Lëxi tenait si fermement la main de Hirathxi qu'elle se demandait si elle n'était pas en train de lui faire mal, mais elle ne parvenait à desserrer sa pression. Les deux chasseurs pénétrèrent dans le campement des Dräoxi, et il ne fallu pas bien longtemps pour que leur entrée soit remarquée. Les guerriers étaient toujours à leur entrainement, tandis que les chasseurs n'étaient pas encore revenus de leurs parties de chasse. Ce sont des petits garnements qui donnèrent l'alerte de la présence des deux jeunes gens. Sans arrière pensée aucune, ils étaient simplement surexcités de les revoir.

« Croc-de-Ligor est revenue ! Croc-de-Ligor est revenue ! Le silencieux aussi ! »

Lëxi ne put s'empêcher de grincer des dents sous cette appellation. Oh, bien sûr, c'était son nom et elle avait eu l'habitude de se faire appeler uniquement par ce suffixe. Mais Khanxi était morte, et ce surnom devenait véritablement un crève coeur. Si son père acceptait qu'elle reste parmi eux, elle lui demanderait de changer son nom. N'importe quoi d'autre valait mieux que ce souvenir douloureux.

Les cris des gamins ne manquèrent pas de semer le trouble dans le camp. Chacun y allait de son petit coup d'oeil, mais ne se déplaçant pas pour autant, préférant éviter de s'attirer les foudres du chef en agissant de manière opposée à ses attentes. L'on chuchotait, l'on regardait d'un air compatissant parfois. La jeune femme se sentait terriblement mal à l'aise, mais elle tenait bon. Elle s'adressa à une femme qui était occupée à lisser une grande peau de zèbre avec un caillou pointu.

« Sais-tu où se trouve mon père le chef ? »

La femme ne leva pas les yeux de son travail et resta quelques secondes silencieuse avant de répondre à la chasseresse.

« Il doit encore s’entraîner près du poteau. »

Lëxi regarda au loin. C'est vrai qu'elle aurait dû y penser toute seule, déjà deux années auparavant c'était à cet endroit qu'il passait le plus clair de son temps. Elle se tourna vers Hirathxi, essayant de dissimuler l'appréhension qu'elle pouvait ressentir.

« Tu... Restes avec moi, ou tu préfères passer voir ton père et ta soeur ? »

Question idiote au demeurant, mais elle avait besoin d'entendre de sa bouche qu'il ne la laisserait pas tomber. S'il la lâchait maintenant, elle risquait de perdre toute volonté face à son paternel et se mettre à s'excuser à tout va, alors que c'était précisément ce qu'elle souhaitait éviter. Pour réintégrer les Dräoxi, elle le savait, elle devrait montrer que sa lâcheté passée était de l'histoire ancienne. Elle devait se montrer aussi forte qu'elle le pouvait.

Lëxi déserra son étreinte sur la main de son ami, désormais rassurée. Elle savait qu'elle pouvait toujours compter sur son soutient, et il le lui avait encore une fois prouvé malgré les deux longues années d'absence. Ils avaient beau ne pas s'être vus depuis tout ce temps, elle retrouvait l'homme avec qui elle avait grandi. Il était toujours le même, et elle lui en était tellement reconnaissante.

Arrivant à la hauteur de son père, elle s'arrêta instinctivement quelques mètres avant qu'il s'apperçoive de leur présence. Elle appréhendait tellement, et les paroles de Hirathxi ne la rassuraient pas tellement.

« Oui... Allons-y. »

Ils s'avancèrent alors, et Dräoxi se retourna alors. Surpris, il stoppa son entrainement. Il ne s'attendait plus à ce qu'on lui ramène sa fille. Avec le temps, il s'était convaincu qu'elle devait probablement être morte, ou avoir rejoint un autre clan. La voir était étrange. Sa première réaction fut de lever la main sur elle, mais il n'en fit rien, la snobant et se tournant plutot vers le chasseur à ses côtés.

« Hirathxi ! Quelle joie de te revoir, fils. Je savais que je pouvais te faire confiance pour me la ramener. »

Le chef de clan tendit la main pour serrer celle de son chasseur. C'est vrai, il lui en était reconnaissant, même s'il ne savait pas encore à cet instant que c'était le hasard - ou le destin - qui avait fait en sorte que Lëxi et Hiratxhi se croisent alors qu'elle rentrait de son plein gré au campement des Dräoxi. La jeune femme baissait d'ailleurs les yeux, elle était mal à l'aise et n'osait lui dire qu'elle avait décidé de rentrer toute seule. Du moins, pas ainsi, pas devant tout le monde. Il lui fallait une discution en privé avec son père.

« Père, je suis de retour, c'est un fait. Que Hirathxi en soit la raison ou non, nous devrions peut être continuer cette conversation dans votre tente où nous serons plus tranquilles. » Elle avait prononcé ces mots sans prendre la peine de respirer, elle était à bout de souffle, le rythme endiablé des battements de son coeur ne lui facilitant pas la tâche. « Et j'ai décidé moi même de revenir parmi vous. J'ai simplement croisé Hirathxi en chemin. »

Ces derniers mots ne manquèrent pas de surprendre Dräoxi qui leva les sourcils. Etait-elle sérieuse ? Si vraiment elle avait décidé seule de revenir, cela sous entendait qu'elle n'était plus aussi lâche que deux ans auparavant ? Réellement ? Il avait du mal à le croire, mais devait bien admettre que l'expression qu'elle esquissait lui plaisait. Elle semblait plus fière, plus courageuse. Il devait bien admettre que les écouter était sans doute ce qu'il y avait de mieux à faire.

« Très bien, suivez moi tous les deux. Apoxi, prends la suite de l'entrainement. »

Apoxi acquiesa, et Dräoxi tourna les talons pour se diriger vers sa tente. Lëxi lui emboita le pas, suivie par Hirathxi. Elle était anxieuse, espérant que son père s'était radoucis durant ces deux années. Elle jeta un oeil circulaire au campement en marchant, et fut surprise de découvrir un enclos avec quelques griffos et une jeune femme en train de s'en occuper. Des griffos ? Dans le clan Dräoxi ? C'était... Suprenant. Bien des choses semblaient avoir changées en son absence.

Les jeunes gens entrèrent dans la tente du chef de clan qui, elle, n'avait pas changée. Elle possédait toujours cette vieille odeur de peau tanée que la chasseresse adorait depuis l'enfance, et le siège en peau et en os n'avait pas changé. Dräoxi pris d'ailleurs place sur celui ci, n'invitant pas ses interlocuteurs à s'asseoir. Ils n'étaient pas là pour partager une tasse de thé.

« Nous voilà seuls, comme tu le souhaitais. Hirathxi, je suis surpris de ne pas t'avoir revu depuis que tu es parti à sa recherche. Tu n'étais pas obligé de ne revenir qu'à condition de l'avoir retrouvée. J'aurais accepté des retours bredouilles avec simplement quelques ouïes dire. »

Le chef parlait de sa fille comme si elle n'était pas dans la pièce avec eux, et cela commençait doucement à agacer la jeune femme. Elle avait envie de le gifler, de lui dire qu'elle était là. Elle avait longtemps eu peur de son père, mais cela lui avait fait oublier à quel point ses manières détestables à son encontre pouvaient l'énerver. Elle se tut cependant, préférant attendre son tour pour s'exprimer.