glace. Oui, elle voulait croire en cette chance insolente qui les ramènerait en vie auprès des leurs.
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime1/2/2015, 22:45

Le contact de ses mains sur la peau de Niila était chaud et agréable. Peu à peu, Wakumbë sentait les doigts de la jeune femme se détendre sous ses massages. Sa peau restait extrêmement dure, comme si elle recouvrait un corps de glace. Cela l'effrayait, pourtant il faisait tout pour se concentrer sur ses gestes plutôt que sur de tels détails. Leurs états étaient peu reluisants, mais ils pouvaient s'en accoutumer à condition de ne pas trop se focaliser là-dessus. Jusqu'à présent, Wakumbë avait vécu persuadé que les pires blessures étaient les plaies ouvertes, qui laissaient voir l'os et saignaient abondamment : c'était un peu comme si le corps n'était plus contenu par ses frontières charnelles et se répandait à l'air libre. Mais aujourd'hui, alors qu'il venait de voir les engelures de Niila, il n'en était plus aussi sûr. Les doigts de la jeune femme semblaient mourir de l'intérieur, et cela était tout simplement terrifiant. De temps à autre, ses massages arrachaient un petit gémissement à la jeune femme, et il s'excusait aussitôt, sans pour autant cesser de solliciter la sensation de ses doigts. Ce n'était pas agréable, mais c'était nécessaire. Wakumbë s'en voulait de lui imposer un tel inconfort, mais il préférait affronter l’écœurement qui le submergeait plutôt que laisser l'état de ses engelures empirer. On lui avait suffisamment décrit comment les membres se noircissaient sous l'effet de la nécrose, et son imagination lui faisait voir des choses horribles. Il était prêt à tout pour que Niila retrouve l'usage et la sensation de ses doigts. Il n'était pas trop tard, le Chemenn en était convaincu.

Niila lui raconta comment elle avait organisé son départ, quittant le clan contre l'avis de ses proches, notamment Khilmari. Il ne sut pas comment prendre cet aveu. Il se fit la réflexion qu'à la place du Chasseur, il n'aurait probablement pu laisser Niila partir seule, mais une part de Wakumbë était fière de ce que la jeune femme avait accompli. Elle bravé le froid et la solitude, avait triomphé de l'hiver. Rares étaient les Chilchakis qui avaient pu accomplir un tel exploit ! Je rentrerais avec toi, ou je ne rentrerais pas. Cette simple déclaration lui fit chaud au cœur, et à nouveau le jeune homme fut envahi par la vague de tendresse, d'amour et de fierté qu'il ressentait pour ce petit bout de femme. Niila avait agi à l'instinct, obéissant à une voix qu'elle seule pouvait entendre. Elle n'avait pas réfléchi, et si certains pourraient qualifier son geste d'insensé, Wakumbë le trouvait tout simplement beau et sincère. Il dut se retenir pour ne pas l'enlacer et la serrer contre son cœur, là où le brasier était le plus ardent. Il n'était pas certain de mériter tout son amour.


Niila tourna le visage dans sa direction, et leurs regards se croisèrent. Plongeant instantanément dans ses yeux, Wakumbë frissonna en l'entendant répéter ses encouragements. Oui, ils allaient s'en sortir. S'ils avaient survécu à tout ça aujourd'hui, plus rien ne pouvait se dresser sur leur route qu'ils ne puissent affronter. La jeune femme eut l'air dépitée en laissant entendre qu'elle ne pouvait prendre soin de lui comme elle l'avait suggéré plus tôt, et Wakumbë répondit simplement :

« On prend soin l'un de l'autre. Personne ne devrait avoir à affronter ça tout seul. »

Niila lui retourna son sourire, pâle mais vaillante. Elle se dégagea de leur étreinte, et retourna s'occuper de la soupe. Wakumbë protesta, lui faisant remarquer qu'elle était encore fatiguée, et qu'il était déconseillé qu'elle s'approche trop près du feu avec ses doigts fragiles. Le moindre changement de température brutal pouvait aggraver l'état de ses blessures. La jeune femme l'ignora toutefois, en lui jetant un regard entendu. Le Chemenn se tut, comprenant où elle voulait en venir. Tous deux étaient pareils et ne supportaient pas que l'autre leur demande de rester inactif, ou de faire attention. Il se demanda s'il en serait pour toujours ainsi. Cela l'amusait autant que cela l'inquiétait, mais fort heureusement, Niila ne tarda pas à revenir à ses côtés, emportant le bol d'eau tiède. Wakumbë retrouva son sérieux en se rappelant ce qu'il avait encore à faire. Alors que la jeune femme lui tendait ses mains en détournant la tête pour ne pas voir ça, il récupéra le linge et le plongea dans l'eau, vérifiant par la même occasion qu'elle n'était pas trop chaude. Sa tiédeur le rassura, et il put passer à l'action. Désirant faire vite pour ne pas imposer trop d'inconfort à Niila, le Chemenn entoura rapidement ses mains avec le tissu imbibé. L'eau coula le long de ses propres doigts alors qu'il bandait les mains de la jeune femme, gouttant sur le sol et rompant le silence. Le sursaut qu'eut Niila au moment où sa peau entrait en contact avec le linge tiède ne lui échappa pas, et il lui jeta un coup d’œil navré en redoublant d'effort pour mettre un terme à son tourment. Une fois son ouvrage achevé, Wakumbë s'autorisa un claquement de langue satisfait.

« Il faudra faire en sorte que le bandage soit toujours chaud. Dès que ça refroidit, dis-le m... » commença-t-il avant de brusquement s'interrompre, réalisant la bêtise qu'il était en train de proférer. Comment Niila pourrait-elle sentir quoique ce soit ? Piquant un fard, Wakumbë finit par bafouiller quelque chose d'incompréhensible. « Oui enfin, il faudra s'en occuper, quoi. »

Niila balaya sa maladresse d'un sourire, avant de le remercier. Il lui répondit en grimaçant à son tour, mais fut interrompu par ses mots. Ces derniers le touchèrent particulièrement, et il ne sut que dire. Fort heureusement, la jeune femme n'attendait aucune réponse, et elle se contenta de sceller ses lèvres avec les siennes. Wakumbë ne s'attendait pas vraiment à un tel geste, de sorte qu'il ne put qu'écarquiller les yeux. Ce n'était pas grand chose, un baiser sincère et tendre, mais il fut suffisant pour ranimer la flamme dans son cœur. Bientôt, le jeune homme lui rendit son baiser avant de se reculer finalement en caressant sa joue, qui se réchauffait agréablement sous ses doigts.

Ils se séparèrent lorsque l'estomac du Chemenn se remit à gargouiller. Tous deux émirent un léger rire qui acheva de les détendre tous les deux, puis Wakumbë glissa à nouveau vers le feu de camp afin de terminer la préparation de la soupe. Il avait plus ou moins compris que Niila comptait sur lui pour être ses mains jusqu'à ce que ses doigts aient retrouvé meilleure allure, et il faisait de son mieux. La soupe fut prête quelques minutes plus tard, et ils s'installèrent sur les couvertures pour manger. Wakumbë avait craint que la jeune femme ne puisse se nourrir avec ses doigts bandés, mais constata bien vite que Niila s'en sortait à merveilles. En effet, elle se débrouillait pour saisir son bol entre les paumes de ses mains, ce qui ne sollicitait pas ses doigts sensibles.
Manger leur fit du bien et leur réchauffa le ventre. Ils parlèrent peu, se contentant de se regarder en silence, échangeant des sourires complices tout en savourant ce repas simple mais réconfortant. Ce n'était pas excellent, mais au moins ça leur remplissait l'estomac.

Alors que Niila retournait auprès du brasero pour replacer la marmite sur le feu afin de garder le reste de soupe au chaud, Wakumbë étira ses épaules endolories. Coulant un regard vers la jeune femme, il fronça les sourcils en constatant qu'elle était toujours vêtue de ses habits trempés. La neige amassée dans la journée avait fondue, alourdissant ses vêtements. C'était de la folie de garder ses habits trempés ! Maintenant qu'il l'avait remarqué, le jeune homme ne pouvait plus faire abstraction de ce détail. Il ignorait si Niila accepterait de se changer s'il le lui demandait, aussi profita-t-il qu'elle lui tourne le dos pour fouiller dans les affaires qu'elle avait pu emmener. Quand il eut trouvé des vêtements de rechange, il les étala sur la couverture, et attendit que la jeune femme le rejoigne, croisant les bras sur sa poitrine.

« Hors de question que tu gardes ces vêtements humides sur le dos. Tu devrais te changer... »

Ce n'est qu'alors que le problème lui apparut. Niila peinait déjà à boire sa soupe, alors comment pourrait-elle ôter ses vêtements, ou en enfiler d'autres avec ses doigts bandés et douloureux ? Comprenant ce qu'il allait devoir faire, Wakumbë piqua un fard mais fit comme si la situation n'était pas gênante. Dissimulant son malaise, il s'efforça de garder le contrôle de sa voix :

« Je peux t'aider, si tu le souhaites. »

Mais, malgré tous ses efforts, la rougeur de ses joues trahissait son émoi. Il pensait seulement au bien-être de Niila en lui proposant cela : passer la nuit dans des vêtements humides, c'était courir le risque d'attraper la crève et devoir repousser leur retour au campement. De plus, la petite potière était assez fatiguée et souffrante comme ça pour ne pas vouloir lui rajouter un rhume, ou une pneumonie. Son initiative partait vraiment d'une bonne intention, et si ça le mettait dans une situation délicate, Wakumbë refusait de faire marche arrière. Tout pour empêcher Niila de se trouver mal, peu importe ce que cela impliquait. S'il devait la déshabiller et l'aider à enfiler le moindre de ses vêtements, il le ferait sans hésiter. Les joues rouges et le regard fuyant, mais sans hésiter.
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime2/2/2015, 10:55

Leurs estomacs les ramenèrent à la réalité de cette journée sans fin. Le grondement les fit même rire doucement avant que Wakumbë ne se glisse à nouveau près du feu. Niila en fut soulagée et s'en remit directement à lui. Il leur servit les bols fumants avec une lueur d'inquiétude dans le regard. Mais la jeune femme en avait vu d'autres. Elle tint le bol entre ses paumes et buvaient à petites gorgées directement sur le rebord.
C'était très certainement la pire soupe qu'elle eut jamais mangé, mais faute d'un goût très agréable, cette dernière avait le mérite de leur réchauffer le ventre, et petit à petit, la jeune femme sentait une douce chaleur se diffuser à travers son corps malgré ses vêtements humides. Elle souhaita qu'il en fut de même pour le Chemenn.
Ils parlèrent peu, se contentant de se restaurer, de reprendre des forces pour le lendemain, mais comme à leur habitude désormais, leurs regards suffisaient.

Lorsque le repas fut achevé, Niila attrapa le bol vide de Wakumbë et le posa sur le sien, plus loin. Elle récupéra également le reste de la marmite et le déposa près du feu, afin de la maintenir au chaud.
Son estomac rempli, la jeune femme glissait doucement vers une somnolence qui la faisait légèrement vaciller. La journée avait été riche en émotion et en perte d'énergie. Son corps n'en pouvait plus et à présent qu'il se trouvait rassasié, il criait au repos.
Elle rejoignit donc le Chemenn et fut surprise de constater que durant le rangement léger qu'elle venait d'effectuer, lui-même s'était chargé de lui récupérer des vêtements secs dans le paquetage. Il les avaient étendu sur la couverture où ils reposaient tous deux.

D'un ton impérieux, il lui indiqua qu'elle devait se changer. Il avait raison, garder des vêtements humides dans leur condition était fortement contre-indiqué. Niila n'y avait juste pas pensé, trop occupée à effectuer d'autres tâches pour leur confort et le bien-être de Wakumbë.
Encore une fois, le Chemenn prenait les choses en mains et elle n'eut pas à cœur de lui indiquer qu'avec ses doigts bandés de la sorte, se dévêtir et se rhabiller allaient poser un sérieux problème.
Il dut s'en rendre compte par lui-même cependant, car il lui proposa son aide.
A nouveau agenouillée devant lui, elle inclina légèrement la tête en le regardant. Etait-il entrain de rougir ? Il paraissait subitement tout gêné et elle ne comprenait pas vraiment pourquoi.
Mais comme il persistait à ne pas vouloir la regarder dans les yeux, elle finit par hausser doucement les épaules avant d'accepter sa proposition.

Elle leva les bras en l'air, attendant qu'il s'empare de son pull humide pour le faire passer par dessus sa tête, ce qu'il fit après un certain temps. Elle sentit les mains de Wakumbë se poser sur sa taille, avant que ses doigts n'agrippent la laine. Et puis, le tissu glissa le long de ses cotes accompagné de la chaleur de ses mains, avant de remonter le long de ses bras jusqu'à s'en débarrasser.
Elle portait une tunique en dessous comme à son habitude et celle-ci manqua de suivre le même trajet, dévoilant sa peau jusqu'au dessus de son ventre.
Cette fois-ci, les mains du Chemenn touchèrent directement sa peau alors qu'il rajustait le vêtement, ce qui arracha un frisson à la jeune femme. Elle s'en étonna mais ne dit rien. Ils avaient déjà partagé bien des caresses, leurs peaux avaient été en contact un grand nombres de fois pourtant dans l'intimité de la caverne, tout semblait prendre une nouvelle dimension.
Elle chercha à croiser le regard de Wakumbë, mais il persistait à baisser la tête ou à la garder de côté, comme s'il refusait de la voir.
Elle ramena ses mains devant elle, et il fit glisser les manches du gilet sec en prenant soin de ne pas toucher ses doigts,  à nouveau elle leva les bras et le jeune homme lui enfila le reste du vêtement avant de s'assurer qu'elle soit bien emmitouflée à l'intérieur.

Aucun des deux ne parlait, seule le crépitement du feu semblait chanter en fond, donnant une atmosphère calme, sereine, presque irréelle subitement.

A présent que ses épaules n'étaient plus couvertes par l'humidité, Niila sentait déjà que son corps se réchauffait de lui-même. Restait encore cette vague de froid dans ses pieds et dans ses jambes.
Elle changea de position en se relevant et tendit un pied vers Wakumbë. Il délassa sa botte avant de la placer plus loin, puis fit de même avec la seconde.
Vint le tour de son pantalon.
Alors qu'il leva enfin la tête dans sa direction, elle attrapa son regard avec le sien l'interrogeant de ses pupilles pour savoir ce qui se passait dans sa tête. Pourquoi était-il soudain muet et pourquoi semblait-il la fuir ?
Pour toute réponse, il détacha le lien qui servait de ceinture à la jeune femme et posa ses mains sur ses hanches, sous le pull qui couvrait à présent Niila jusqu'en haut des cuisses.
Elle sentit le tissu glisser le long de ses jambes sous les paumes chaudes du Chemenn.

Si un frisson l'avait traversée alors que ses doigts frôlaient ses cotes, un nouveau sentiment, armé d'une nouvelle sensation naissaient en elle, avec ce contact.
C'était à la fois étrange et agréable, comme annonciateur de futurs plaisirs dont elle ignorait tout.
Intérieurement, un fourmillement d'idées s'agitaient en elle et la première était de glisser ses doigts dans les cheveux de Wakumbë, mais elle se souvint de ses bandes et n'en fit rien.
A la place, elle ferma les yeux et essaya de penser à autre chose bien que l'envie de le toucher à son tour grandissait en elle jusqu'à en devenir insupportable.
Elle ressentait la chaleur dans son ventre et les battements de son cœur s'étaient grandement accéléré, mais elle n'arrivait toujours pas à mettre le doigt sur les raisons exactes de ces changements.
Lorsque les mains du jeune homme arrivèrent à ses chevilles, elle leva un pied, puis l'autre pour qu'il puisse la débarrasser définitivement du pantalon mouillé. La peau de ses jambes lui apparaissait glacée en comparaison avec les paumes chaudes de Wakumbë, et elle dût retenir un soupir de bien-être à ce contact.

Enfin, il fit passer ses pieds dans le nouveau vêtement et la caresse remonta le long de ses membres inférieurs jusqu'à sa taille à nouveau où il lia également la nouvelle ceinture.
Avec stupeur, Niila se rendit compte à quel point elle était émoustillée. Ses pommettes lui chauffaient alors qu'elle s’interrogeait sur les raisons de ce nouvel état. Ils n'avaient pourtant rien fait qui justifie son cœur tambourinant. Elle se souvint de leur tout premier baiser, comment à ce moment là, elle avait vacillé au bord d'un gouffre submergée par des sensations de plaisir, mais elle le lui avait demandé alors et s'attendait plus ou moins à ressentir quelque chose.
Comment le fait de changer ses vêtements pouvait la mettre dans un état bien pire que celui-là. Elle se sentait frustrée de ne pouvoir le toucher et tout aussi désireuse que lui continue pourtant.
Elle finit par s’asseoir à ses côtés et lui glissant un regard timide demanda :

Comment va ta jambe ?

Revenir à des informations concrètes lui permettrait d'éteindre le brasier qui s'était allumé en elle et qu'elle ne pouvait assumer pour le moment.
Et puis, quelque part aussi, elle était toujours inquiète pour lui.
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime2/2/2015, 21:54

Jamais encore Wakumbë ne s'était trouvé dans un tel état d'embarrassement. La partie pudique qui vivait en lui espérait secrètement que Niila refuserait sa proposition, quitte à se changer seule en appuyant douloureusement sur ses doigts. Il aurait pu ainsi lui tourner le dos et se préserver de ce qui risquait de le faire rougir. Le jeune homme s'en voulait de seulement penser à cette éventualité, pourtant elle s'imposait à lui avec une telle force qu'il lui était difficile de l'ignorer. Elle prenait presque autant de place dans sa tête que l'autre idée qui s'y nichait désormais : la hâte de sentir la peau de Niila sous ses doigts frissonnants. Deux extrêmes qu'il ne parvenait à refouler, à maîtriser.

Lorsque Niila accepta, il eut l'impression qu'elle se résignait à se ranger de son côté contre son gré. Alors, tout espoir de faire machine arrière disparut immédiatement, et le Chemenn déglutit péniblement alors que la jeune femme s'asseyait en face de lui. Elle ne paraissait aucunement gênée par la situation, alors que lui-même s'en trouvait mortifié. Il avait la désagréable impression de pouvoir deviner la suite des événements, et il avait hâte autant que peur d'y arriver. Rivant son regard dans celui de Niila qui se trouvait maintenant à sa hauteur, Wakumbë allait oublier ce qu'il devait faire, tant l'atmosphère était pesante. Par chance, la petite potière savait garder les pieds sur terre, et sa naïveté faisait merveille dans ce genre de situation : aucunement mal à l'aise, elle leva les bras pour lui indiquer qu'elle était prête. Wakumbë eut un sursaut comme si ce geste le ramenait brusquement à la réalité, et il se mit en mouvement.

Avec timidité, il attrapa le bas du pull de la jeune femme, et fronça les sourcils en constatant que la laine était gorgée d'eau. Comment Niila avait-elle pu passer autant de temps sous ces vêtements trempés et froid ? Ce serait un miracle si elle n'attrapait pas la crève demain !... Ses mains remontèrent pour soulever le pull, et Wakumbë sentit ses joues le brûler en constatant que la tunique de Niila suivait le même mouvement. L'espace d'une seconde, ses yeux se posèrent sur le ventre nu de la jeune femme : blanc, plat, il paraissait extraordinairement doux. Le jeune homme fut fasciné par le grain velouté et laiteux de la peau de la petite potière, et pour un peu il aurait ouvert la bouche tant cette vision l’envoûtait. Il n'avait encore jamais eu l'occasion de voir le ventre d'une femme, cela ne l'avait jamais intéressé, mais cette découverte stupéfiante lui faisait réaliser à quel point il s'était fourvoyé. Cela ne dura qu'un instant, mais ce fut amplement suffisant pour que Wakumbë grave cette image dans son esprit : le ventre doux de Niila, encadré par ses hanches qui semblaient lui promettre mille et un plaisirs... Cette pensée le fit s'empourprer, et il dut détourner précipitamment le regard pour dissimuler son trouble. Subitement, il attrapa le bas de la tunique qui semblait bien décidée à prendre la fuite, la rajustant afin de masquer le ventre de la jeune femme. Mais dans sa précipitation, ses doigts caressèrent involontairement ce qu'il s'efforçait de dérober à sa vue, et un frisson caractéristique le parcourut de la tête au pied. Le jeune homme était terrifié de constater à quel point il trouvait ça agréable.

Wakumbë s'était attendu à ce que ce déshabillage forcé le fasse se sentir tout drôle, mais pas à ce point là. Ses doigts ne faisaient qu'effleurer le corps de Niila, mais c'était assez pour faire naître sous sa peau des sillons brûlants. Tous deux ne disaient rien, ne parlaient pas, savourant cette proximité comme s'ils craignaient que ce moment s'achève trop vite. Le jeune homme avait redouté les mots de la jeune femme, qui aurait pu vouloir parler pour dédramatiser la situation, mais il n'en était rien et désormais il regretté que ce ne soit pas le cas. Le silence devenait oppressant, les enveloppant tous les deux, et c'était comme s'il mettait le monde entre parenthèses. La neige elle-même semblait tomber au ralenti, et Wakumbë regretta que le silence ne soit pas troublé par les hurlements d'une tempête. Au moins, il se serait senti moins harponné par le moindre de ses gestes, le moindre frémissement sous la peau de Niila. Il devait se faire violence pour ne pas laisser transparaître ce qu'il ressentait, focalisant son attention sur ce qu'il pouvait : un fil qui dépassait d'une couture sur la couverture, un reflet humide sur le sol rocailleux.

Ils avaient déjà partagé de nombreux moments intimes, cachés à la vue du monde, dans l'obscurité protectrice de sa yourte. Mais les choses n'avaient encore jamais été aussi intenses. Alors qu'il se mordait la joue pour empêcher ses mains de trembler, Wakumbë sentait le brasier croître dans sa poitrine. Il croyait savoir exactement ce que son corps réclamait, et se faisait violence pour ne rien laisser voir de son émoi. Le Chemenn se rappelait avoir promis à Niila que ce feu incandescent finirait par disparaître avec le temps, mais aujourd'hui il commençait à en douter. Il croyait avoir exploré la moindre parcelle de sa peau dans la pénombre, embrassé ses épaules, la paume de ses mains, connaissait sa silhouette par cœur. C'était comme si le corps de la jeune femme était un poème qu'il aurait pu réciter, une partition qu'il aurait pu jouer les yeux fermés. Mais ce soir, les choses étaient différentes. A travers le souffle irrégulier de Niila, Wakumbë devinait qu'elle subissait la même pression au creux de son ventre, comme un poing qui appuierait là où il est agréable d'avoir mal.

Une fois que Niila eut enfilé un gilet fourré, Wakumbë attendit patiemment qu'elle se redresse. Tout à coup, elle lui semblait immense et intimidante, comme une montagne que même le plus farouche des aventuriers aurait été en peine de conquérir. Tandis que la jeune femme levait l'un de ses pieds, le Chemenn le posa à plat contre son épaule afin de pouvoir délasser sa botte de manière plus confortable. Il dut batailler un moment avec les nœuds qui étaient rendus rêches et serrés par l'humidité, mais parvint finalement à ôter ces chausses. C'est quand Niila s'immobilisa au-dessus de lui que Wakumbë comprit qu'ils étaient arrivés au moment qu'il redoutait le plus. Levant les yeux vers elle, il frissonna quand leurs regards se percutèrent. Mais à sa plus grande surprise, la jeune femme se contenta de le fixer en penchant légèrement la tête sur le côté, et il ne sut comment interpréter ce regard. Nilla ne voyait-elle pas ce qui le mettait dans cet état de gêne intense ? Ou au contraire, trouvait-elle cela agréable et voulait-elle qu'il continue ?... A nouveau, cette idée le fit s'empourprer, et il détourna bientôt les yeux. Wakumbë agissait avec la désagréable sensation de devoir fuir Niila alors qu'il mourait d'envie de sentir son corps ondoyer sous ses mains tremblantes.

Son corps battait tellement fort dans sa poitrine qu'il craignait que la jeune femme ne l'entende. Intimidé, il glissa ses mains sous le gilet de Niila, puis sous sa tunique, et ses doigts frissonnants rencontrèrent à nouveau la peau glacée de ses hanches et de son bas-ventre. Wakumbë se concentra sur les liens qui maintenaient le pantalon de la jeune femme, s'efforçant d'ignorer la sensualité de ces gestes. Comme pour confirmer ses impressions, le feu de camp crépitait gaiement en arrière plan, projetant sur eux ses reflets rouges et orangés. On entendait uniquement leurs souffles maladroits et les gémissements des flammes qui semblaient répondre à leur désir brûlant. Quelle torture d'être si près de la femme qu'il voulait ardemment, sans pouvoir l'aimer de tout son corps ! Déchiré, Wakumbë se fit violence pour conserver la maîtrise de son visage : celui-ci ne devait rien trahir hormis un certain agacement et une forte concentration. Ses mains agrippèrent bientôt le pantalon de Niila, et glissèrent lentement le long de ses cuisses. Il remarqua alors qu'il avait fermé les yeux, agissant en se repérant aux sensations sous ses doigts. Bientôt, le pantalon trempé fut gisant sur le sol, mais le jeune homme refusait d'ouvrir les yeux tant sa pudeur était grande. Il dut le faire pourtant, pour glisser les pieds de Niila dans le pantalon propre : c'est tremblant de tous ses membres qu'il remonta le nouveau vêtement sur les hanches de la jeune femme. Pas assez vite selon lui... ou pas assez doucement ? Les jambes de Niila était froides sous ses mains, mais c'était le galbe de ses cuisses qui le tétanisait plus que leur basse température. Wakumbë avala sa salive avec difficulté en se concentrant sur ses doigts tandis qu'il attachait les liens entre eux.

Enfin, il eut terminé. Timidement, Niila vint s'asseoir à ses côtés tandis qu'il demeurait immobile, face à l'endroit où elle se tenait une seconde plus tôt. Ses yeux fixaient le vide, mais son esprit revoyait les images furtives qu'il avait aperçu contre son gré (vraiment contre son gré ?...). Il croyait encore sentir la peau veloutée de Niila sous ses doigts. C'était comme s'il sortait d'un rêve particulièrement prenant et agréable. L'un de ces rêves dont on ne se remet que difficilement, parfois après plusieurs heures... sauf que Wakumbë doutait de s'en remettre un jour. Il cligna plusieurs fois des yeux lorsque Niila le tira de sa rêverie, et répéta sans comprendre :

« Ma... jambe. Ma... quoi ? »

Le jeune homme mit encore quelques secondes à comprendre où elle voulait en venir. Quand ce fut fait, il lâcha un « Ah ! » stupéfait, en détournant précipitamment les yeux. Ses joues étaient horriblement rouges, et il serra les poings sur ses cuisses en se raclant la gorge, s'efforçant d'échapper au malaise qui menaçait de le dévorer. Niila paraissait amusée de le voir si distrait, mais comme il n'y avait aucune trace de méchanceté dans son rire, Wakumbë se détendit, honteux. Il lui jeta un coup d’œil en coin avec un pauvre sourire contrit, et se gratta la joue :

« Ça va. Tant que j'évite de trop la bouger... le plus doulou... désagréable, ce sont les côtes. »

Il s'était reprit avec précipitation, évitant par là d'utiliser un vocabulaire trop significatif, ne voulant pas inquiéter Niila plus que nécessaire.

« Je me referai un bandage demain, histoire de laisser ça un peu tranquille pour l'instant. »

Cette idée ne l'enchantait pas : en vérité, il faisait tout pour ne pas penser à la plaie qui marquait sa cuisse. Wakumbë conservait l'espoir naïf et crédule des enfants, celui qui le poussait à croire qu'avec un peu de chance et suffisamment de foi, sa blessure se serait volatilisée le lendemain matin. Un profond soupir lui échappa, et il se laissa tomber sur le dos en posant son avant-bras sur ses yeux. Le corps de Niila continuait de danser sous ses paupières closes, et il frissonna en s'efforçant de penser à autre chose. Il sourit avec plaisir en sentant la jeune femme s'étendre à ses côtés, et aussitôt sa chaleur le rasséréna. Quelque-chose chatouillait sa main gauche, et en attrapant la chose en question pour la porter devant son visage, Wakumbë reconnut l'une des fleurs qu'il avait ramassé pour Niila dans la matinée. Il manquait une bonne partie des pétales, et la tige était brisée à plusieurs endroits, et il se rappela non sans honte avec quelle rage il avait jeté le bouquet. Le jeune homme ôta son bras pour le placer derrière sa tête, improvisant un oreiller. Son autre main déposa la fleur auprès du visage de la jeune femme le plus sérieusement du monde :

« La plus jolie fleur à l'image de la plus jolie fille ... » Il se rappela l'état piteux de la fleur en question, et rectifia le tir : « Enfin, heu, je veux dire... » Dépité, Wakumbë poussa un gémissement en se passant une main sur le visage. « Oublie. Si tu m'aimes ne serait-ce qu'un peu, oublie ce que je viens de dire, d'accord ? »

Il fut secoué par un rire nerveux, qui ranima l'élancement dans ses côtes, et bientôt son rire s'acheva par un grognement étouffé sous ses mains qui masquaient son visage rougissant. Bon sang. Pourquoi fallait-il toujours qu'il gâche tout sans le vouloir ? Ne pouvait-il pas savourer chaque instant en évitant de parler, histoire de ne pas dire n'importe quoi ?
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime2/2/2015, 22:53

Wakumbë semblait être ailleurs et Niila se demanda si sa blessure ne commençait pas à l'emporter loin d'elle.
Avec inquiétude, elle ne le quitta pas des yeux tandis que ceux du Chemenn semblait comme fixant un horizon qu'il était bien le seul à voir. Enfin, après un temps qui parut infini à la potière, il cligna des yeux et répéta ses mots comme sorti tout droit d'un rêve. La jeune femme leva un sourcil devant le trouble clairement affiché par le jeune homme, sans réellement comprendre ce qui se passait et elle finit par rire de leur gêne mutuelle.
Ils n'avaient pourtant fait que suivre des règles évidentes de survie, mais le contact des mains sur le corps de Niila prenait une toute autre dimension, et les joues rouges qu'affichaient le Chemenn semblaient être le signe que pour lui aussi, de nouvelles sensations étaient nées.
Elle ne relava pas, ne souhaitant pas le mettre encore plus mal à l'aise, et puis...quelque part, elle aussi était troublée.
N'avait-elle pas posé sa question exprès ? Pour les ramener à une réalité plus concrète ?

Il la rassura sur la douleur de sa plaie, lui parlant à la place de ses côtes. Certaines devaient être fêlées voire cassées. Plus que sa cuisse, ce sont ces blessures là qui mettront plus de temps à guérir.
Elle fut rassurée lorsqu'il énonça l'idée de refaire le bandage le lendemain, elle même ne voulait pas vraiment y assister. Non pas que la vue du sang l'effraie mais....c'était son sang à lui. 
Et au fond de son cœur, le risque même minime qu'il puisse en pâtir plus que ce qu'ils ne pensaient persistait.
Elle hocha simplement la tête pour lui montrer son accord, même s'il n'en avait pas besoin.
Subitement, il se laissa tomber sur le dos et la jeune femme craint un moment qu'il ne fasse un malaise, justement lorsqu'elle pensait au fait qu'il pourrait se vider de son sang.
Il plaça son bras sur son visage en masquant ainsi une bonne partie et Niila se demanda si tout allait bien pour lui. Intriguée autant qu'inquiète, elle s'allongea à ses côtés, attendant qu'il bouge, ne serait-ce que d'un pouce. Et lorsqu'il afficha un sourire, le soulagement s'épanouit également sur les traits de la jeune femme.

Elle le sentit s'agiter, changer de posture et une fleur brisée apparut devant ses yeux tandis qu'elle regardait droit devant elle.
Wakumbë accompagna son présent d'une phrase qui aurait pu être un réel compliment si la fleur en question avait été en meilleur état.
Avec un sourire triste, elle se rendit compte que ses paroles n'étaient en fait que a stricte vérité. Tout comme cette fleur, Niila s'était vu brisée par une avalanche. Dix ans plus tôt, elle avait perdu sa famille au complet, ne réchappant du phénomène que par une chance incroyable. Il lui avait fallut du temps pour se remettre de ses blessures, même si à l'époque, elle les ignorait. Et aujourd'hui que la vérité lui apparaissait, une plaie béante s'était ouverte dans sa poitrine, lui rappelant avec cruauté ce qu'elle avait perdu et qu'elle ne retrouverait jamais.

Comme il émettait un rire nerveux, elle se redressa sur un coude et le regarda avec compassion, son sourire vague flottant toujours sur ses lèvres.

- Elle devait être très belle oui, avant que l'avalanche ne l’abîme autant. Comment a-t-elle pu pousser par ici ?

Niila cherchait seule ses réponses, elle porta son regard dans toute la caverne avant de tomber avec une tâche plus claire non loin d'eux deux.
Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'elle se rendit compte qu'il s'agissait en fait d'un bouquet détruit, comme écrasé.

- Regarde il y en a d'autres là-bas!

Et Wakumbe lui avoua alors, qu'il les avait cueilli pour elle le matin même lors de sa promenade.
Elle en fut touchée et se sentit en même temps stupide. De part sa naïveté habituelle, elle n'avait pas rejeté l'hypothèse que les fleurs eut pu pousser ici.

- Alors tu ne devrais pas les critiquer ! Lança-t-elle émue avant de lui déposer un baiser sur la joue pour le remercier.

Elle se releva pour ajouter une bûche dans le feu, puis revint prendre possession des flans de Wakumbë.

- Elle est comme moi, souffla-t-elle doucement en regardant la fleur à nouveau. Ses racines ont été coupés par une avalanche....

Ses yeux se fermèrent un instant tandis qu'elle inspirait profondément. A grands renfort de ses paumes, elle tira la seconde couverture sur eux et se lova contre l'épaule du jeune homme, savourant sa chaleur autant que son odeur. La couche qu'il partageait chez lui manquait, mais au moins elle n'avait pas perdu le jeune homme. La yourte serait redressée, le campement se remettrait, tant que ses individus vivaient, le clan de disparaîtrait pas.
Niila se demanda alors, à quel clan elle devait déclarer son appartenance...Que valait-il mieux ? Appartenir à un clan existant ou bien honorer la mémoire d'un clan disparu en portant son nom ?
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime3/2/2015, 20:47

La présence de Niila était extrêmement rassurante. Au fil des heures, des jours, des nuits qu'ils avaient partagé, Wakumbë avait appris à savourer les instants qu'il pouvait passer en sa compagnie. Le simple fait de savoir la jeune femme près de lui suffisait à égayer les plus mauvaises journées. Niila savait calmer ses angoisses, aimer ses défauts et accepter ses sautes d'humeurs. Le Chemenn était chaque fois un peu plus étonné de voir qu'elle réussissait à le supporter au quotidien. Il lui arrivait parfois de se demander comment elle s'y prenait, si elle méditait lorsqu'elle se trouvait seule, ou si elle consommait quelques plantes mystérieuses lui permettant de conserver calme et sérénité en toute occasion. C'était tout simplement impressionnant. Wakumbë fixait parfois Niila, incrédule, après qu'elle ait prononcé quelque chose qui lui apparaissait tout à coup comme une vérité évidente. Un jour, il lui avait fait remarquer que si elle n'était pas potière, elle serait sûrement la petite sœur d'Eliwha ou une véritable sainte. Mais Niila s'était contentée de lui répondre en levant les yeux au ciel : « Allons, ne dis pas n'importe quoi ! » Wakumbë trouvait étrange et improbable que la jeune femme n'ait pas conscience de toutes ses qualités. Certains auraient pu en tirer profit, mais pas elle : sa naïveté se confondait parfois avec une discrétion des plus élégantes et gracieuses. Niila éprouvait peut-être des difficultés à aborder les relations sociales, mais elle avait un talent inouï pour écouter les autres et voir le meilleur en chacun de ses interlocuteurs. C'est pourquoi Wakumbë l'aimait comme un fou : Niila était une bonne personne, et elle partait du principe que tout le monde était aussi bon qu'elle. A coup sûr, elle se trompait, mais il ne pouvait se résoudre à la détromper. Niila étaient de ceux qui avaient foi en l'humanité et aimaient sincèrement les gens, peut-être sans se l'avouer.

La savoir près de lui plongeait Wakumbë dans une sorte de douce béatitude. Comme son corps retrouvait son calme coutumier, le jeune homme sentait la fatigue peser sur son crane et sa poitrine, comme une vieille amie dont il était à peine surpris de constater le retour. Pourtant, il refusait de sombrer dans l'immédiat, savourant la présence de Niila, qui s'était blottie contre son épaule. Ils partageaient désormais la même chaleur, et ce plaisir simple était l'un de ceux qu'il aimait le plus.
Ses mots ne manquèrent pas de faire réagir la jeune femme, qui se redressa pour pouvoir le regarder dans les yeux, un sourire mutin mais néanmoins sincère éclairant son visage fatigué. Wakumbë se surprit à sourire à son tour, amusé par la candeur naturelle de la petite potière. Rapidement, Niila émit l'hypothèse improbable que les fleurs aient pu pousser dans la caverne, et cela lui fit hausser les sourcils. Alors que la jeune femme lui faisait remarquer que d'autres fleurs jonchaient le sol de la grotte, Wakumbë se sentit obligé de lui avouer la vérité :

« En fait, je les ai cueillies un peu plus haut, sur le flanc de la montagne. Je comptais t'offrir le bouquet en rentrant au campement. » Il fixa la fleur qui traînait encore par terre : « Bon, elles ont un peu morflé. »

Sans trop savoir pourquoi, le jeune homme se sentait triste et honteux de voir son présent arrivé en si mauvais état. Il aurait presque préféré que Niila n'ait jamais vent de son existence, et regretta un peu de lui avoir présenté cette fichue fleur. Pourtant, la jeune femme ne se préoccupa pas de si peu, et lui colla un baiser sur la joue qui lui arracha un sourire contrit. C'était exactement grâce à ce genre de petits gestes que Niila était parvenue à gagner son affection avec une aussi grande facilité. Elle se fichait des apparences, de la forme, se concentrant avant tout sur le fond, sur le message que les gestes, les actions s'efforçaient de transmettre. Sur le plus important, en somme... Tant d'autres jeunes femmes se focalisaient sur le visible et délaissaient les messages cachés, parfois maladroits. Peut-être était-ce en partie pour ça que le Chemenn avait mis si longtemps à se sentir quelque intérêt envers la gente féminine : la plupart des filles qui lui avaient tourné autour l'avaient déçu par leur frivolité, leur côté superficiel que les jeunes hommes appréciaient parfois – à commencer par son ami Mako. C'était probablement très simple et pratique de séduire quelqu'un qui se contentait de l'apparence, de « l'air » des choses. Mais quelque-part, Wakumbë ne pouvait s'empêcher de trouver ce raccourci trop facile. C'était un peu comme de la triche. Avec Niila, il n'y avait pas de tels faux-semblants. Tout était vrai, limpide. Il lui semblait que l'amour qu'ils ressentaient l'un pour l'autre était la chose la plus sincère et puissante qu'il ait jamais connu.

Il fut tiré de ses pensées lorsque la jeune femme revint s'installer à ses cotés, après avoir rajouté une bûche sur le feu. Sachant qu'il serait incapable de se retourner sans souffrir le martyr, Wakumbë jugea plus prudent de rester étendu sur le dos. Même s'il mourrait d'envie de l'enlacer, de la serrer dans ses bras comme ils avaient l'habitude de le faire d'ordinaire. Niila prononça quelques mots d'une voix indifférente, et le jeune homme ne comprit leur portée que quelques secondes plus tard. Il tourna la tête vers elle, mais la petite potière fermait les yeux. Niila ramena alors la couverture sur eux, et se blottit à nouveau contre lui, le visage dissimulé contre son épaule. Silencieux, Wakumbë ne sut tout d'abord que dire. « Elle est comme moi... Ses racines ont été coupées par une avalanche... » Ces mots se répétaient dans son esprit, comme une mélodie insatiable. Que voulait-elle dire ? Le doute s'infiltrait dans son âme, soupçon grandissant, dévastateur, dévorant tout sur son passage. Les racines pouvaient-elles renvoyer au passé de Niila... à son passé avant qu'elle n'intègre le clan Chilchaki ? Mais cela soulevait une autre question, et pas des moindres : comment était-il possible que la jeune femme se rappelle de ça ? Les Chilchakis l'avaient recueillie alors qu'elle était amnésique. Tout ça n'avait aucun sens...

Ne sachant comment interpréter cette soudaine déclaration, Wakumbë se contenta de fixer Niila, l'air égaré. La jeune femme persistait à se dérobait à sa vue, ce qui le conforta dans sa perception des choses : elle était sérieuse. Mais était-ce seulement possible ? Il aurait fallu que quelque chose fasse ressurgir ces souvenirs refoulés ou oubliés. Comme un élément que Niila aurait déjà vécu dans son passé d'antan, et qui aurait fait naître en elle une sensation de déjà-vu. Un détail en ramenant un autre, elle aurait ainsi vu ressurgir tout un pan de son histoire d'autrefois. Wakumbë réalisa alors que l'avalanche ne devait pas y être étrangère. Comme cela devait être douloureux et difficile pour la jeune femme de supporter tout ça... il fut stupéfait par la bravoure dont elle faisait preuve. L'égarement douloureux qu'il avait lu dans ses yeux n'étaient peut-être pas uniquement dû à ses doigts meurtris.

Hésitant, n'ayant jamais du affronter une telle situation, Wakumbë déposa une main solidaire sur l'épaule frissonnante de Niila. Celle-ci releva les yeux vers les siens, avant de les détourner à nouveau, comme si c'était trop difficile à supporter. Alors, il l'obligea à relever la tête en posant deux doigts sous son menton, et dit d'un ton confiant, presque en chuchotant :

« Les fleurs peuvent pousser ailleurs si on prend soin de les replanter avec précaution et douceur. Cela met parfois quelques années, mais quand le printemps revient, un matin on a la surprise de les voir éclore au soleil... »

Puis, il déposa un baiser sur le front de Niila avant de se rallonger. Ses côtes douloureuses le faisaient trop souffrir, il avait l'impression qu'elles menaçaient de crever sa peau. Quand la pression dans son torse se fut suffisamment atténuée, Wakumbë rouvrit les yeux et effleura le visage de la jeune femme du bout des doigts. Il comprenait qu'elle ne s'ouvre pas à lui d'elle-même : c'était comme si ces quelques mots lui avaient échappé, comme si elle n'avait pas vraiment eu l'intention de lui en parler. Le jeune homme était bien mal placé pour en prendre ombrage, lui-même conservait encore quelques secrets, honteux ou douloureux, qu'il ne souhaitait pas lui révéler dans l'immédiat. Il attendait simplement que le moment soit venu.

« Si tu veux en parler, tu sais que je suis prêt à t'écouter. » Effleurant la joue de Niila sans vraiment la toucher, il ajouta avec un pâle sourire: « Peu importe quand. »

Une part de lui-même désirait en savoir plus sur ce passé dont il ne savait rien. Niila savait-elle ce qu'était devenue sa famille, ce qui était arrivé à son clan ? Se souvenait-elle d'assez de choses pour préférer sa vie d'autrefois à celle d'aujourd'hui ? Égoïstement, Wakumbë craignait qu'elle se mette à vivre dans le passé, chérissant sa mémoire enfin retrouvée. Il craignait de la perdre, alors qu'elle venait tout juste de recouvrer la maîtrise de son enfance.
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Potière du clan Chilchaki
Niila Blanches Paumes
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MessageSujet: Re: Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650]   Le froid est Juge [Event Chilchaki - Wakumbë - milieu d'Automne 1650] Icon_minitime4/2/2015, 20:37

Wakumbë déposa sa paume chaude sur l'épaule de Niila. De surprise, celle-ci releva la tête dans sa direction, peut-être voulait-il lui dire quelque chose? Mais lorsqu'elle croisa son regard, elle comprit qu'il se doutait que quelque chose la perturbait. Elle ne voulait pas l'affronter dans l'immédiat, aussi, elle baissa les yeux. Mais le chemenn n'était pas dupe, et sans attendre il saisit le menton de la jeune femme pour lui faire relever le visage à nouveau.
Elle plongea l'azur de ses yeux dans ses pupilles et écouta donc ce qu'il avait à lui dire, espérant secrètement qu'il ne chercherait pas à savoir. Pas maintenant.
Elle-même ne savait pas comment réagir fasse à l'apparition de ses souvenirs, elle ignorait encore ce qu'elle devrait ou pourrait faire.

A son grand soulagement, il prononça des mots réconfortants et comme Niila s'était apparentée à la fleur précédemment, elle comprit la métaphore dont il usa. 
Oui, avec douceur et patience, Khilmari l'avait ramené à la vie et aujourd'hui, grâce à ses attentions elle avait trouvé l'amour en Wakumbë. Comme une fleur peut éclore au soleil, le cœur de Niila s'était épanouit avec l'amour.
Il déposa un baiser sur son front avant de se rallonger, et elle ne put que hocher la tête en réponse à ses mots.Il avait raison, elle le savait bien, mais son problème actuel était en priorité de savoir ce qu'elle ferait une fois rentrée au campement.

Wakumbë, dans sa délicatesse habituelle, lui indiqua qu'elle pourrait lui en parler, quand elle le souhaiterait, et Niila se sentit soulagée. Il ne la forcerait pas, il lui donnait le temps de se reprendre et de faire le point ou le tris sur ses sentiments.
Elle soupira lentement et acquiesçât d'un « hum » affirmatif avant de clore à nouveau ses yeux.
Dans les heures qui suivirent la respiration de Wakumbë était toujours aussi paisible et cela la rassura. Elle même se sentait sombrer, comme bercée par le torse du jeune homme se soulevant en une succession de vagues douces et calmes, comme une mer tranquille. Elle se sentit plusieurs  fois somnolente mais se refusait à s'endormir. Elle devait rester éveillée, pour le protéger et pour s'assurer que lui respire.
Aussi, elle releva la tête et le contempla un moment.

La lueur des flammes s'amenuisant, projetait d'étranges ombres sur son visage blanc. Ses yeux étaient clos et paraissaient paisible et à travers sa bouche légèrement entrouverte, l'air allait et venait doucement. Les lèvres de Niila s'étirèrent en un sourire affectueux et elle approcha sa main du front du Chemenn pour dégager une mèche claire, mais elle se souvint alors que ses bandages ne lui permettaient pas de le toucher avec autant de délicatesse et s'interdit donc de le faire.

- J'aimerais vraiment que tu connaisses l'histoire de Porenn. La petite Porenn qui survécut par deux fois à l'avalanche, chuchota-t-elle doucement. Mais...c'est trop tôt je crois, même pour moi.

Tristement, elle reposa sa joue contre son torse et ferma les yeux.
Porenn du clan Sorsha. Elle se souvenait de la voix de sa mère l'appelant au bord de la rivière, de ses éclats de rire face aux incompréhensions de sa fille. Elle se souvenait de l'odeur de leur tente, des plantes que sa mère allait cueillir pour confectionner nombre de recettes de tisane, connues d'elle seule. Plus elle y songeait et plus les souvenirs se ravivaient. Comme une braise sur laquelle on souffle et qui se répand, sa mémoire semblait s'ouvrir, souvenir par souvenir.
Sa tête lui faisait mal cependant, comme si quelque part, son corps refusait cette éventualité.
Oscillant entre le sommeil et l'éveil, elle ouvrait parfois les yeux en sursaut et à chaque fois, retenait son souffle le temps de s'assurer que celui de Wakumbë était toujours présent.
La nuit lui sembla sans fin et lorsque la lumière matinal pointa à travers l'entrée de la caverne, elle fut soulagée.

Frissonnante et épuisée, elle glissa hors des couvertures et raviva le feu avant de vérifier l'état de son manteau et de ses bottes. Satisfaite de voir qu'ils étaient secs, elle enfila les deux, sans prendre la peine de lacer ses chaussures fourrées puisqu'elle ne le pouvait pas et sortit sous le regard curieux des rennes.
Il ne neigeait pas, bien que le ciel soit menaçant, on pouvait aisément voir que les nuages se lèveraient avant la fin de la matinée. Tant mieux, ils pourraient rentrer aujourd'hui.
Elle revint à l'intérieur pour faire lever les rennes et les laisser manger à leur convenance à l'extérieur.
Wakumbë s'agita légèrement et lorsqu'il ouvrit enfin les yeux, elle lui lança un sourire :

- Salut ! Je sors les rennes, comment tu te sens ?
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