| Sujet: Le temps guérit les plaies, mais pas les coeurs anxieux [PV Eve] 29/11/2015, 18:28 | |
| Rappel du premier message :Depuis déjà près de quatre décades, Dhankin avait commencé à se renfermer sur lui-même. Il ne plaisantait plus, souriait peu, ne proposait plus spontanément son aide à qui que ce soit, bien qu'il continue à accepter volontiers de l'offrir quand on la lui demandait, même Juka ne parvenait plus à le dérider. Il passait le plus clair de son temps auprès de ses griffos, seul à l'enclos ou en balade, parlant le moins possible à ses congénères. Il n'acceptait même plus l'aide des gamins qui venaient si souvent lui prêter main-forte sans quand il y était contraint, semblait avoir abandonné de faire de l'un deux son apprenti.
Tout avait commencé au départ de Kanaeko. Il avait fait bonne figure quand elle était venue lui en parler, ne voulant pas la retenir alors que ça semblait si important pour elle, mais déjà alors, il n'avait pas compris. Mais il s'était tu. Tout comme quelques jours plus tard, quand il avait été décidé qu'elle serait destituée de son rôle de chef. Il n'avait pas son mot à dire, ce n'était pas son rôle. Et quand bien même il l'aurait eu, il comprenait cette décision et ne voyait pas de raison de la contester. Il se demandait simplement, bêtement sans doute, ce que Kana en penserait lorsqu'elle rentrerait.
Seulement voilà, elle n'était pas rentrée. Il n'avait eu aucune nouvelle, ne savait pas si elle était vivante ou morte, ni même laquelle de ces deux possibilités le blesserait le plus. Mais à l'époque, bien sûr, il ne pensait pas encore à cela. Il pensait à Thanos, blessée, qu'il n'avait pas osé aller voir durant sa convalescence, se contentant de prendre de ses nouvelles auprès d'Aoki. Il pensait au clan, sans chef, mais pour ça il ne s'inquiétait pas vraiment. Il savait que Thanos et Asheema prendraient les choses en main. Et elles le firent.
Il ne dit rien non plus quand Isha fut nommé chef en remplacement de Kanaeko. Il n'avait rien à en dire, c'était un bon choix. Il lui avait peu parlé, mais il l'appréciait plutôt, et le savait soucieux clan avant tout. Les Ereshaï étaient entre de bonnes mains.
Puis Arasen était parti à son tour, et là non plus, il n'avait pas compris. Il avait apprécié l'Archer, bien plus qu'il n'avait bien voulu l'admettre, mais il aurait pu accepter son départ, même s'il l'aurait attristé, comme ceux de tous ceux qui n'étaient que de passage, si seulement ce dernier ne lui avait pas annoncé quelque temps plutôt qu'il voulait rester au clan. Il avait même été accepté parmi le clan, était devenu l'un des leurs. Et Dhankin y avait cru, bêtement, là encore. Et il avait disparu. Comme les autres. Comme toujours. Il aurait dû le savoir.
Depuis, il ne disait plus rien, ou si peu ; il continuait de se taire de plus en plus.
Peut-être que l'arrivée de Tanaki aurait pu le faire redevenir celui qu'il était auparavant, ne serait-ce qu'un peu, au moins pour un temps. C'était, après tout, presque un ami, quelqu'un qu'il appréciait du moins, et avec qui il aimait discuter, mais dont il n'attendait rien, avec qui les choses étaient claires et simples, sans ambiguïtés ni doutes. Seulement voilà, le Marchesable ne semblait pas dans un meilleur état que lui, et il n'avait pas trouvé le courage de l'aborder pour en connaître la raison. D'ailleurs, ce dernier avait quitté le clan avant qu'il ne se décide à lui parler.
La jeune femme qui était arrivée avec Tanaki, dont le Dresseur ignorait jusqu'au nom, avait pour sa part passé le plus clair de son temps dans la tente d'Aoki, tant elle était arrivée dans un état, physique cette fois, déplorable. Et de toute manière, il préférait rester à l'écart des étrangères désormais. Il avait appris sa leçon.
Dans son état, l'annonce de la mort du Mâss ne lui avait fait ni chaud ni froid. Le départ du clan pour Opale pour se rendre aux cérémonies, en revanche, n'avait en rien amélioré son humeur. Car, morte ou vive, c'était là que se trouvait celle qu'il avait considéré si longtemps comme sa sœur, et à qui il s'efforçait, sans grand succès, de penser le moins possible.
Quand il fut question de se rendre dans la capitale Mésorianne pour rendre hommage au Mâss disparu et à son successeur, il hésita longuement. Des Dräoxi seraient probablement là-bas, ou des gens qui les connaissaient... Il n'avait certes aucune envie de revoir Lëxi, mais ça pouvait être une occasion d'avoir des nouvelles de sa sœur, de savoir ce qu'il lui était arrivé. Sauf que...
Sauf qu'il n'était pas sûr de vouloir savoir. Soit elle était morte, soit elle était bien vivante et avait tout bonnement choisi de les abandonner, sans un regard en arrière ni même un mot d'adieu pour les avertir. Et il savait trop bien que ces deux possibilités le terrasseraient.
Aussi, il avait fini par décider de rester. De toute manière, il y avait le campement à mettre en place. L'installation était déjà commencée, bien sûr, mais il y avait encore fort à faire. Il y avait toujours à faire, de toute façon.
Ce matin-là, il installait donc l'enclos, débarrassé des tuniques qu'il avait commencées à porter au milieu de l'hiver sur Belhovre – seul point positif qu'il trouvait à la venue du clan sur Opale. Et encore une fois seul. Bien sûr, un certain nombre d'Ereshaï étaient venus lui proposer leur aide pour cette tâche pour le moins fastidieuse, mais il avait obstinément refusé. Le travail lui vidait la tête, et les griffos étaient des aides bien suffisantes pour porter les rondins trop lourds pour lui seul.
La seule qui osa troubler sa solitude fut Asheema. Il l'avait esquivée autant que possible, ces derniers temps, ne voulant pas subir l'un de ses sermons, mais étrangement elle ne lui en fit aucun, se contentant de lui annoncer que leur invitée se portait mieux et que, Aoki n'ayant plus à la garder constamment auprès de lui, elle serait désormais logée chez lui. Il ne trouva rien à répondre à cela, mais son regard fut suffisamment éloquent quant à ce qu'il en pensait.
À une autre époque, il serait allé au-devant d'elle, se serait proposé de lui faire visiter le nouveau campement, aurait préparé sa yourte pour l'accueillir et l'aurait invitée à se mettre à l'aise. Mais cette époque-là était désormais résolue. Il se contenta de se remettre au travail, gageant qu'elle saurait bien le trouver quand elle en aurait besoin.
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