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 « Les gens se sentent seul parce qu’ils construisent des murs au lieu de construire des ponts. » (PV ~ Lorki)

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Anthea Suellen
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« Les gens se sentent seul parce qu’ils construisent des murs au lieu de construire des ponts. »

PV Lorki ~ Printemps 1649, Sentiers d'Ileglace


« Rendez-vous dans la ville d'Ileglace dans trois jours ! » s’exclama Anthea en s’adressant à celui chargé de sa sécurité, Lyam, qui l’accompagnait habituellement.

L’homme lui lança un regard mécontent en hochant la tête. Il se détourna de son interlocutrice et lui rétorqua d’un ton peu enjoué : « Sois prudente. »

La jeune fille resta un instant le regarder s’éloigner à vive allure. Lyam s’inquiétait toujours pour elle. Un peu trop selon la prêtresse d’ailleurs. Il n’appréciait pas du tout de la savoir seule et ne se gênait pas pour le lui faire comprendre. Ce ne fut pas une mince affaire de le convaincre cette fois. Et pourtant, voilà quatre ans qu’ils parcouraient Archipel ensemble et rien de bien dangereux ne leur étaient arrivés jusque-là. Anthea était du genre à prétendre pouvoir se débrouiller seule peu importe la situation. Ce n’était pas vraiment de la prétention, plutôt une volonté trop forte et maladroite de vouloir prouver sa valeur au reste du monde. Espérons que cela ne lui porte pas préjudice.

C’était une des rares fois où la prêtresse s’aventurait seule sur les routes. Lyam avait toujours été à ses côtés depuis qu’elle était devenue marcheuse. Mais là, c’était différent. Anthea lui avait demandé de porter personnellement un message à son père qui résidait dans la capitale du domaine. De son côté, la demoiselle avait un détour à faire dans un village non loin pour soigner quelques malades que la rudesse de l’hiver passé n’avait pas épargné. La mésorianne prit donc la route à son tour, confortablement assise sur son Vhaseres. Derrière elle, Aela, sa jument ébène, les suivait. Quant à Faelan, le jeune renard argenté, il dormait dans une sorte de panier attaché à la selle de l’équidé. La petite troupe avançait d’un pas modéré. Peu à peu, la cité où ils avaient passé la nuit disparaissait de l’horizon pour laisser place à la forêt.

Le voyage s’annonçait calme et peu mouvementé. Peu de gens fréquentaient ce chemin alors il était rare de croiser quelqu’un. Seuls quelques piaillements bruyants venaient rompre le silence. L’un d’entre eux arracha Faelan à sa torpeur. L’animal, visiblement agacé d’avoir été ainsi réveillé, gronda. Évidemment, cela fit éclater de rire la jeune fille qui se rapprocha de lui pour lui offrir une petite caresse en guise de consolation. Le soleil était à son zénith et la faim commençait à gagner Anthea. Elle estima qu’il était temps de faire une pause. Elle guida Ereven en dehors du sentier pour être plus tranquille et moins visible. Malgré tout, la prêtresse avait conscience qu’il fallait rester prudent et qu’elle représentait une cible facile.

Anthea mit pieds à terre et laissa Ereven brouter à son aise. Elle alla desseller Aela qui ne tarda pas à se joindre au Vhaseres. Faelan, lui, préféra rester auprès de sa maîtresse, attendant patiemment qu’elle partage son repas. Il n’était visiblement pas d’humeur à chasser. La jeune fille s’assit contre le tronc d’un arbre et sortit du sac où se trouvait la nourriture une tranche de jambon qu’elle donna au renard. Une fois Faelan servit, Anthea attrapa un récipient dans lequel se trouvait une soupe qui lui avait été généreusement donnée par la femme qui l’avait hébergé.

Quand le repas fut fini, la prêtresse prit la carte qui se trouvait dans sa sacoche et l’examina. Jusqu’au village où elle devait aller, le chemin était direct. Anthea voulait surtout savoir où elle se trouvait pour voir son avancé. Il était important qu’elle arrive avant la nuit. Voyager au clair de Lune était imprudent et risqué sans escorte. Soudain, Faelan se mit à gronder. Immédiatement, la jeune fille releva la tête et observa son renard. Elle le connaissait suffisamment pour savoir que quand il se comportait ainsi, c’était mauvais signe. Il y avait deux solutions, soit s’était un animal sauvage, soit un intrus. La prêtresse regarda dans la même direction que Faelan mais ses yeux ne parvenaient pas à voir ce qui avait mis le canidé dans un tel état. La végétation était trop dense. Puis, une voix vint briser le silence pesant :

« On est perdue jeune demoiselle ? »

A cet instant, une silhouette masculine sortit de derrière un arbre et s’avança en direction d’Anthea. C’était un homme mésorian d’une trentaine d’années avec un sourire mielleux au coin des lèvres, le genre de personne qui vous mette mal à l’aise sans vraiment savoir pourquoi. La jeune fille se leva en prenant soin de ne pas montrer de signe de nervosité. Elle replia soigneusement sa carte avant de la ranger et daigna enfin répondre à l’inconnu :

« Non. Je sais où je suis et ou je vais. Merci de vous en inquiéter. »

« Oh mais je vous en prie charmante demoiselle. Et où allez-vous donc comme ça ? »

« Je regrette mais cela ne vous regarde pas monsieur. Pourriez-vous partir, vous effrayez mon renard. »

A ces mots, l’homme jeta un regard en biais audit animal. Faelan avait hérissé tous les poils de son corps et montrait les crocs. Si l’inconnu faisait l’erreur de s’approcher d’un peu trop près, il lui sauterait à la gorge sans hésitation. Malgré sa corpulence plus fine qu’un chien de taille moyenne, le renard représentait tout de même un danger potentiel. Il ne parviendrait peut être pas à tuer un homme adulte seul mais sa morsure pouvait infligeait des blessures non négligeables.

« Mais je ne vous veux aucun mal mademoiselle ! Je voulais seulement un peu de compagnie. » L’inconnu prit un air innocent en agitant des mains.

Anthea le toisa d’un regard méfiant. Même si son interlocuteur semblait inoffensif, quelque chose clochait avec lui et elle savait qu’il valait mieux rester sur ses gardes.

« Je regrette mais je ne peux rien pour vous et de toute façon, je dois repartir. »


Alors que la mésorianne ramassait ses affaires, l’homme changea totalement d’attitude. Un sourire malsain s’étirait sur ses lèvres.

« Tu n’iras nul part, prêtresse. Tu vois, j’ai quelque comptes à régler avec Hygérie et tu tombes très bien. »

Le ricanement qui suivit ses paroles fit frissonner la jeune fille. Il avait donc aperçu la marque sur les paumes de ses mains. La situation devenait fâcheuse. Anthea n’avait aucune envie de devoir se battre avec lui et préférait de loin le fuir. Alors qu’elle s’apprêtait à appeler Ereven qui semblait s’être pas mal éloigné, deux autres hommes, eux aussi mésorians, firent leur apparition derrière le premier.

« Inutile de chercher à fuir ma belle. Comme tu peux le voir, je ne suis pas tout seul ! Allons, rappelle ton chien de garde et reste tranquille… »

« Si vous me faites le moindre mal, Hygérie ne vous le pardonnera pas. » Anthea, en désespoir de cause, balança la réplique qui, d’ordinaire, aurait dû stopper tout mésorian.

« C’est trop tard pour ça ! Hygérie nous a abandonné ‘y a des années ! » rétorqua le second homme en s’approchant un couteau à la main. « Si tu tiens à ton animal, dis-lui de se calmer ou je le plante ! »

Anthea se mordit la lèvre inférieure. La situation n’allait pas tarder à prendre une tournure sanglante. Craignant pour la vie de Faelan, elle le rappela. Le canidé n’obéit pas immédiatement mais finit par s’exécuter à contrecœur et vint se mettre aux pieds de la jeune fille. A ce moment, les trois inconnus ricanèrent l’air satisfait et s’avancèrent dangereusement vers la prêtresse.

« Allez, soit une gentille fille et on te laissera peut être la vie sauve. »

Le cœur d’Anthea battait fort dans sa poitrine à mesure qu’ils se rapprochaient. Elle inspirait profondément pour ne pas céder à la panique qui la conduirait à sa perte. Alors que le premier intrus s’apprêtait à attraper Anthea par le bras, celle-ci lui balança une poignée de sa poudre urticante dans le visage et couru sur le côté pour s’échapper. Malheureusement, l’un de ses compères lui fit un croche-pied et elle tomba à terre. Faelan accourut vers elle et se mit entre Anthea et les trois agresseurs en grondant.

« C’est inutile d’essayer de t’enfuir, tu n’as aucune chance face à nous ! »

La jeune fille, un peu sonnée par sa chute, attrapa le poignard qu’elle gardait dissimulé à sa cuisse droite. Elle ne faisait peut être pas le poids mais il était hors de question de se laisser faire. S’il fallait se battre, et bien soit elle se battrait pour sa vie !




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Îleglace était une île étrange à la beauté particulière. Là où il avait toujours au cœur les paysages d'Opale et ceux de Belhovre où il avait servi Théodore, Îleglace lui offrait un autre genre de beauté. Un genre qui lui faisait revoir ses croyances selon lesquelles les paysages enneigés n'avaient pas grand-chose d'intéressant. Il y avait quelque chose de réellement magnifique dans ce qui s'étendait sous ses yeux. La terre gelée, la toundra glacée, les arbres verts au milieu d'un paysage blanc. Il avait vu des lièvres qu'on aurait peine à discerner de leur environnement et d'autres animaux qu'il n'avait pas eut le temps d'identifier avant qu'ils ne détalent à son approche. Il avait presque l'impression que Déméter se montrait aussi curieuse et attentive que lui. Les oreilles pointées vers l'avant, elle observait tout ce qui l'entourait avec une attention telle qu'il était presque tenté de dire qu'elle ressentait la même chose que lui. L'envie de découvrir, le besoin de savoir.
Un sourire joua sur ses lèvres tandis qu'il levait les yeux sur un Gris Couronné planant dans le ciel. Oh, il avait été bien inspiré de gagner l'île du nord. Même s'il lui avait fallu ruser pour y parvenir et trouver un passeur qui accepte de transporter un Affranchi. Avec le temps il était devenu bon pour trouver des gens qui acceptent de traiter avec ceux comme lui. Et, comme toujours, il n'avait pas eut à débourser une seule piécette. Il avait payé son transport en travaillant et le capitaine du navire avait été plus que ravi de son choix à l'instar du Torkos. Apprendre le métier de matelot commençait doucement à l'intéresser mais ce n'était pas comme si quelqu'un accepterait définitivement quelqu'un comme lui à bord d'un bateau.

Le sentier se déroulait devant eux, ondulant comme un serpent immobile dont le corps s'étirerait jusqu'à l'horizon et bien plus loin encore. Pressant doucement les flancs de Déméter, il passa du pas à un trot léger qu'elle pourrait tenir sur de longues distances sans s'épuiser.
Il alterna le pas et le trot, s'arrêtant parfois pour marcher à côté d'elle. À aucun moment son regard ne resta fixé à un endroit en particulier. Toujours il vadrouilla de droite et de gauche, observant tout ce qui était à sa portée, tout ce qu'il pouvait voir et découvrir. Ce qui n'avait été qu'une vague curiosité devenait un réel intérêt. Originellement, il n'avait ressenti l'envie de venir à Îleglace que pour se donner un endroit où aller, quelque chose à découvrir. Sa liberté acquise, il avait bien l'intention de l'utiliser à bon escient et de ne pas rester sur ce qu'il connaissait déjà.

Il mangea en selle après avoir fouillé ses fontes et trouvé quelques restes acceptables. Il aurait à chasser pour assurer sa prochaine pitance mais il ne s'en inquiétait pas outre mesure. Il improviserait le moment venu et dans le pire des cas, il s'arrangerait avec un marchand ou avec un fermier du coin. Pour l'heure, il devait s'éloigner un peu des territoires Mésorians afin d'éviter les problèmes.
Peu après midi, il improvisa une petite pause pour soulager sa vessie. Il se cacha derrière les arbres afin de ne pas être remarqué par un éventuel voyageur après avoir attaché Déméter à proximité. Il était occupé à relacer son pantalon lorsqu'il entendit des voix non loin de sa position. De prime abord, la situation n'avait pas grand intérêt. Il n'était certainement pas le seul à voyager et à parcourir les routes d'Îleglace mais un élément le fit changer d'avis. Une voix de femme. Fronçant les sourcils, il s'approcha aussi silencieusement que possible. Les Torkos n'étaient pas connus pour leur discrétion et Lorki ne faisait pas exception. Grimaçant à chaque bruissement, au craquement de la neige sous ses bottes et aux grincements des aiguilles de pin, il parvint néanmoins à gagner l'origine des voix. Il était prêt à rebrousser chemin lorsqu'il serait assuré que la femme ne courrait aucun danger mais ce sur quoi il tomba le fit changer d'avis.

Trois hommes faisaient face à une femme, et entre eux se tenait un renard au pelage aussi inattendu que celui qu'il avait croisé plus tôt. Il n'était ni roux, ni fauve, ni blanc. Il était fait d'ombres et d'argent. Apparemment déterminé à protéger sa compagne, il se tenait face aux trois malandrins, les crocs à nus. Il était condamné à mort. N'importe quel animal sauvage aurait prit la fuite, à raison. Mais celui-ci persistait à vouloir protéger une humaine, voué à mourir sans savoir si sa mort aurait la moindre utilité.
Amarok était accrochée à la selle de Déméter, à l'instar de son épée large… mais il n'avait besoin ni de l'une ni de l'autre. La colère courait déjà dans ses veines à la seule vue de la scène. Sans plus s'attarder, Lorki chargea. Ses pieds écrasèrent des branches qui craquèrent sèchement, il jaillit hors des buissons et percuta de plein fouet l'homme le plus proche. Il s'était attendu à la résistance qui allait de paire avec un corps de Mésorian. Il rencontra des os fragiles, une chair faible. L'impact fut plus brutal que ce à quoi il s'était attendu ; résonna des craquements sinistres d'os qui se brisent. Le criminel s'était rassemblé pour parer au choc qui l'attendait, seul réflexe, un réflexe qui ne lui avait été d'aucune utilité et qui révéla combien son corps lui faisait défaut. Il s'effondra, emportant le Torkos surpris dans sa chute.

Il y eut un instant de flottement, le temps que les brigands restants réalisent ce qui venait de se passer et se mettent à hurler et à le charger. Réagissant avec une seconde de retard, Lorki roula sur le côté et évita de justesse un coup d'épée qui siffla à un pouce de son visage. Se relevant d'un bond, il esquiva une nouvelle attaque et passa à l'offensive, le visage dénué de toute expression. L'absence de résistance et les os brisés l'avaient prit au dépourvu et déconcerté mais ça n'avait aucune importance dans l'immédiat. Seuls importaient les épées, les attaques et les grognements enragés. Les insultes qui lui arrachèrent un bref sourire sarcastique. Ça non plus n'avait aucune importance. La lame glissa contre ses côtes sans le blesser. Dans le même temps, son pied écrasa un genou, faisant ployer son propriétaire. Lequel fut accueillit d'un redoutable crochet du droit qui l'envoya au tapis pour le reste de la séance.
Il se retourna de justesse pour effectuer un pas de côté mais la lame ennemie traça une profonde estafilade entre ses côtes qui lui fit serrer les dents. Poussant son avantage, son dernier adversaire exécuta une botte savante qui fit reculer davantage Lorki. Quelque chose tapa contre l'arrière de sa botte et il tenta de se rattraper, ne parvenant qu'à trébucher davantage sur le corps inconscient de sa seconde victime. Il s'étala de tout son long dans un grognement qu'il acheva dans un cri surprit lorsqu'une dague s'enfonça profondément dans son épaule. Les mâchoires serrées, grinçant des dents, il leva la tête pour croiser le regard fou de l'homme qu'il avait percuté en premier. Il avait l'air mal en point, de la sueur perlant sur son front et la respiration difficile mais en parfait état pour le blesser. Le Torkos se dégagea, se rappelant avec une seconde de retard qu'ils étaient toujours deux. Le coup de pied le cueillit à la lèvre et il goûta son propre sang lorsque celui-ci envahit sa bouche. Sonné, il attrapa à pleines mains la lame qui plongeait vers sa poitrine et parvint à la dévier à la dernière seconde. L'épée se planta dans la terre, emportant avec elle un morceau de sa tunique. Il asséna un coup de coude brutal en pleine figure de l'homme à la dague, le renvoyant à l'inconscience, et frappa le genou de son dernier assaillant dans le même temps. Celui-ci tomba tête la première et Lorki l'accueillit comme il se devait : les deux poings en avant. Il entendit le son écœurant d'un nez qui se brise. L'homme roula sur le côté et s'il essaya de se relever, sa tentative fut tuée dans l’œuf d'un coup bien placé. Le dernier des trois hommes rejoignit ses camarades dans les ténèbres.

Toujours allongé, Lorki leva les yeux vers le ciel pâle d'Îleglace. Ça faisait longtemps qu'il ne s'était pas retrouvé aux prises avec quelques brigands. Trop peut-être. Il avait manqué de prudence et surtout d'efficacité. Il aurait voulu rejeter la faute sur le froid qui lui engourdissait les membres et les raidissait d'une manière qui ne lui était pas habituelle. Mais la réalité était tout autre. Il était seul responsable. Un souffle tremblant lui échappa et un frémissement l'agita sans qu'il ne fasse un geste pour se relever. Avant qu'il puisse avoir l'idée de se redresser et d'aller voir si la femme qu'il avait secourue allait bien, les naseaux gris de Déméter entrèrent dans son champ de vision. Les lèvres de la jument happèrent ses cheveux et tira doucement dessus, reculant tout en soufflant. Il commença par râler puis finit par éclater de rire et la repousser :

- Oh ça va, arrête, lâche-moi, j'ai compris.

Elle émit un son et le lâcha, reculant davantage pour lui laisser un peu d'espace. Il roula sur le flanc en serrant les lèvres, réprimant des grognements, et se releva. Un vertige le fit chanceler et il se rattrapa à sa belle grise, celle-ci restant parfaitement en place, l'observant de son regard tranquille. Il sourit, amusé et nauséeux :

- Je t'avais pas dis de rester là-bas ?

Elle souffla et mâchonna son mors d'un air impatient. Il avait l'impression que s'il la lâchait, il tomberait. La dague dans son épaule pesait une tonne, lui donnait l'impression que son bras était en plomb. Troublant son équilibre, le rendant incertain de ses propres mouvements. Il se sentait gauche, fiévreux aussi, mais ça s'expliquait probablement par le fait que le sang chaud coulait et que ses plaies ressemblaient à d'improbables fournaises. Il se redressa tout à fait, relevant un dos qu'il n'avait pas eut conscience de courber, et vacilla avec un soupir. Tâchant d'ignorer les corps des trois compères, il chercha la demoiselle du regard, mettant quelques secondes de trop à focaliser son attention sur elle. Ne se faisant pas trop confiance pour la rejoindre sans trébucher, il garda la main sur la bride de Déméter et la rejoignit, se servant de la jument comme d'un repère et d'un soutien. Elle le laissa faire avec bonne volonté. Arrivé auprès d'elle, il tendit la main pour l'aider à se relever mais deux choses l'interpellèrent. Pour commencer, son bras refusa tout bonnement d'obtempérer. Secondement, sa main était couverte de sang. Le sien, pour être exact. Perplexe, il considéra sa paume rougie en fronçant les sourcils comme si ça n'avait aucun sens et secoua la tête. Recentrant sa attention sur elle, il la regarda attentivement, l'air concerné :

- Est-ce que vous… allez bien ? Il ne vous on pas fait de mal, ma Dame ?

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