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| ♦ Loup Noir et Loup Blanc ♦ [Wakumbë - 88è jour d'été - Épieux] | |
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| Sujet: ♦ Loup Noir et Loup Blanc ♦ [Wakumbë - 88è jour d'été - Épieux] 13/1/2015, 23:19 | |
| ♦ Loup Noir et Loup Blanc ♦ Wakumbë Flocon-Bleu / 88ème jour d'été 1650 / Chaîne d'Épieux Assit négligemment sur une branche basse d'un vieux pin, le dos appuyé contre l'écorce rugueuse du troncs, l'homme laissait pendre dans le vide une de ses jambes tandis qu'il bourrait correctement sa pipe. Il ne portait qu'un pantalon et une paire de bottes, laissant à l'air libre ses épaules et son ventre couvert de peintures rouges. Seul un bandage enserrant son biceps gauche couvrait un peu de sa peau. La journée était belle, très ensoleillée, et la forêt bruissait de mille et une vies secrètes. Au milieu d'elles, Hellëik venait d'allumer sa pipe et soufflait un premier nuage de fumée qui fut dispersé entre les aiguilles qui surplombaient sa tête. Il ne savait pas encore quelle direction il allait prendre : le sud ou le nord ? Il avisa d'un coup d’œil son sac à dos, tout ce qu'il restait de ses possessions terrestres et qui était pour l'instant suspendu à une branche, à portée demain, mais perché à deux mètres du sol tout comme lui. Ce sac ne renfermait pas grand chose finalement, il n'irait pas bien loin s'il s'aventurait au nord alors que l'été touchait à sa fin. Peut-être qu'il valait mieux pour lui d'aller au sud. Il y trouverait des Mésorians et donc, de la chaleur ainsi que la possibilité de se soigner en cas de pépin. Ce n'était pas un mauvais plan.
Cela faisait tout juste deux jours qu'il avait débarqué sur Epieux. Les pirates qui l'avaient amené jusqu'ici l'avaient laissé en aval de leur planque, comme convenu. La séparation avait été rapide, pas de copinage, pas d'au revoir, simplement chacun retournant à ses affaires après un bref hochement de tête. Hell n'appréciait pas particulièrement les pirates, mais il n'avait rien contre eux non plus, dans l'absolu. Et cette fois ils s'étaient avérés bien utiles pour lui faire traverser les mers le plus loin possible des Draöxis. Depuis deux jours, le chemenn marchait plein est, regagnant la forêt qui léchait les pieds des montagnes. Dormir à la belle étoile ne le dérangeait pas plus que cela, les températures étaient encore clémentes. Mais à présent qu'il avait rejoint les montagnes, il devait se décider sur un nouveau cap. En ce début d'après-midi, il prenait donc le temps de réfléchir en profitant des bienfaits du climat.
C'était très différent d'Opale. Pas de chaleur torride et écrasante, de la végétation partout, les animaux tout autour, la vie. Il se sentait mieux de retrouver ainsi un terrain familier. Ses sens retrouvaient le bruits et les odeurs auxquels ils étaient habitués, les vieux réflexes étaient revenus sans qu'il se rende compte. Finalement, tout dans sa vie n'avait pas été broyé par le passage des guerriers du sud. Il avait récupéré son nom, sa liberté et son environnement préféré, c'était déjà un bon départ. Son clan avait l'habitude de venir parfois dans le nord, pas aussi loin mais le paysage était tout de même ressemblant. Le chemenn ne doutait pas qu'il parviendrait à s'en sortir. Il sortit de son sac un petit morceau de bois gros comme une pomme et qu'il était en train de tailler avec patience. Le couteau pour la taille apparut rapidement d'une des poches de l'okanaki et il coinça sa longue pipe recourbée entre ses dents pour commencer à travailler sa sculpture. Des petits copeaux tombaient de son perchoir tandis qu'il s'absorbait dans son travail, un nuage de fumée blanche s'échappant parfois d'entre ses lèvres. D'une main, il avait rabattu sur un côté ses cheveux noir, dévoilant à une trouée de lumière son profil concentré, orné de piercings et de quelques peintures sous ses yeux bleus. Sans y prêter attention, il se mit à fredonner d'une voix grave un air qu'il connaissait par cœur— Bonsoir, amis loups La journée est finie. Tout est calme et sans bruit, Autour du feu qui nous dit: Bonsoir, amis loups, Oubliez vos soucis Et gardez dans vos cœurs De la joie pour la nuit.Entre ses mains, le bois prenait dorme doucement. Caressé, sculpté, façonné, il commençait à étirer ce qui bientôt serait des ailes et on devinait déjà la tête du rapace. Le chemenn s'appliquait beaucoup, s'il réussissait il pourrait ajouter une nouvelle sculpture à sa liste d'offrande. Il espérait qu'Eliwha ferait passer son message, d'une façon ou d'une autre. Mais il savait déjà que sa déesse comprenait sa démarche, toute la confiance qu'il plaçait en elle et tout ce que cette petite sculpture pouvait représenter. Il espérait que dans le sud, il y aurait aussi du bois à tailler. |
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| Sujet: Re: ♦ Loup Noir et Loup Blanc ♦ [Wakumbë - 88è jour d'été - Épieux] 17/1/2015, 00:45 | |
| La chaîne d'É pieux comptait parmi les paysages que Wakumbë affectionnait le plus. Le jeune homme avait longtemps eu une tendresse particulière pour ces montagnes dont les flancs verdoyants s'étalaient jusqu'à l'infini en été, avant de disparaître sous plusieurs pieds de neige immaculée une fois l'hiver revenu. Les sommets des plus hauts pics restaient blancs toute l'année, comme une preuve que les beaux jours n'étaient qu'un court instant de répit avant le retour de la tempête. En tant que Chilchaki, Wakumbë avait appris à apprécier l'hiver. Mais l'été et sa douceur conservaient une place dans son cœur. Il se sentait toujours plus léger lorsque le soleil luisait haut dans le ciel azuré, et que les arbres élevaient leurs bras fleuris comme pour inciter les oiseaux à s'y poser.
Alors qu'il traversait la forêt, le jeune homme se remémora la raison de cette promenade. Outre le fait qu'il appréciait toujours autant les excursions en solitaire, les Chasseurs du clan avaient rapporté la présence d'un étranger dans la vallée. En d'autres occasions, cela n'aurait pas valu la peine de s'y intéresser : peu vivaient aussi loin dans le nord, mais ceux qui osaient s'y aventurer n'y restaient généralement pas souvent. Toutefois, les Chasseurs avaient décrit l'étranger comme ayant un « air bizarre » et « pas net », entre autres joyeusetés. Les hommes n'avaient pas approché l'individu et s'étaient contenté de l'observer de loin sans se faire repérer. Les rumeurs étaient allées bon train au campement : on s'imaginait des tas de choses sur cet inconnu bien mystérieux. Amusé et intrigué à la fois, Wakumbë avait décidé de voir ça par lui-même. Il ne craignait pas de tomber dans un traquenard ou de se faire agresser – les Chasseurs aimaient bien exagérer. Au mieux pourrait-il aider l'étranger si besoin était, en lui offrant un toit ou un repas chaud. Plusieurs voyageurs s'étaient déjà égarés dans les environs au cours des années, et les Chilchakis offraient le repos et la sécurité aux démunis tout en les protégeant du froid. Tous n'étaient pas habitués à la nature cruelle qui régnait en maîtresse dans la région. Même l'été, les montagnes restaient pleines de dangers. Wakumbë se faisait un devoir de tendre la main à ceux qui en avaient besoin.
Le jeune homme fit rouler ses épaules afin d'ajuster le poncho en laine de lampaga qui les couvrait. Malgré le soleil, l'air demeurait frais. A sa ceinture pendait une serpe et une outre remplie d'eau claire, dont il bu une gorgée avant de reprendre sa marche. Les Chasseurs lui avaient indiqué une direction à prendre, et il ne mit pas longtemps avant de tomber sur l'Okanaki en question. L'étranger trônait au centre d'une clairière et semblait manifestement occupé à sculpter quelque-chose dans un morceau de bois. Wakumbë resta un moment à la lisière de la clairière, observant l'individu, appuyé contre un tronc et croisant les bras sur sa poitrine. L'étranger chantonnait d'une voix grave un air qu'il ne connaissait pas. Le Chemenn resta dans l'ombre plusieurs minutes, épiant le moindre geste de l'Okanaki qui lui présentait son profil aux traits durs. Cet homme ne semblait pas spécialement menaçant : un artiste égaré, et rien d'autre. Il y avait certes une lueur étrange dans le regard de l'individu, mais peut-être était-il simplement inquiet ou un peu hébété. Et s'il avait un drôle d'air, cela devait venir des marques rouges qui couvraient son corps. Probablement pas de quoi s'inquiéter ! Les Chasseurs avaient encore voulu faire leurs intéressants, et voilà tout.
Lorsque la mélodie fut achevée, Wakumbë se racla la gorge et lança, souriant :
« Que voilà une bien jolie chanson ! »
Le Chemenn fit un pas avant d'exécuter le salut Okanaki, poing sur l'épaule. D'un ton qui se voulait amical, il poursuivit :
« Mon nom est Wakumbë Flocon Bleu. Mon clan réside non loin d'ici. As-tu besoin de quelque-chose ? Es-tu égaré, as-tu faim ou soif ? »
Paroles habituelles que Wakumbë connaissait par cœur à force de les entendre prononcer. Ces quelques mots avenants décrivaient probablement très bien la mentalité du clan Chilchaki. Restait à savoir si cet étranger saurait s'y montrer réceptif... |
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| Sujet: Re: ♦ Loup Noir et Loup Blanc ♦ [Wakumbë - 88è jour d'été - Épieux] 1/2/2015, 01:33 | |
| Quand la voix de Wakumbë interrompit le fil de ses pensées, le geste du chemenn se suspendit et son regard se tourna vers la source du bruit. Il resta un moment immobile et silencieux avant de tourner la tête vers l'étranger qui se présentait à lui pour l'observer de haut en bas. Quelqu'un qui sortait de nul part pour proposer son aide, c'était suspect. Il devait vouloir autre chose ou alors il n'était pas seul et les chasseurs de son clan n'étaient pas loin. Hell fourra sa sculpture en cours dans sa poche et attrapa son sac pour y ranger le couteau avant de sauter à terre. Il avança droit vers Wakumbë mais arrêta son chemin à environs trois mètres de lui. Une fois de plus il le détailla : ce type était aussi grand que lui, ce n'était pas souvent qu'il avait son équivalent en taille. Et il n'y avait pas que ça qui dénotait dans l'aspecte général de son drôle d'interlocuteur, mais il n'en fit pas la remarque à voix haute. D'un mouvement de l'épaule il ramena son sac sous son bras et en sorti une gourde pleine ainsi que de la viande séchée.
— Eau. Nourriture. Et carte, ajouta-t-il en pointant sa tempe.
Il n'était ni perdu ni dans le besoin et la sollicitude des étrangers le mettait mal à l'aise, voir sur ses gardes. Il cherchait où était le piège, mais son attention était détournée par l'aspect singulier de Wakumbë. Il rangea ses affaires et se sorti la pipe de la bouche en croisant les bras avec l'air de réfléchir avant d'exhaler un épais nuage de fumée blanche au visage de son interlocuteur.
— Wakumbë Flocon-Bleu ? C'est plutôt Flocon-Blanc qu'il aurait fallut t'appeler, étant donné la couleur de tes cheveux. Tu n'as pas l'air d'être si vieux que ça pourtant...
Ce fut seulement à ce moment là qu'Hellëik sembla se rappeler qu'il n'avait pas salué. Il rendit donc la politesse à son visiteur et son visage se dérida sans raison, laissant place à un sourire presque charmeur auquel il accrocha de nouveau sa pipe le temps d'en tirer une nouvelle bouffée.
— Helleïk Songe-Corbeau. Charmé de faire ta connaissance.
Les prunelles claires du chemenn se confrontèrent un moment à celles de son homologue. Passer de la méfiance froide à une attitude approchant du flirt, c'était tout à fait lui. Une des raisons qui avaient poussés les pirates à le laisser tranquille c'était cette attitude étrange et un peu déconcertante qu'il avait toujours. Beaucoup s'étaient sentis trop mal à l'aise pour oser répondre quoi que soit, préférant simplement l'éviter pour la durée du voyage, ce qui arrangeait les affaires de l'okanaki. S'adossant avec négligence à un arbre proche, une main dans une poche et l'autre portée à la pipe, Hell pencha légèrement la tête sur le côté, laissant une mèche noire de ses cheveux lui barrer le front.
— Tu as l'air d'être venu exprès pour mes beaux yeux, ton clan me surveillerait-il ? Pourquoi ne pas être venu plus tôt ? Je ne mords pas sans bonnes raisons. |
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| Sujet: Re: ♦ Loup Noir et Loup Blanc ♦ [Wakumbë - 88è jour d'été - Épieux] 7/2/2015, 17:56 | |
| Sans trop savoir pourquoi, Wakumbë eut l'intuition qu'il n'apprécierait guère cet étranger. Il n'était pas apte à juger aussi vite les inconnus d'ordinaire, et préférait leur laisser le bénéfice du doute avant de se forger une opinion. Mais il y avait quelque chose chez cet Okanaki qui le dérangeait, qui l'agaçait. Peut-être était-ce son regard narquois, obscurci par quelque voile malsain. Peut-être était-ce le sourire satisfait mais hautain qu'il affichait en lui répondant. Wakumbë sentit que les choses ne seraient pas simples entre eux, mais s'efforça de faire abstraction de ce pressentiment désagréable. Les Chilchakis l'avaient élevé dans la patience, la bienveillance : à lui de faire de même à l'égard de cet homme. Peu importaient ses états d'âme : il ne connaissait rien de cet étranger, et ne pouvait se permettre de le juger de manière aussi arbitraire.
Rapidement, l'inconnu répondit à sa proposition en signifiant qu'il avait tout ce qui lui fallait. Quand l'Okanaki désigné sa tête pour préciser qu'il n'était pas perdu, Wakumbë ne put s'empêcher de hausser un sourcil, peu convaincu. Cet étranger avait un drôle d'air qui ne l'incitait pas vraiment à le croire sur parole. Il y avait une lueur dans son regard qui rappelait étrangement celle qui hantait les yeux des fous. Pas tout à fait la même, mais presque. Assez pour que ce soit dérangeant.
La méfiance de l'inconnu ne lui échappa pas, mais cela lui était bien égal : lui-même restait sur ses gardes, même s'il avait fait l'effort de ne pas le montrer de prime abord. Mais désormais, il croisait les bras sur sa poitrine, toisant l'étranger avec assurance. En cas de problème, son statut de Chemenn ne lui permettrait pas de défendre sa vie convenablement, mais ça, l'inconnu n'étant pas censé le savoir. Ils faisaient la même taille, étant plutôt grand pour des Okanakis tous les deux. Wakumbë avait déjà eu l'occasion de se tirer de situations épineuses en bluffant, et il n'y avait pas de raison que cette astuce ne fonctionne pas aujourd'hui, s'il devait en arriver à de telles extrémités.
L'inconnu fit une remarque désobligeante sur son apparence physique, à laquelle Wakumbë répondit avec un sourire des plus froids :
« C'est en référence aux yeux, en fait. »
Enfin, l'autre se présenta. Songe-Corbeau. Aussitôt, l'imagination du Chemenn se mit en mouvement : quel événement avait pu causer l'apparition d'un tel surnom ? Il n'était pas assez clair pour qu'on puisse le deviner facilement. En réponse à sa présentation, Wakumbë hocha la tête, rendant son regard à Helleïk, qui le fixait désormais avec affront. Le jeune homme avait la désagréable impression que l'autre se payait sa tête, ce qui ne l'incitait pas à ignorer son appréhension. La dégaine, l'expression de l'étranger auraient pu le mettre mal à l'aise s'ils s'étaient rencontré quelques années plus tôt. Mais désormais, Wakumbë en était simplement agacé. Le jeune homme lui rappelait un adolescent monté en graine, lequel refuserait de grandir pour entrer dans l'âge adulte. Il y avait une forme d'insouciance effrontée dans l'expression farouche et sauvage du voyageur, et peut-être était-ce en partie cela qui l'énervait. Ça, ou bien son attitude soudainement douceâtre et mielleuse. Wakumbë ne put s'empêcher de se sentir vaguement mal à l'aise tandis que l'autre le dévisageait, nonchalamment adossé à un arbre en un discret déhanché. Par Eliwha, c'était quoi son problème ?
Néanmoins, il ne laissa rien paraître de son malaise et répondit d'un ton égal :
« Tu as l'air d'avoir une haute opinion de ta personne, pour trouver curieux que personne ne soit venu te trouver plus tôt. » Wakumbë ne put s'empêcher d'ajouter, avec un plaisir facile : « On m'a beaucoup parlé d'un étranger qui chante tout seul dans la forêt, j'avais envie de voir ça par moi-même. Et ma foi, je ne suis pas déçu du spectacle. » Avec un sourire hypocrite, il haussa une épaule, comme sous le coup de l'émotion : « Quelle voix cristalline ! Je connais plusieurs fillettes qui seraient jalouses. »
Dissimulant sa satisfaction – plaisir puérile, certes, mais follement jouissif – le jeune homme croisa les mains dans son dos et fit quelques pas dans la clairière, ignorant délibérément l'étranger qui était resté auprès de son arbre.
« Plusieurs chasseurs de mon clan t'ont aperçu, et il a vite été question de savoir si tu pouvais nous nuire ou pas. Nous sommes pacifiques, mais c'était une question de sécurité... comme tu étais seul, je n'ai pas pensé que tu puisses constituer une menace. » Se tournant à nouveau vers l'étranger, Wakumbë ajouta d'un ton intense, sans sourire ni sourciller : « J'ai eu tort ? »
C'était une question abrupte, certes, mais l'attitude de l'étranger ne l'incitait pas vraiment à la politesse. |
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| Sujet: Re: ♦ Loup Noir et Loup Blanc ♦ [Wakumbë - 88è jour d'été - Épieux] 10/2/2015, 17:02 | |
| Hell ne se décolla pas du tronc d'arbre auquel il était adossé et ses yeux restaient rivés sur son visiteur. A la manière des chats, il adoptait une attitude indolente pour mieux cacher le fait que chacun de ses sens était en alerte. Visiblement son attitude avait mit en rogne l'étranger qui s'était montré jusque là plutôt amical. A présent il avait droit à quelques insultes volontairement mal dissimulées et...une menace ? En tout cas une mise en garde. Rien qui ne puisse l'effrayer, il n'avait plus peur de grand chose à présent, mais le message était assez clair pour qu'il le prenne en considération. Il accueillit la dernière question de Wakümbe avec un grand rire, comme si cette éventualité était la chose la plus hilarante qui lui ai été donné d'entendre.
— Ton clan doit être plein de valeureux guerrier dis moi ! Pour avoir préféré rester cachés dans les buissons à m'observer plutôt que de m'intercepter... J'hésite entre penser qu'ils sont trop timorés pour approcher un inconnu ou trop négligeants pour laisser une potentielle menace se promener près de chez eux. Tu devais parler d'eux en évoquant les fillettes de ton clan !
Et pan, dans les dents. S'il voulait s'aventurer sur cette pente alors tant mieux ! Chez les Draöxis, Hellëik avait eut le temps de remâcher ses mots des centaines de fois sans pouvoir les cracher, à présent il n'allait pas se priver. La rancœur lui avait rongé l'âme pendant de longues semaines et laissé des cicatrices pareilles aux sillons torturés que creusent les vers dans le bois. Déverser un peu de venin le soulageait. Pourtant rien sur son visage n'exprimait d'animosité.
— Rassure toi, je ne compte pas mettre les pieds dans ton clan. A vrai dire, si je pouvais l'éviter le plus possible je serais le plus heureux des hommes, la compagnie de mes semblables me donne des allergies ces derniers temps.
Et il rit à nouveau à ce qui semblait être une bonne blague qu'il était le seul à comprendre. Mais c'était vrai, s'il pouvait se tenir loin, très loin des clans okanakis il se sentirait beaucoup mieux. A présent, même les Mésorians et ces imbéciles de Torkos lui semblaient de meilleure compagnie que ses congénères et il ne doutait pas un instant que soigner son récent traumatisme prendrait un peu de temps. Et jusqu'à ce qu'il se sente l'envie de renouer des liens, il comptait bien fuir les nomades de son peuple. Ou tout du moins, les grands groupes organisés. Une bouffée de fumée s'échappa d'entre ses lèvres entre ouvertes et il abandonna son air enjôleur pour une expression plus en accord avec son sentiment présent : un savant mélange d'insolence légèrement méprisante et d'interrogation.
— Je ne suis pas une menace pour les tiens. Mais peut-être que j'en suis une pour toi. Les chemenns sont la voix de la sagesse pour les leurs, alors dis moi en quoi il est sage de ta part d'être venu à la rencontre d'un inconnu armé et inquiétant quand toi-même tu n'as rien d'autre pour te défendre que ton esprit et ta langue ? Ce n'est pas avoir une haute opinion de moi que de trouver curieux que ce soit quelqu'un comme toi qui vienne me voir. Et avec tant de retard. En deux jours sur vos terres j'aurai pu faire des dégâts, c'est très imprudent d'avoir négligé une menace potentielle. Et plus imprudent encore que ce soit toi qui vienne tâter le terrain.
Hell se redressa alors avec un grand sourire et écarta les bras en s'approchant de Wakümbe comme s'il voulait l'embrasser. Sa voix résonna fort sous la voûte végétale :
— Après tout, qui t'as dit que j'étais sain d'esprit ? Que j'étais pacifique ? HA !
Il immobilisa ses pas juste à côté de son homologue et laissa retomber ses bras le long de son corps, abandonnant aussi son sourire démentiel. La fumée s'échappait de sa bouche comme d'un feu naissant.
— J'espère que ta curiosité à été satisfaite. Et remercie Eliwha qu'il ne s'agisse que d'un de ses enfants chéris et non d'un assassin qui aurait prit ta vie par simple plaisir.
Il venait de mettre le doigt dessus : ce qui l'énervait et le rendait méfiant, ce n'était pas tant le fait qu'un étranger soit venu le voir, mais surtout le fait que ce soit le chemenn d'un clan qui ai prit ce risque. C'était une démarche stupide et risquée, voir qu'il y avait encore des gens aussi naïf sur Archipel le rendait malade. La vie était violente, injuste et fauchait les vies des hommes sans pitié, il fallait vraiment avoir la peau tendre et ne rien avoir perdu d'important pour se montrer aussi insouciant. Voir qu'il y avait encore des hommes heureux et naïf le rendait fou, lui renvoyait sans cesse l'image de ce qu'il avait perdu pour toujours. Comme il aurait aimé broyer ce Wakümbe, lui arracher tout ce qui comptait jusqu'à ce que lui aussi ai ce vide effrayant dans le cœur et que l'idée même de venir en aide à un inconnu ne lui effleure pas l'esprit. Comme il aurait aimé que le monde entier souffre du même mal que lui. Mais il allait garder ça pour lui, bien caché à l'intérieur, là où personne ne pourrait le voir et la folie douce de ses drogues serait la seule maîtresse de son âme.
Si ce qu'il venait de dire ne faisait pas définitivement fuir cet homme, alors soit il n'avait pas tapé assez fort, soit il avait sous-estimé la curiosité du chemenn.
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| Sujet: Re: ♦ Loup Noir et Loup Blanc ♦ [Wakumbë - 88è jour d'été - Épieux] 7/3/2015, 12:09 | |
| Il était difficile de décider ce qui était le plus agaçant. Que cet inconnu retourne avec tant de plaisir ses propos contre lui, jouant avec lui comme un enfant s'amuse avec une poupée de chiffon, ou qu'il le toise avec un dédain aussi évident. Wakumbë croisa les bras et lui rendit son regard tandis qu'Helleïk répondait sans se presser. Pas besoin d'être devin pour comprendre que cet étranger prenait un malin plaisir à choisir ses mots pour blesser son interlocuteur. Mais le Chilchaki était insensible à ce genre de perfidies, car lui-même en usait parfois pour se tirer de situations désagréables. La rhétorique ne le blessait que lorsqu'elle touchait des sujets sensibles. En un sens, s'il n'ouvrait pas son cœur à ce type, tout irait bien. Pas vraiment de quoi s'inquiéter.
Ainsi l'écouta-t-il chambrer la virilité des chasseurs de son clan, arquant légèrement un sourcil désabusé. Wakumbë ne prit pas la peine de préciser que les-dits chasseurs s'étaient relayés pour toujours garder un œil sur l'inconnu, jour comme nuit. Cela aurait été inutile, cet Okanaki aurait rejeté ce détail comme tout le reste. Il semblait que l'étranger souhaitait vider son sac et déverser sa verve sur quelqu'un, sans raison valable. C'était moins blessant que s'il avait réellement pensé le moindre de ses mots, aussi Wakumbë ne prit-il pas ombrage en l'entendant décrier le fonctionnement de son clan adoptif.
Manifestement, Helleïk n'appréciait pas (ou plus?) la présence de ses semblables. La curiosité naturelle du Chemenn l'incitait à demander pourquoi, mais il se retint, ne souhaitant pas interrompre l'étranger dans son monologue. Comme le disait le dicton, mieux vaut attendre que tout le pus se soit écoulé avant de bander la plaie.
Tout à coup, l'expression de l'individu changea. L'air charmeur et enjôleur disparut pour laisser place à la sournoiserie et à l'insolence, ce qui interpella suffisamment Wakumbë pour le faire froncer les sourcils. Il attendait de voir en quoi la situation allait changer, et ne fut pas déçu. Les prochains mots de l'étranger ébranlèrent son masque de fermeté : sourcillant, le Chilchaki décroisa les bras un instant, avant de reprendre une contenance en fourrant les poings dans les poches de son pull. Comment cet homme avait-il pu deviner qu'il faisait face à un Chemenn ? La question obnubilait tant Wakumbë qu'il écouta à peine le reste du monologue que lui proposait son interlocuteur. Rares étaient ceux qui pouvaient deviner d'un simple regard que tel était un Chemenn, et tel autre non. En général, pour le deviner, il fallait être Chemenn soi-même. Perturbé, le jeune homme laissa son regard s'égarer sur le visage et le corps de l'individu, s'attardant sur le moindre détail. Difficile de croire que ce type puisse être un serviteur d'Eliwha lui aussi. Par les dieux, il était armé ! C'était totalement interdit !
Wakumbë fut ramené à la réalité quand l'autre fit un pas en avant en écartant les bras. Croyant qu'il allait l'enlacer, le Chemenn recula d'un pas, méfiant. Le sourire démentiel de l'étranger ne laissait aucun doute sur sa santé mentale. Il avait à faire à un fou, et à rien d'autre. Après une dernière pique à propos de sa curiosité dévorante, l'inconnu s'écarta en retrouvant une expression plus calme. Cela ne le rassura qu'à moitié : quel genre de personne était capable de passer d'un extrême à un autre en une poignée de secondes ?
Comme le silence retrouvait ses droits dans la clairière, Wakumbë finit par demander sans sourire :
« Ça y est, tu as fini ? »
Comme l'autre ne prenait pas la peine de répondre – il ne s'attendait pas à autre chose de toute manière – le jeune homme alla s'asseoir sur la souche qui trônait au centre de l'espace. Autant pour reposer ses jambes que pour montrer à l'étranger qu'il n'avait nullement l'intention de partir tout de suite. Cela l'amusait beaucoup, mais il fit de son mieux pour le cacher. Cela n'aurait pas fait très sérieux.
« Peut-être que mon comportement n'est pas des plus avisés, c'est vrai. Mais puisque tu es un fils d'Eliwha toi aussi, il me semble que ta propre conduite laisse à désirer. Les armes te sont interdites. Ton mentor ne te l'a pas appris ? Ou bien n'a-t-il pas achevé ton enseignement ? »
Une autre question germait dans l'esprit du Chemenn. S'il cet étranger gardait les armes, peut-être était-ce car sa situation ne pouvait empirer. S'il était armé et seul, probablement avait-il quitté son clan d'origine. Peut-être était-il banni ? Mais quel crime avait-il pu commettre pour mériter un tel sort ? Wakumbë aurait du en être inquiété, voire effrayé. Effectivement, si Helleïk affirmait tout à coup des intentions belliqueuses, il aurait peu de chances de s'en sortir indemne. Mais quelque chose lui disait que cela n'arriverait pas. Si cet étranger avait eu l'intention de se débarrasser de lui, il aurait pu le faire bien plus tôt. De plus, il n'avait pas le profil du meurtrier dépourvu du moindre scrupule. Il l'avait dit lui-même.
Wakumbë était partagé entre le mépris et la compassion. En tant que Chemenn, il comprenait le poids des responsabilités qui pouvaient peser douloureusement sur les épaules d'Helleïk. Peut-être avait-il craqué, cédé à la panique, et commis une erreur irréparable tout en s'en repentant ? C'étaient des choses qui pouvaient arriver. Mais d'un autre côté, ça semblait peu probable. Cet homme ne paraissait pas être du genre à faire n'importe quoi n'importe comment. Oh, c'était clair qu'il n'avait pas toute sa tête – à moins qu'il fasse exprès ? Mais ce n'était pas pour autant qu'il fallait le prendre pour un imbécile. Il y avait des fous très intelligents et diaboliquement bien organisés. Intrigué, Wakumbë pencha la tête sur le côté, dévisageant l'individu sans gêne aucune.
« Je souhaitais simplement t'apporter mon aide. Et quoique tu puisses penser, c'est toujours le cas. Je sais faire peu de choses, mais mon mentor m'a appris à écouter les autres et à leur offrir tout le soutien possible. »
Après un court silence, le Chemenn poursuivit en écartant les bras, faussement désolé :
« Navré ! Je crains que ma curiosité ne réclame d'autres réponses. Si tu ressens l'envie de parler de ce qui t'est arrivé... » Wakumbë marqua une courte hésitation, avant d'appuyer ses coudes sur ses genoux et de poursuivre : « Je ne crois pas que tu sois volontairement malveillant à l'égard des autres. Tu n'as pas l'air d'être une brute, plutôt le genre de personne qui n'hésite pas à tout mettre en œuvre pour se défendre. Ou se faire respecter. Quant à savoir si tu as perdu l'esprit... c'est totalement surfait. Il y a des questions bien plus intéressantes. Vois par exemple : qu'est-ce qu'un Chemenn fabrique tout seul dans une contrée inconnue, armé jusqu'aux dents et de toute évidence sans but précis ? » |
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